Le youtubeur Norman fait ses débuts sur scène en grand à Montréal : c'est au Théâtre Maisonneuve qu'il se produit pour son premier saut ici. Et ce, trois soirs de suite à guichets fermés. Ses vidéos étant particulièrement prisées par les ados, La Presse a demandé à une jeune, Elizabeth Lévesque-Gallant, de nous livrer ses impressions du spectacle, que notre journaliste Hugo Pilon-Larose a également vu lors d'une autre représentation.

La critique d'une jeune: un truc de ouf!

Le Théâtre Maisonneuve grouille d'une fébrilité palpable. Les fans n'attendent qu'une chose : Norman, ce Français un peu nonchalant qu'ils fréquentent sur le web depuis déjà quelques années et qui présente son premier spectacle sur scène. Après une tournée en France, le voilà à la conquête de Montréal.

Les lumières se ferment et son nom résonne enfin dans le micro. Il lui suffit de lancer un « Bonsoir, Montréal ! » et le public se déchaîne. Son entrée est digne d'une star : solo de guitare électrique et lunettes fumées. C'est déjà l'ovation. Pendant un instant, on se demande si c'est vraiment Norman qu'on est venu voir - vous savez, ce gars qui vit avec son chat, Sergi, et qui fait des vidéos ? Puis, la musique laisse la place au charisme du youtubeur bouclé.

D'entrée de jeu, il demande à la salle s'il y a des gens de moins de 9 ans ; les applaudissements retentissent un peu partout. Norman lance alors avec ironie qu'il se fait souvent reconnaître dans la rue, mais surtout auprès des enfants du primaire. Son premier one man show a peut-être des allures de spectacle familial, mais il est empreint de subtilités s'adressant à un public plus âgé.

BIENVENUE CHEZ LES CHTIS

Il a tôt fait de nous transporter dans son univers de tous les jours, à Montreuil, une banlieue de Paris. Il raconte qu'en bas de chez lui, il y a une épicerie indienne qui transforme tout t-shirt en « t-shirt curry », puis qu'il y a le dépanneur Chez l'Arabe, un endroit où les dates de péremption sont encore à ce jour un système inconnu.

Puis, cet humoriste hors normes nous annonce qu'il est bilingue, mais attention, bilingue chti ! Il nous parle alors de ses origines du nord de la France et de la manie qu'ont tous les gens de rire constamment des siens. S'ensuit une série de mimiques autodérisoires démontrant le caractère des chtis. Pourtant, il ne fait aucun doute qu'il est fier de ses origines.

Dans sa volonté de conquérir un nouveau public, Norman a fait quelques adaptations à son spectacle. Le youtubeur plaque ici et là des références québécoises et insère même quelques « j'm'en câlice ».

Tout cela manque de fluidité, mais démontre un effort pour se rapprocher de son public d'outre-mer, qui semble plus que ravi.

C'est avec la guitare à la main qu'il termine son spectacle. Sa chanson de remerciements fait exploser les rires. En terminant, il invite les spectateurs à lui poser des questions ; deux micros circulent dans la foule. La question tant attendue arrive : on lui demande de faire son « Faux ! » 

Pour les habitués de Norman - et ils sont majoritaires dans la salle ce soir-là -, le « Faux » est un incontournable. C'est avec cette exclamation ironique qu'il commence la plupart de toutes ses vidéos. Sans plus attendre, il lance avec un sourire ravi un « Faux ! » qui fait lever la salle.

Passer de l'écran à la scène aurait pu être un fiasco, mais Norman réussit haut la main son premier spectacle, qui est un plongeon déstabilisant pour quiconque a encore de la difficulté à envoyer un courriel.

- Elizabeth Lévesque-Gallant, collaboration spéciale

La critique de notre journaliste: un public hystérique

Quand le youtubeur français Norman monte sur scène, c'est « un truc de ouf ». Mais pour ceux qui accompagnent leur enfant, ou même le journaliste (pourtant encore jeune) qui assiste à la réaction hystérique du public, on se dit plutôt avec stupéfaction : « ouf ! »

Quand le rideau se lève, au début du spectacle, la foule hurle, applaudit, et certains se lèvent spontanément. On se croirait à l'époque de la gloire d'Elvis Presley, mais devant un « mec » qui s'est fait connaître en filmant des sketchs dans son salon. Impressionnant !

Norman est une sensation virale. Ses capsules web, visionnées un peu partout en Europe francophone et au Québec, cartonnent à coup sûr. Dans son premier spectacle solo, on aurait cru qu'il intégrerait des vidéos - qui sont au coeur de son art -, mais non. 

L'humoriste y va plutôt d'une livraison traditionnelle et vieillotte : une succession de numéros, des blagues martelées les unes après les autres, et un public ô combien réceptif !

Puis, il demande à la foule s'il y a des gens de 10 ans qui assistent au spectacle. Bien sûr, il y en a. On les entend d'ailleurs crier de plaisir quand il les interpelle ainsi. On n'est pas sûr toutefois que ces jeunes saisissent vraiment certaines blagues que Norman livre ensuite sur scène.

Par exemple, le youtubeur raconte à un moment qu'il habite dans une tour de logements "ghetto" de Montreuil, en banlieue de Paris. Ce genre de quartier où les Blancs sont en minorité, raconte-t-il. Norman voit un autre homme blanc dans la rue : « Heille, on est deux », lui dit-il. Mais il fait erreur : ce n'était que son reflet dans le miroir de la boulangerie.

Si l'on peut douter que le jeune public saisisse vraiment le deuxième degré de cette anecdote, leur réaction demeure toujours intense. 

On se sent vraiment entouré d'une communauté de fidèles en pâmoison devant leur idole.

Norman le dit d'ailleurs à la blague : au départ, il pensait faire des vidéos pour les gens de son âge. Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, vendredi, les jeunes dans la mi-vingtaine étaient toutefois en minorité. La majorité était composée d'élèves du secondaire, mais il y avait aussi quelques-uns du primaire accompagnés de leurs parents.

« C'est incroyable, j'ai commencé les vidéos il y a quatre ans, je n'avais rien, j'avais un chat. [...] Je pensais que le buzz allait passer », dit Norman à la fin de son spectacle, enroulé dans un drapeau du Québec.

Devant l'hystérie, le délire et l'authenticité que lui témoigne son public, on peut lui répondre qu'il n'a rien à craindre pour le futur. 

- Hugo Pilon-Larose

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> Consultez la chaîne YouTube de Norman

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE