Contamination, son premier album, a été admis sous étiquette Tricatel, label français du compositeur et réalisateur parisien Bertrand Burgalat, qui a été très en vogue au tournant de la décennie précédente et qui reprend du service, notamment à Pop Montréal demain.

Jef Barbara raconte. «Julien Gasc, musicien du groupe Stereolab, a découvert ma musique sur l'internet et l'a fait parvenir à Burgalat. Ce dernier cherchait alors à relancer son label en mettant de nouveaux artistes sous contrat. Je fais partie de cette relance.»

On peut comprendre le patron de Tricatel: il apparaît évident que Jef Barbara, 37 ans, est de la grande famille rétro-futuriste dont Burgalat est l'un des fiers représentants de la francophonie. Pur Montréalais, Noir d'origine haïtienne, parfaitement bilingue, gai tout à fait assumé, il est un animal rarissime dans la culture pop d'ici. «Je n'ai pas essayé de combler un vide», se défend-il de sa voix délicate.

Jef Barbara ne tient pas à faire un plat de ses identités multiples, pas plus que de ses velléités artistiques.

«Apparemment, précise le chanteur, ma démarche est celle d'une pop star, mais je reste assez frileux en ce qui a trait à ma propre médiatisation, surtout chez nous. Si, par exemple, on fait référence au créneau francophone québécois, ce qui m'intéresse ici n'est pas vraiment ce que je vois à la télévision, ce que j'entends à la radio ou lis dans les journaux. Je préfère donc m'exprimer à travers mon travail artistique.»

Ainsi, Jef Barbara demeure relativement confidentiel dans l'île où il vit. Pour l'instant, du moins.

«Je peux compter sur un bon réseau de collaborateurs qui se retrouvent au Silver Door, à La Brique et dans d'autres espaces où s'expriment des communautés d'artistes émergents. Je suis d'ailleurs très stimulé par ce qui se fait localement.»

Hors des autoroutes de notre pop-variétés, le chanteur, auteur et compositeur fait son petit bonhomme de chemin et ambitionne une carrière internationale bien amorcée.

«Je donne beaucoup de concerts depuis les deux dernières années, dit-il. Je n'ai pas besoin de solliciter les promoteurs comme je devais le faire auparavant. J'ai même fait une petite tournée en Europe.»

Influences très variées

Très pop, très disco, très new wave, très années 80, à peine soul, l'approche de Jef Barbara n'a rien de prévisible si l'on s'en tient à ses origines antillaises. «J'ai beaucoup aimé le R&B, mais mes influences sont très variées: Grace Jones, George Michael, Isabelle Adjani, Françoise Hardy! Et c'est pourquoi il me faut un réalisateur qui m'aide à trouver le fil conducteur, une certaine unité.»

Et le côté black de Jef Barbara? Où se cache-t-il? «Je n'ai jamais vraiment accroché à la musique haïtienne, mais... je serais intéressé à mener un projet en ce sens. Version new wave de mon folklore? [rires] La musique que je fais, en somme, c'est bien moi. Elle représente mon parcours, mes goûts.»

L'émergence de Jef Barbara résulte d'une longue gestation.

«Adolescent, j'écrivais des chansons, j'ai repris plus tard dans la vingtaine. J'ai mis du temps à préciser mes trucs, mon expression, un personnage que j'ose croire original. J'ai refusé des offres très lucratives, car il m'importait de rester moi-même.»

Jef Barbara restera-t-il un secret bien gardé ? «J'ai un emploi normal dans un bureau où très peu de collègues connaissent mon alter ego, question de rester dans ma réalité d'homme normal. Je m'imagine parfois en super héros qui change de costume la nuit tombée. J'ai le fantasme de faire Saturday Night Live et puis rentrer au boulot le lundi matin !»

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Jef Barbara, ce vendredi à 22h40, au Cabaret du Mile End. Ce même jour, à 17h, au Divan Orange.