Il y a des gens qui l'assument. D'autres qui le cachent. Mais l'existence du phénomène est indéniable: parmi les grands amateurs de Harry Potter se cachent une foule de lecteurs qui, de toute évidence, sont beaucoup plus dans la cohorte démographique de Bobino que de Vrak.tv.

Le phénomène est bien documenté. Mais ce dont on parle moins souvent, ce sont toutes ces mères de famille qui trouvent le temps de lire les aventures de Harry Potter, alors qu'elles n'ont d'habitude jamais une minute pour la lecture. Ces êtres chroniquement débordés qui attendent que les romans soient sortis en film pour aller les voir.Je les connais bien, j'en fais partie. Et c'est pour cela que je lance une hypothèse pour expliquer cet improbable engouement maternel pour la lecture de romans fantastiques.

Elle tient en un mot et deux lettres: J.K. Rowling.

J.K. a écrit un livre pour les enfants, mais aussi pour elle. Et ainsi, elle nous rejoint toutes.

Tissés dans la trame narrative destinée à enflammer l'imagination des plus petits, sont parsemés les éléments-clé de l'univers de la mère de famille tels que vus et vécus par l'auteure géniale de ces succès planétaires.

L'écrivaine britannique n'est pas la première à faire cela. Au cinéma, par exemple, plus un film pour enfant ne sort sans que s'y cache un second degré destiné à faire sourire les parents. Un des meilleurs exemples demeure le film Toy Story 2 (infiniment meilleur que le premier), rempli de blagues et de références cinématographiques qui font sourire les adultes pendant que les bambins se pâment devant Buzz Lightyear.

Pour les Harry Potter, c'est pareil. Les mères s'y retrouvent, à mille et un niveaux.

Il y a d'abord tous ces petits clins d'oeil à la vie que fait Rowling en appliquant la magie aux tâches quotidiennes, notamment chez la famille Weasley où la mère a, par exemple, une horloge lui indiquant non pas l'heure mais là où ses sept enfants se trouvent.

Et puis il y a ces elfes de maison, les Dobbie, Kreachers et ceux qui travaillent à Poudlard, dont la tâche est de faire tous les travaux domestiques sans que personne ne les voie. Quelle mère de famille n'a pas souri en lisant cela, parce que quelle mère de famille n'a pas un jour fait un discours à ses enfants pour leur demander s'ils pensaient que des magiciens invisibles faisaient le ménage.

«Qui, pensez-vous, ramasse vos traîneries? Une sorte de magicien? (Some kind of wizard?)» demandait l'humoriste américaine Rosanne, dans sa comédie éponyme, bien avant qu'Harry n'arrive dans nos vies

Cela dit, au-delà de ces détails, c'est réellement la force des personnages féminins et de leurs gestes qui vient nous chercher.

On pense évidemment à Lili, la mère de Harry, qui s'est jetée devant Voldemort pour protéger son bébé et qui en est morte. Et dans le septième tome, les gestes de cette nature se multiplient. La colère et la bravoure de Molly Weasley, nous y tire les larmes. Tout comme le geste maternel très fort et très surprenant de Narcissa, la mère de Drago Malefoy.

Évidemment, il y a aussi des méchantes dans les «Harry Potter», dont la terrible Bellatrix Lestrange, la meurtrière de Sirius Black, qui - ma collègue Sonia Sarfati en est convaincue - se surpasse dans le Mal pour prouver son amour à Voldemort.

Peut-être que l'interprétation magistrale qu'en fait Helena Bonham Carter dans le film Harry Potter et l'Ordre du Phénix y est pour quelque chose, mais toutes les mères à qui j'ai parlé du personnage m'ont répondu la même chose: Wow! Bellatrix n'a pas d'enfants, mais si elle avait une fille, elle l'appellerait probablement Katrina, en hommage à l'ouragan. Et on trouverait ça drôle. Car Bellatrix est la caricature de la méchante qui se cache en nous quand on fait une crise de nerfs. Sauf que Bellatrix, elle, ne se sent jamais coupable.

Peut-être que les mères de famille de ce monde devraient lire Françoise Dolto plutôt que Harry Potter, ou alors Margaret Atwood, comme Hermione, ou Doris Lessing, qui vient de gagner le prix Nobel.

Peut-être.

Mais quand elles en auront le temps.