Drôle d'oiseau que ce Serge. Un grand sec au sourire placide. Au regard triste, mais pas malheureux. Au timbre apaisant, mais monocorde. À la démarche lente, mais aux mouvements savamment calculés. Bref, le symbole de la parfaite maîtrise de soi ou de la suprême nonchalance.

Sur scène, une table de ping-pong est couverte d'objets divers, dont une voiture et un hélicoptère téléguidables, des lassos fluorescents, etc. Dès le départ, Serge nous renseigne sur ses spectacles d'une minute qu'il présente tous les dimanches «à 18h» dans son appartement.

Le Français Philippe Quesne, qui a créé et mis en scène ce spectacle à la fois étrange et ludique, parvient à nous imposer le rythme alangui de Serge. Nous fait entrer dans sa vie, son imaginaire; nous fait ressentir aussi sa solitude, ces longs moments de silence qui ponctuent son quotidien. On en oublie tous nos soucis!

Ses rencontres hebdomadaires sont de curieux rituels où il accueille un invité et lui présente son spectacle. «Effet roulant sur une musique de Handel». «Effet lumineux sur la musique de Wagner», etc. Chaque fois, c'est l'occasion pour notre Serge de partager ses lubies dérisoires et son penchant pour les effets spéciaux.

Parmi les invités, des acteurs amateurs locaux côtoient les membres du collectif Vivarium. Excellente idée. Ces braves figurants n'ont eu droit qu'à une toute petite répétition avant la première de jeudi. Mais on aurait quand même aimé les voir improviser un peu plus avec Serge. Ils m'ont semblé bien sages.

La mise en scène révèle habilement toutes les petites habitudes et les manies de Serge, qu'on devine célibataire. À l'arrière-scène, des portes coulissantes de jardin mènent à un chemin, par où vont et viennent ses «amis». Cet espace de jeu, très intéressant, est une belle fenêtre sur le monde extérieur.

On finit quand même par se dire que ces invités qui s'émerveillent devant les petits numéros enfantins de Serge et qui participent à ces rendez-vous bizarres sont aussi timbrés que lui! Qu'ils souffrent, eux aussi, de solitude. Mais la démarche de Philippe Quesne en est une d'observation, pas de jugement.

Il faut le dire, le personnage de Serge est interprété avec beaucoup de naturel et de justesse par Gaëtan Vourc'h, pour qui cette pièce a été créée. Son jeu non verbal réaliste nous donne à croire à cette vie aussi créative que pathétique où notre homme multiplie les actions futiles.

Au point où on se demande bien ce qu'il fait comme travail du lundi au vendredi... Véritable antihéros, qui m'a semblé avoir certaines affinités avec le dessinateur Harvey Pekar, sujet du film American Splendor, Serge nous convainc que le bonheur est là où l'on veut qu'il soit.

L'effet de Serge, de la compagnie Vivarium. Au Conservatoire d'art dramatique de Montréal samedi soir et dimanche soir.