L'infâme Mononc' Serge est de retour avec un nouvel album, baptisé 2015 : comme il le faisait il y a une vingtaine d'années, au début de sa carrière solo, Mononc' Serge s'est inspiré de l'actualité politique et culturelle. Il « chante » donc Couillard, PKP, l'État islamique et l'Ebola tel que « vécu » à Saguenay. Entre autres.

Pour marquer la sortie de son 12e album en 18 ans, Mononc' Serge, alias Serge Robert, le lancera trois fois : le 8 juin à Montréal, le 10 à Québec et le 11 à Trois-Rivières. Tout ça avant d'entreprendre une tournée « interlocale » qui compte notamment des arrêts au Festival Western de Dolbeau, aux FrancoFolies, au FestiVoix de Trois-Rivières et au Festif ! de Baie-Saint-Paul. Pas mal pour un chanteur qui « varge » sur le gouvernement et les médias tout en vantant les charmes d'une « hostie de bonne smoke ».

Mononc' Serge semble n'avoir pas changé d'un iota depuis notre première entrevue solo en 1996. Le visage, la silhouette sont les mêmes, les instruments de prédilection aussi (guitare, contrebasse). Bien sûr, le gars de 44 ans a plus d'expérience du métier et multiplie toujours les collaborations (avec le groupe métal Anonymus, avec Pépé, avec son groupe Les Sportifs). Et une fois de plus, son album est mélodieux : mêlant blues, folk-rock, chanson française et country, assaisonné d'arrangements arabisants, de plein de guitares et d'harmonies vocales, 2015 est un disque vraiment agréable au point de vue musical.

Cela accentue le contraste avec les paroles, qui ne font pas exactement dans l'harmonieux : « Voici notre premier ministre/devant sa base électorale/Les polices, les créationnistes/Et le bonhomme Carnaval/Ils tiennent ensemble leur conventum/Bien sûr, dans un Tim Hortons/Dont le café est à leur yeux/C'qu'y a d'mieux après les sables bitumineux », (Stephen Harper).

Je vous évite les liens établis par Mononc' entre le PCP et PKP, ou ses propos sur l'« Ayatollah Couillard », ou encore ses conclusions, euh, brunes sur la couverture médiatique des récents démêlés de Joël Legendre, vous irez les entendre vous-mêmes !

CHANTER L'ACTUALITÉ

C'est justement avec des chansons inspirées de l'actualité que le bassiste Serge Robert - le côté sain de ce givré de Mononc' Serge - avait débuté en 1996. Et son tout premier CD solo s'intitulait tout simplement Mononc' Serge chante 97.

« La bonne nouvelle, si on compare les chansons de 2015 à mes chansons d'actualité faites en 1997 et en 1998, souligne sobrement Serge Robert, c'est que le personnel a changé : il n'y a plus de chansons sur Preston Manning [Preston qui ?], Jean Charest et Saddam Hussein... C'est juste le fond - la corruption, la stupidité, etc. - qui est resté le même ! »

En 1998, c'est justement parce que les sujets se répétaient qu'il avait laissé tomber la chanson d'actualité pour mieux chanter sur des thèmes du genre Marijuana ou Les grosses torches acadiennes, sans oublier de s'en prendre à la famille Dion, mère, fille et imprésario.

« J'ai donc laissé le terrain en jachère pendant quelques années, la jungle a repoussé et disons que je viens de passer la tondeuse ! »

C'est pour la défunte émission Ce show, animée par Mike Ward, à MusiquePlus en 2014, que Mononc' Serge a repris le mode « chanson d'actualité », généralement sur le mode burlesque, scatologique, outrancier, etc. Mononc' a ensuite fait de ses prestations des capsules vidéo sur le site voir.ca. Et c'est là que, contre toute attente, quelque chose a changé.

« La première chanson que j'ai mise en ligne, c'était celle sur Charlie Hebdo. Qui n'était pas grossière ou burlesque : je m'interrogeais seulement sur la présence de tous ces dirigeants de pays où le droit de parole n'existe pas dans un défilé qui soulignait l'importance de la liberté d'expression. »

Mononc' met donc sa chanson sur internet, part faire des courses, s'occupe de son fils Émile, 11 ans, etc. : « Quand je suis allé voir si j'avais reçu des commentaires, il y en avait plein ! Plein de la part de gens qui exprimaient la même incrédulité devant ce qu'ils voyaient. C'était pas une chanson "comique", et pourtant, elle faisait de l'effet. »

« POSE-TOI DES QUESTIONS »

C'est ça qui a changé : l'air de rien, Mononc' Serge en fait un peu plus, de ces chansons qui s'interrogent sans sombrer dans le délire. Plus sur le mode « constat triste de la réalité » que « défoulons-nous en exagérant ». Aux côtés de tounes déchaînées comme PCP et PKP ou Ayatollah Couillard (dans laquelle Mononc' annonce l'islamisation du Québec, avec Michel Rivard qui serait obligé de chanter un jour « Je voudrais voir la Mecque » !) se trouvent des chansons plus « sociales » comme Charlie Hebdo, Les séparatistes, Fait très divers. Et une chanson dont le titre dit tout : Des questions. Où Mononc'Serge s'interroge : « Si les fachos partagent tes posts/Pose-toi des questions/J'm'en pose. »

« C'est le niveau de haine verbale, la virulence, que je trouve troublant sur les réseaux sociaux, explique-t-il. Que des gens pensent qu'une toune aussi burlesque qu'Ayatollah Couillard est une chanson "réaliste". Tu vois, pendant des mois, je me suis plongé dans l'actualité pour écrire ces chansons. Là, pendant l'enregistrement du disque, j'ai pris un peu mes distances par rapport à l'actualité. Et je m'en porte vraiment bien ! »

Car Mononc' Serge demeure avant tout un artisan. Artisan fantasque, débridé, excessif, certes, mais artisan toujours : la pochette et les dessins qui illustrent son album, c'est lui qui les a faits. « Je suis allé m'acheter de la gouache à L'Oiseau bleu et, en une soirée, j'ai fait des dessins à la gouache. Ça me ressemble : ça fait "brut", non ? »

Mononc' Serge est en spectacle partout au Québec, notamment aux FrancoFolies (avec Pépé et sa guitare), à l'Astral, le 17 juin. 

CHANSON

2015

Mononc' Serge

Productions Serge (numérique et CD)

Sortie mardi prochain

PHOTO FOURNIE PAR PRODUCTIONS SERGE

2015, de Mononc’ Serge