«On était des jeunes fous, maintenant on est des vieux fous», constatait François Taschereau la semaine dernière à propos des frères pogo, ce groupe musical rescapé des années 80 qui sort d'une longue hibernation dans le fidelcho.. Cette folie, elle est bellement contagieuse, a-t-on pu constater lors de la première montréalaise de ce spectacle inclassable mercredi à la Cinquième salle de la Place des Arts.

Le fidelcho est un tourbillon de numéros musicaux pour la plupart très efficaces dont l'emballage visuel est original sans être tape-à-l'oeil. Un cabaret 2.0 de 80 minutes, sans temps mort ou presque, mis en scène par Michel Lemieux et Victor Pilon, où l'humour collégien parfois prévisible désamorce toute forme de prétention.

Le comédien Jean Petitclerc, la figure la plus connue du groupe, incarne Jerome, un amoureux déchu, alcoolique et un tantinet précieux dont les échecs amoureux et la dépendance aux réseaux sociaux et aux sites de rencontre serviront de prétexte à une enfilade de numéros musicaux. Quand les spectateurs pénètrent dans la salle, Jerome est déjà là qui surfe sur le web avec son iPad pour y trouver des clips qui seront projetés sur un grand écran transparent autour duquel les musiciens-chanteurs-acteurs se déplaceront. Tout au long du spectacle, d'autres images viendront enrichir le propos des chansons, projetées sur les murs du fond et de chaque côté de la scène.

L'histoire de Jerome démarre sur un photo-roman bourgeois qui abuse joyeusement des clichés du genre, jolies espionnes russes en prime, pendant que joue la chanson J'aime ta franchise mon amour, interprétée par Taschereau et Béatrice Bonifassi, extraite de l'album 99,9 de fidelplasma. Tout de suite après, le pianiste, chanteur, compositeur - et producteur - Taschereau et les cinq autres membres du fidelband s'amènent pour jouer des versions enrichies de la plupart des chansons de cet album dont les textes parfois mordants ont été écrits par l'homme de théâtre Simon Fortin.

Les membres de ce joyeux collectif se paient donc la tête des «cupides» Vincent Lacroix et Bernie Madoff, de Stephen Harper et du cardinal Ouellet, aussi bien que du doc Mailloux et d'autres personnalités fortes en gueule comme André Arthur, Gilles Proulx, Claude Poirier et Stéphane Gendron qui apparaissent à l'écran dans Tout est tourlou comme l'ont fait avant eux Martin Luther King, Nelson Mandela et Barack Obama pendant Black je suis.

Chose promise, chose due : au milieu du spectacle, les frères pogo, cryogénisés dans les années 80, renaissent à la vie, forts du mandat que leur a donné Steve Jobs de populariser le iPad. Tablettes en main, ces fils illégitimes du groupe Devo et de la famille Slomeau se relancent comme le feraient des ti-culs qui se prendraient pour des guitar heroes. Puis les pogo jouent du iPad et nous servent quatre chansons de leur répertoire revues et corrigées pour 2011 dont Je brûle des hydrocarbures, jadis intitulée Rouler pour s'amuser, que Djony (Petitclerc), Tonio (Taschereau) et Nico (Nicolas Émond) chantent avec leur frangin pogo exilé à Monaco (Jacques Roy) dont la tête apparaît sur le iPad de Djony.

Après cet «interlude», les numéros musicaux sont de plus en plus forts, appuyés par des images aussi étonnantes que percutantes. Pendant la chanson Irrésistible, qui porte vraiment bien son nom, les chanteurs Taschereau, Petitclerc et Karim Ouellet sont rejoints par leurs doubles virtuels tandis que le saxophoniste Gerry Labelle se lance dans un solo torride entouré de six de ses sosies.

Tout n'est pas parfait dans ce fidelcho. Les enchaînements entre les numéros tombent trop souvent à plat, servis par un maître de cérémonie imbibé. Jean Petitclerc mérite mieux que ce personnage cliché, lui qui autrement en impose par son enthousiasme et sa folie.

Le fidelcho, Cinquième salle de la Place des arts, du 12 au 14 mai et du 18 au 21 mai.