Après la jouissive adaptation d'Il Campiello, de Goldoni, montée par Serge Denoncourt à la fin de l'an dernier, le Théâtre de l'Opsis poursuit son cycle italien avec la pièce Bar, du dramaturge Spiro Scimone, dans une mise en scène de Luce Pelletier.

Comme au début de son cycle états-unien, entamé en 2006, Luce Pelletier n'a pas d'emblée établi de lien entre les pièces italiennes qu'elle présentera au cours des deux prochaines années. Même si, finalement, le thème de la famille s'est dégagé des huit pièces américaines créées par l'Opsis.

Cette fois encore, elle nous fait découvrir des auteurs contemporains qui nous sont totalement inconnus, tout en revisitant l'univers de dramaturges établis comme Carlo Goldoni. Qui sait, à la fin de ce nouveau cycle, on trouvera bien des liens utiles avec cette nouvelle mosaïque...

Ce court texte de Spiro Scimone, souvent joué en France, la directrice artistique de l'Opsis l'a lu l'an dernier dans une traduction française, dans la foulée de ses voyages de reconnaissance en Italie.

«Sa forme d'écriture est très attirante, nous dit Luce Pelletier. Ç'a été pour moi un premier coup de coeur. C'est drôle, absurde. Ses phrases sont fignolées, mais vont à l'essentiel. Il raconte une histoire dans le désordre. C'est un univers qu'on pourrait comparer à celui de Samuel Beckett ou encore de Harold Pinter pour le rythme.»

L'action se déroule à l'arrière d'un bar sicilien et réunit deux amis un peu paumés (Marc Beaupré et Pierre-François Legendre), qui espèrent tous deux changer le cours de leur vie. Le premier est chômeur et fraye avec la mafia, l'autre travaille comme barman dans ledit café-bar. Mais tous deux aspirent à plus, et mieux. Sauf que leurs projets peinent à prendre forme.

«J'ai en tête l'image de deux clowns, très candides, très optimistes, qui rêvent à voix haute», détaille Marc Beaupré, qui a dû remplacer Jean-Nicolas Verreault au pied levé il y a un mois... «C'est vrai, renchérit Luce Pelletier. Ils sont un peu comme Sol et Gobelet. Il y a beaucoup de naïveté dans leur discours. Et beaucoup de digressions. On saute continuellement du coq à l'âne.»

Encore une fois, la directrice artistique de l'Opsis est parvenue à réunir des comédiens de talent et d'expérience qui aiment «fouiller des textes». Après sa lecture de Bar, Luce Pelletier a tout de suite pensé à Pierre-François Legendre (inoubliable Carlos dans Les Invincibles) qu'elle avait dirigé dans Le bruit et la fureur, une pièce de William Faulkner présentée en 2008. Quant à Marc Beaupré, qu'on a vu dans L'avare l'été dernier, dans Cendres (de Jérémie Niel) et qui a signé une mise en scène originale de Caligula au mois de mai, il a vite pris sa place dans cette partition à deux voix.

«Je pensais passer un début d'hiver tranquille, mais j'étais content d'embarquer dans le projet, même si au départ Luce cherchait un grand...» indique-t-il amusé. Pierre-François Legendre s'est vite adapté à son nouveau partenaire de jeu, qu'il ne connaissait pas. «On avait fait la mise en place avec Jean-Nicolas, mais on n'avait pas encore travaillé le rapport des deux personnages, qui est vraiment le plus important. Donc, Marc est arrivé juste au bon moment.»

Bar fait donc le récit de ces deux Vladimir et Estragon des temps modernes, qui nourrissent leur quotidien, quatre jours durant, de rêves et d'espoirs. «Les dialogues sont très simples, très quotidiens. Il n'y a rien de philosophique, constate Marc Beaupré. Ce que je trouve intéressant, c'est qu'il y a des trous dans le texte qui font en sorte que les spectateurs comprennent des choses que les personnages tentent eux-mêmes d'éclaircir.»

Les comédiens ont été confinés à un espace réduit. Avec l'idée d'un radeau un peu rafistolé dans lequel les deux personnages se perdent. «Les personnages ne se disent pas: maudit qu'on est paumés! précise Marc Beaupré. Au contraire, ils sont tellement sûrs de sortir de leur misère. Dans ce sens, ils sont très attachants, mais ils finissent par se casser le nez. «Ce sont deux adultes dans des têtes d'enfants», conclut Pierre-François Legendre.

Bar, du 10 janvier au 5 février, au Théâtre Prospero.