Situé en bord de mer, Juhu est un quartier chic de Mumbai. Il n'est pas rare d'y voir circuler les vedettes de cinéma ou les y surprendre dans les restaurants branchés. Au coeur de Juhu, les frères Salim et Sulaiman Merchant ont construit leur studio, ce qui n'est pas le fruit du hasard. On pénètre dans le sous-sol d'un édifice qui n'a l'air de rien et... surprise: star de la musique bollywoodienne au travail.

Directeur musical, réalisateur, compositeur, parolier et chanteur très connu en Inde, Salim Merchant supervise l'enregistrement d'une chanson associée à la trame sonore du film Schakravyu, encore en chantier. Réalisé par Prakash Jha, cinéaste reconnu pour son engagement social, le film porte sur les Naxalites, maquisards indiens d'extrême-gauche.

Salim Merchant y est mis à contribution pour la création de la bande originale. L'équipement dernier cri et les installations n'ont ici strictement rien à envier aux meilleurs studios des grandes capitales de l'Occident.

«L'homme qui a construit notre studio a déjà fait de même à Abbey Road comme pour les musiciens de U2. À la retraite, Andy Monroe ne travaille désormais qu'avec ces musiciens avec qui il fraternise. J'ai eu de la chance, mais il faut dire que notre marché le permet. Après tout, il existe plus de 150 studios d'enregistrement à Mumbai, qui compte plus de 20 millions d'habitants», explique le propriétaire des lieux.

La renommée de Salim Merchant, il faut dire, est tributaire de Bollywood, cette très puissante industrie du cinéma qui domine la culture populaire en Asie méridionale. Puisque le cinéma indien produit surtout des comédies musicales, une armée de musiciens est mise à contribution. Salim Merchant et son frère Sulaiman en sont parmi les plus hauts gradés en plus de briller dans la constellation des pop stars de l'Inde. Juge à la très populaire émission Indian Idol (même concept qu'en Amérique), Salim est une vraie vedette dans ce marché hallucinant.

L'ascension professionnelle des Merchant remonte aux années 90, Salim raconte:

«Mon frère et moi avions entrepris d'enregistrer des musiques folkloriques de différentes parties du pays. Nous avions mixé ces enregistrements aux studios de Peter Gabriel, en Angleterre. C'était trop tôt, j'imagine, car Real World n'avait pas voulu sortir ces chansons. Il faut dire que le label se remettait à peine d'un échec commercial avec la musique indienne - un album du mandoniliste virtuose U. Srinivas.

«Nos chansons ont fini par sortir chez Virgin trois ans plus tard, trois années d'attente où j'ai dû composer des jingles publicitaires. Puis j'ai commencé à créer les musiques instrumentales de films qui ont bien marché, après quoi on m'a en laissé faire les chansons. Des chanteurs indiens m'ont alors approché afin que je réalise leurs tubes, j'ai lancé mes propres chansons avec mon frère et notre carrière a fini par décoller. Nous avons obtenu du succès.»

Au-delà de la pop culture

On aura saisi que le tandem Salim-Sulaiman est archi-connu à travers l'Inde et sa diaspora, le groupe des frangins se produit partout sur terre où il y a des Indiens. Une tournée canadienne est d'ailleurs prévue l'automne prochain.

«En concert, indique Salim, mon frère joue de la percussion électronique en direct (zen drum), alors que  j'assure aux claviers et je chante. Notre formation compte huit musiciens en tout: autres claviers, batterie, basse, choristes, etc. De plus, nous collaborons régulièrement avec des orchestres de chambre ou symphonique; par exemple, nous avons travaillé avec le Houston Symphony Orchestra.»

Malgré cette place de choix qu'ils occupent dans l'industrie du divertissement indien, les frangins Merchant rêvent d'une industrie de la musique plus autonome, moins dépendante du cinéma.

«En Inde, soulève notre interviewé, il n'y a pas d'industrie de la musique, cette dernière est dépendante de l'industrie du film. Inchangeable? Non. Au cours des dernières années, des films indiens se sont dégagés du modèle de la comédie musicale. Nos chansons doivent généralement être liées à Bollywood, il faut l'admettre, mais il y a quand même de l'espoir pour la vraie création.

«Car cette industrie s'ouvre progressivement à une plus grande diversité de propositions; jazz, funk, métal, electronica et autres styles se fondent dans la pop indienne. Bollywood recherche plus d'artistes originaux que par le passé. Plus qu'il n'y paraît: ce que vous voyez à la télé et écoutez à la radio, ce sont les productions qui peuvent compter sur les plus importants budgets. Les films plus créatifs, eux, sont diffusés plus discrètement. Quant à la musique vraiment cool, vous ne l'entendrez jamais à la radio.»

Bien qu'il fasse fortune dans la pop culture, Salim Merchant tient aussi à se frotter aux tendances plus pointues de la nouvelle musique indienne. Par exemple, il a déjà participé à certaines tournées du projet Tabla Beat Science, mené par le regretté Sultan Khan et l'avant-gardiste américain Bill Laswell. Il collabore actuellement avec Karsh Kale, Américain d'origine indienne considéré parmi les initiateurs de l'indian underground - et qui se retrouve régulièrement à Mumbai.

«Je fréquente les deux mondes.»

Liens utiles :

Salim-Sulaiman, site officiel : https://www.salimsulaiman.com/#/home

Profil Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Salim-Sulaiman

Liens Youtube :

https://www.youtube.com/watch?v=pElk1ShPrcE&feature=youtube_gdata_player

https://www.youtube.com/watch?v=p_TcbybfLAY&feature=youtube_gdata_player

https://www.youtube.com/watch?v=nmaIBlGLVcs&feature=youtube_gdata_player

https://www.youtube.com/watch?v=4W9NMjXFkoM&feature=youtube_gdata_player

https://www.youtube.com/watch?v=elnAgMP48AI&feature=youtube_gdata_player

https://www.youtube.com/watch?v=gDlnsA5c5Ug&feature=youtube_gdata_player

https://www.youtube.com/watch?v=-3B1587w8 Lk&feature=youtube_gdata_player