Maka Kotto, nouveau ministre de la Culture et des Communications du Québec, est un poète. Il a publié Femmes, une exaltation poétique de la femme, et Pauline, un poème à la gloire de Pauline Marois. Mais en attendant de remporter le Nobel de la littérature, il a un ministère à diriger et des promesses à tenir.

«Nous allons nous inscrire dans la verticalité.» Cette phrase lancée tout naturellement par Maka Kotto, au milieu de son bureau montréalais avec une terrasse à tomber par terre et une vue imprenable sur le Vieux-Montréal, me laisse bouche bée et parfaitement mystifiée. Pardon? Je n'ai aucune idée de ce qu'il veut dire. La question était pourtant simple: quelle sorte de ministre de la Culture serez-vous? Si je me souviens bien, j'ai posé la question il y a cinq bonnes minutes et, depuis, Maka Kotto parle, parle et parle. Sa voix est douce et enveloppante: la voix d'un acteur professionnel. Son vocabulaire est impeccable, quoiqu'un peu trop lyrique à mon goût. Jusqu'à maintenant, j'ai réussi à suivre, mais là, avec son inscription dans la verticalité, il m'a perdue.

Pourriez-vous préciser? J'ai peur de ne pas comprendre... Maka Kotto plante son regard doux brun chocolat dans le mien et lance tout bonnement: «Ce que je veux dire, c'est que nous allons nous tenir debout». Ah!

Maka Kotto parlait en fin de compte de ses relations avec Ottawa et voulait me dire que contrairement à la ministre Christine St-Pierre, il se montrerait plus vigoureux et «vertical» dans ses négociations avec le fédéral - si tant est que son gouvernement soit au pouvoir assez longtemps pour pouvoir négocier quelque chose.

Maka Kotto aurait pu me répondre simplement qu'il avait l'intention de tenir tête au gouvernement, au lieu de se lancer dans ses impossibles périphrases. Mais l'acteur grandiloquent en lui n'est jamais loin du politicien. Cela va bientôt faire dix ans qu'il s'est lancé en politique et six ans qu'il n'a pas tourné un film: on peut sortir le ministre du théâtre ou du cinéma, mais plus difficilement le contraire.

En même temps, sa performance dans Bourget, où il a été élu avec 16 379 voix et une majorité de plus de 8500 voix, laisse croire que sa théâtralité plaît aux électeurs. Aux élections du 4 septembre, il a non seulement battu les résultats de Diane Lemieux - qui a remporté la même circonscription en 2007 avec 13 422 voix -, mais il a battu Camille Laurin, qui s'est fait élire dans Bourget en 1994 avec 3700 voix de moins que lui.

Bref, sa légitimité de député est entière. Pour ce qui est du ministre, cela reste à prouver. Et d'autant plus que le gouvernement de Pauline Marois semble prêt à sauter à n'importe quel moment.

Des promesses

«Vous comprendrez que c'est difficile pour moi d'entreprendre quoi que ce soit, étant dépendant de la durée de vie que me donnera l'opposition», lance-t-il, avant de répéter à plusieurs reprises que son approche sera toujours celle de la main tendue et de l'écoute respectueuse, que ce soit avec Ottawa ou avec l'opposition à Québec.

Mais une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit grand-chose. Qu'en est-il des promesses de rapatriement des pouvoirs et des compétences en culture au Québec mentionnées pendant la campagne électorale? Est-ce qu'il y a un plan de match? Et que dire de la somme totale de 36 millions qu'il jurait d'injecter dans des organismes comme la SODEC (8 millions), le CALQ (13 millions) et Télé-Québec (10 millions)?

«Nous ne renonçons pas à nos promesses, répond-il. Je travaille depuis que je suis arrivé en poste à un plan d'action qui sera soumis au Conseil des ministres avant d'être intégré dans le discours inaugural du 30 octobre. Avant cela, je dois attendre que la première ministre me fasse savoir quelles sont ses priorités en matière de culture.»

Mais attendre les directives de Pauline Marois n'a pas empêché le ministre de fouiller dans les livres du Ministère et de prendre la mesure de l'héritage des libéraux et de la ministre St-Pierre.

«J'ai beaucoup d'estime pour Christine St-Pierre et je n'ai pas l'intention d'être critique à son endroit. Je sais dans quelles conditions elle a travaillé. Je connaissais le statut précaire de son ministère, son anémie. C'est un ministère qui essentiellement fonctionne avec une carte de crédit et qui a un cadre financier très limité. Tout l'argent de son PQI [plan quinquennal d'immobilisation] a été dépensé, de sorte qu'il ne reste plus rien dans la réserve. Là où je ne suis pas d'accord avec la façon de faire de la ministre, c'est lorsqu'Ottawa coupait, elle couvrait avec sa carte de crédit. Moi, j'ai l'intention de m'y opposer beaucoup plus vigoureusement.»

Père de six enfants, dont deux issus d'une autre union et quatre qui sont les enfants de sa conjointe Caroline Saint-Hilaire, mairesse de Longueuil, Maka Kotto veut être le ministre des artistes. Pas le ministre du béton. Il n'a pas tellement le choix.

Nuance et tolérance

Il ne compte pas rejouer dans un film avant la fin de sa carrière politique, mais s'est découvert un appétit pour l'écriture et la poésie. Lorsqu'il siégeait à Ottawa pour le Bloc québécois, il tenait un journal de bord. Mais ces jours-ci, le tourbillon de la campagne et des élections a eu raison de ce journal.

«Avant de me lancer en politique, j'avais une vision cynique et radicale de la politique, mais depuis que j'en fais, ma lecture est beaucoup plus nuancée et tolérante», affirme-t-il.

Maka Kotto était au Métropolis le soir de l'attentat, mais il a quitté la salle avant les événements. «Je voulais pouvoir entendre le discours de Pauline dans le calme chez moi.» Il est retourné au Métropolis le soir du spectacle-bénéfice pour Denis Blanchette. On l'a vu assis au balcon à côté de la première ministre. Mais lorsque je lui demande quel artiste l'a particulièrement touché ce soir-là, il me sert une réponse de politicien. «Chacun à sa manière m'a touché.» Chez Maka Kotto, l'acteur n'est jamais loin du politicien. Et comme il l'a avoué lui-même dans un journal camerounais: il a été programmé pour fonctionner n'importe où, dans n'importe quelles conditions. Bref, donnez-lui un rôle, et il le jouera.