Le chanteur et compositeur Alain Bashung, mort samedi à l'âge de 61 ans des suites d'un cancer, avait acquis en 30 ans l'adhésion d'un large public et le respect de ses pairs en imposant au sommet du rock français une démarche exigeante et originale.

Depuis l'automne 2007, il était atteint d'un cancer du poumon et suivait une chimiothérapie. Qualifié en 2008 de «dernier des géants» par le magazine Les Inrockuptibles, Bashung occupait depuis quelques années la place enviée auparavant tenue par Serge Gainsbourg: celle d'un artiste à l'aura importante, capable de séduire le grand public comme les amateurs éclairés. Il avait d'ailleurs collaboré avec Gainsbourg en 1982 pour son album «Play Blessures».

Le 28 février, les Victoires de la musique, les récompenses musicales annuelles françaises, avaient été un triomphe pour Bashung. Avec trois récompenses, dont celle de l'interprète de l'année et du meilleur album pour «Bleu Pétrole», il était devenu l'artiste le plus primé de l'histoire de la cérémonie avec un total de onze trophées.

La cérémonie avait également révélé l'extrême fragilité de la santé du chanteur, qui avait dû annuler plusieurs concerts prévus ce mois-ci.

Plusieurs tubes ont jalonné sa carrière, sans jamais qu'il cède à la facilité commerciale: Gaby, Vertige de l'amour (album Pizza en 1981), Osez Joséphine, Madame Rêve (1991, Osez Joséphine), Ma petite entreprise (1994, Chatterton), La nuit je mens (1998, Fantaisie militaire) ou Résidents de la République (2008, Bleu Pétrole).

Une carrière également marquée par des disques peu faciles d'accès, à commencer par l'audacieux «L'imprudence» (2002). Considéré comme l'un des plus réussis de Bashung, l'album était sorti en même temps que «Le Cantique des cantiques», enregistré avec Chloé Mons, artiste âgée de 28 ans à l'époque, qu'il avait épousée le 30 juin 2001.

Il a eu avec elle une fille, après un fils né d'une précédente union.

Perfecto, jean moulant et bottes de cow-boy à l'époque de «Gaby», Bashung était un enfant du rock. Il avait grandi en écoutant Elvis Presley, Gene Vincent ou Buddy Holly et clôturait sa dernière tournée par une reprise de «Nights in white satin» des Moody Blues.

Il avait su marier l'amour du rock avec l'héritage de la chanson française.

«Il appartient aux deux univers», résumait en 2002 son biographe Patrick Amine. «Il combine à sa manière les antécédents de la chanson française qui vont de Trenet à Gainsbourg. Du rock anglo-saxon, il a la désinvolture, la liberté musicale, l'humour qui allie le son et le sens».

Né le 1er décembre 1947 d'un père qu'il n'a pas connu et d'une mère ouvrière, Bashung avait été envoyé à l'âge d'un an vivre chez sa grand-mère, à Wingersheim, en Alsace.

En 1962, il avait monté son premier groupe, The Dunces (Les cancres), avant d'enregistrer ses premiers 45 tours en ôtant le «c» de son véritable nom, Baschung.

Son premier album, Roman Photos (1977), un échec commercial, avait marqué le début d'une longue collaboration avec le parolier Boris Bergman, remplacé par Jean Fauque en 1989.

Bashung était un passionné de cinéma et avait notamment tourné sous la direction de Fernando Arrabal ou de Patrice Leconte.