Oui, soirée d'élections au 31e gala de l'ADISQ, en direct du Théâtre Saint-Denis: les votes populaires ont en effet souligné l'importance des artistes qui font consensus dans toutes les couches de la population. Dimanche soir, Ginette Reno, Mes Aïeux, Nicola Ciccone ont remporté l'un ou l'autre des quatre Félix remis par le public.

> La liste des gagnants de la soirée

C'est la toujours plus que populaire Ginette Reno qui remportait d'ailleurs le plus grand nombre de trophées, cette année, ses quatre statuettes sous le bras. En fait, Ginette Reno a quasi répété son exploit de... 1980, puisqu'elle avait alors gagné, pour l'album Je ne suis qu'une chanson les mêmes trois trophées, soit Interprète féminine, Meilleur vendeur et Album de l'année (à l'époque, on disait Microsillon de l'année), plus la chanson de l'année... ou presque: en 1980, c'était l'auteure Diane Juster qui avait remporté le Félix pour la chanson du même titre). Vingt-neuf ans plus tard, Ginette Reno répète l'exploit pour l'album et la chanson Fais-moi la tendresse. Bref, elle a incarné littéralement ce qu'elle a souvent dit: l'important, c'est de durer.

Pour sa Ligne orange, Mes Aïeux ont eu droit à la fois à un trophée remis par leurs pairs (Album folk-contemporain) et à un trophée remis par le public (Groupe de l'année, adjugé pour la première fois par vote populaire): «On est content, c'est certainement notre album le plus collectif, tout le monde a au moins une composition sur le disque», a dit Marie-Hélène Fortin en salle de presse, alors que Stéphane Archambault précisait aux journalistes que toute la catégorie folk-contemporain méritait d'être achetée au complet car «vraiment tous ces albums le méritaient». Il a raison.

Quant à Coeur de pirate (alias Béatrice Martin), Félix de la révélation de l'année en mains, elle a déclaré aux médias, un peu beaucoup estomaquée: «J'ai jamais rien gagné, et là, je gagne un Félix!» Bonne nouvelle pour ses nombreux fans, elle nous a aussi affirmé qu'elle avait écrit plein de nouvelles chansons.

Pour ce qui est de Yann Perreau, auteur-compositeur de l'année, il a précisé qu'il était content d'être «reconnu plutôt pour mon métier que mon déhanchement.» Cette année est particulièrement heureuse pour Perreau: «Ce qui me fait plaisir, plus que les critiques, c'est le public aime aussi ce que je fais. Venez me voir en show, c'est là que vous allez pogner votre plus grosse puff

Même sourire heureux chez Pierre Lapointe (album pop-rock de l'année) parce que «ça veut dire que ça dure.» Pas toujours évident dans un petit marché comme le Québec, mais les spectacles que Lapointe a fait ses derniers temps en Europe lui font apprécier notre caractère distinct: «Je peux faire toutes sortes de projets, ici, ce qui est bien plus difficile pour un artiste en Europe. Nos ventes d'albums se maintiennent, c'est là que je réalise à quel point on vit dans un écosystème magique!»

Karkwa opinait dans le même sens en recevant le trophée pour le spectacle de l'année - auteur-compositeur-interprète: c'était le neuvième Félix que remportait le groupe en cinq ans de carrière! Il y a peu d'endroits ou une telle chose serait possible - et aussi méritée, précisons-le car ce spectacle est parmi les meilleurs vus au cours des dernières années.

Pour sa part, Nicola Ciccone ne cherchait pas à justifier son trophée d'interprète masculin de l'année : il a fait vraiment beaucoup de spectacles, un peu partout dans la province, et cela lui suffisait. «Et puis, des fois, en amour, c'est mieux, ne pas expliquer, c'est ça, le mystère de l'année», a-t-il gentiment expliqué aux journalistes.

Beaucoup de jeunesse, donc, sur scène et dans les prix. Mais les vrais moments d'émotion de la soirée sont venus des «vétérantes». D'abord, Renée Martel, qui était pour la première fois en 57 ans de carrière en nomination dans la catégorie «spectacle de l'année - interprète», après avoir reçu le trophée album de l'année - country, lundi passé, à l'Autre Gala de l'ADISQ. Il n'y a peut-être pas eu de Félix hommage cette année, mais je crois que tant l'ovation que la foule du Théâtre Saint-Denis lui a fait que les deux Félix reçus par Renée Martel - qui témoignent de la vigueur de sa carrière et non de sa durée - ont tout à fait tenu lieu d'hommage.

Quant à Ginette Reno, elle a été à la hauteur de sa carrière: intense, entière, unique en son genre.

Au cours du ce «gala numéro 31», Louis-José Houde a soutenu que si on soufflait sur quelque chose en musique, ça allait mieux, que ce soit un vinyle, un CD, une cassette, un iPod... Alors que les rumeurs vont et viennent sur la possibilité de galas parallèles, espérons de tout coeur que ce qui soufflait dimanche à l'ADISQ était un vent de renouveau et non un mistral fatal.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Renée Martel était très émue après avoir remporté le Félix du «spectacle de l'année - interprète».