Pour ses incarnations folk, blues, gospel ou jazz, pour ses ornements de sons captés dans la vraie vie, pour l'originalité de l'angle d'attaque, pour l'assemblage unique de ses référents, pour la liberté planante qu'exhalent ses arrangements et sa réalisation, pour ses vibrations propices au décollage, l'album Good Will Come to You fascine. Voilà autant de raisons pour vous en présenter le concepteur, certes l'une des meilleures prises locales de Pop Montréal cette année.

Jean-Sébastien Audet, alias Un Blonde (prononcer «onblond»), a enregistré Good Will Come to You dans son appartement du quartier Parc-Extension. Appartement modeste, tanière sympathique, aucune insonorisation.

«Personne ne s'en est plaint. Mon voisin du dessous est un ami musicien et mon appartement fait le coin de la rue», explique calmement le jeune homme, vraiment pas le genre à grimper dans les rideaux.

La réalisation de Good Will Come to You remonte à l'automne 2015 et à l'hiver 2016. Bientôt relancé sous étiquette Flemish Eye (le 22 septembre), cet enregistrement maison a permis à Jean-Sébastien de se produire au Québec, en Ontario, dans l'Ouest canadien. Puis, vu sa qualité exceptionnelle, la marque Un Blonde a fait boule de neige. À tel point que le prestigieux label américain Anti (Tom Waits, Wilco, Nick Cave, Daniel Lanois, Xenia Rubinos, Andy Shauf, etc.) vient tout juste de mettre notre interlocuteur sous contrat. Ce n'est pas rien.

Très facile de prédire, en fait, que ce mec au début de la vingtaine sera très bientôt très connu, voire très apprécié des mélomanes en quête de singularité.

Jean-Sébastien a un père québécois francophone; sa maman est originaire de Trinité. Il a passé sa petite enfance au Québec, puis a vécu près d'une décennie à Calgary avant de s'installer à Montréal. Le hasard fait bien les choses, ses parents sont aussi de retour dans l'île pour des motifs professionnels - son père travaille dans le milieu de la finance et sa mère est travailleuse sociale en gériatrie. Son demi-frère aîné vit à Toronto, sa soeur n'a pas quitté l'Alberta.

Langue maternelle oblige, notre interviewé est plus anglo que franco, quoique... «J'ai toujours parlé français avec mon père. En société, cependant, je suis un peu moins à l'aise pour m'exprimer. J'aimerais plus tard écrire des textes en français», explique l'auteur-compositeur dans un français plus qu'acceptable. Et qui a choisi Montréal afin d'y vivre sa vie d'artiste.

«Plusieurs de mes amis musiciens de Calgary venaient s'y installer pour y poursuivre leurs études, ça a influencé ma décision... même si j'ai laissé l'école à 18 ans, trop pressé de faire ma propre musique. Calgary, c'était quand même bien pour sa scène underground très dynamique, mais pour la suite des choses... Je n'avais pas beaucoup d'alternatives là-bas, je ne me voyais pas évoluer dans un tel environnement.»

Prolifique

Aura-t-on saisi qu'il était déjà musicien et songwriter lorsqu'il a débarqué au Québec? Good Will Come to You, en fait, n'est pas son premier opus: précoce et d'autant plus prolifique, Un Blonde compte cinq productions, albums et EP bidouillés depuis 2014. À l'évidence, la création est pour lui un mode de vie. 

«J'enregistre quotidiennement. L'instrumentation et la façon d'utiliser la voix changent de jour en jour.»

Il explique que la «vibe instrumentale de l'album jaune», qui désigne Good Will Come to You, était davantage centrée sur la guitare, la percussion et la surimpression des voix... et que ce ne sera pas nécessairement le cas au prochain chapitre prévu chez Anti.

«Je travaille au piano, au Wurlitzer et au Fender Rhodes, mais je continue également à créer avec la guitare. Aussi, il y aura moins de voix superposées. Le nouvel enregistrement sera terminé au début de 2018, je crois.»

Un Blonde n'est pas un véhicule dernier cri côté technologie, admet le principal intéressé. «J'aime les instruments et la prise de son analogiques ; mon dernier album a été enregistré sur un magnétophone quatre pistes; j'utilise actuellement la bande demi-pouce. Je ne suis pas audiophile, mais j'aime cette richesse du son analogique. J'en apprécie la chaleur.»

C'est idem pour les préférences stylistiques, force est de le constater. «Très jeune, j'ai été frappé par le blues et le gospel. En cours privés (je n'ai pas fait d'école de musique), j'ai appris la musique classique au piano, puis j'ai découvert le jazz. Même si je ne suis pas un musicien de jazz, l'énergie jazz se trouve dans tout ce que je fais; j'aime cette liberté, j'aime Eric Dolphy, j'adore John Coltrane. J'écoute sans cesse Joni Mitchell, mais aussi des musiques de tous genres et de toutes époques, de Lil Uzi Vert à Captain Beefheart.»

Quant au texte, Jean-Sébastien y voit une importance d'abord... phonétique, du moins jusqu'à une période récente.

«Jusqu'à mon dernier album, les mots découlaient de ma musique, la forme des mots était liée aux sons qui les accompagnaient... peut-être moins pour ce qui suivra. Aujourd'hui, je lis beaucoup de poésie, je m'intéresse à l'écriture sous la forme du flux de conscience, j'aime également les écrivains de la beat generation

Paradoxalement, cet intérêt pour les créateurs issus des générations ayant précédé la sienne ne l'a pas mené à la nostalgie, au classicisme chansonnier, au conformisme pop. Bien au contraire.

«Il y a beaucoup d'improvisation dans mon travail. La forme reste un peu abstraite, j'ai du mal avec la forme standard. Je n'aime pas concevoir le début et la fin d'une chanson, je veux tout de suite me trouver au milieu. Je veux aller au coeur de l'idée et m'y exprimer sans réfléchir, sans filtre, sans intermédiaire.»

Un Blonde... un cas!

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Un Blonde se produit ce soir, 22 h, à l'église St. John the Evangelist (137, avenue du Président-Kennedy). Il sera accompagné de Rafferty McMahan, basse, Alex Lavoie, batterie, Brad Loughead, guitare, de trois choristes et du quatuor à cordes Warhol Dervish.