«Ne commencez pas tout de suite à faire des oh! et des ah!» Dès le début de son premier one-man show au Québec, Patrick Timsit testait la tolérance de son public. Il venait de demander de quel «pays de crève-faim» provenait un quelconque quidam.

Comme il nous l'avait annoncé, le Français a amorcé son baptême de scène québécois en se présentant humblement.

Le petit monologue mettait en contexte son arrivée au pays des Cousins - sans traducteur, dans la campagne montréalaise. L'introduction était entremêlée de gags sur ses gags. Sympathique, cette intention de prolonger les préliminaires pour nous. Mais parfois, il faut passer tout de suite à l'action. On connaît déjà la cassette de l'étonnement du Français qui débarque au Nouveau Monde.  

À l'image de cette ouverture, le reste de la soirée sera inégale. Mais si elle est inégale, c'est parce qu'elle offre aussi de très bons moments. Ceux-là semblent venir de la version non adaptée de ce spectacle déjà présenté à guichets fermés en France.

Avec L'homme seul debout, la vedette de cinéma retournait au stand-up après 13 ans d'absence. Avait-il encore quelque chose à dire?

Oui. Dans la succession de tableaux, il sera question des douanes américaines, des dérapages de la science laissée à elle-même, de l'égoïsme masculin, de l'ascenseur social et beaucoup de racisme. La plupart des cultures et religions reçoivent une quantité égale de coups de bâtons. C'est-à-dire une généreuse raclée.   

Timsit, un juif pied-noir, a déménagé à deux ans à Paris. Ses origines lui donnent juste assez de recul pour se permettre ces salves. Oui, quelques clichés, notamment sur les Portugais, ressemblent à de la provocation gratuite. Mais la majorité des gags dénoncent efficacement le racisme en exposant son absurdité. Par exemple, il prend le cadre de l'antisémitisme et il l'applique aux catholiques - ceux qui sont partout et contrôlent les banques. Flairant plus tard le malaise, il lance: «c'est plus drôle avec les noirs et les arabes, hein?»

Très caustique. Un peu plus tard, il saluera au passage la contribution d'un jeune Joseph Ratzinger dans les jeunesses hitlériennes.

Timsit reprendra aussi un de ces numéros les plus populaires, celui de ses mésaventures en Nouvelle-Calédonie. Très léger, ce qui n'est pas du tout mauvais. C'est seulement qu'on anticipe un peu trop les gags, tout comme ceux de doigts qui visitent les rectums aux douanes. 

C'est son humour noir qui offrira les meilleurs moments de la soirée. Sans perdre son ton ironique et enjoué, Timsit raconte la solitude de son 18e anniversaire, où il s'imagine une fausse surprise, seul dans son appartement.

L'histoire intéresse autant que le punch. On dépasse le simple divertissement. Et on se pose des questions.  Comme avec ce monologue où un patient demande à son médecin s'il vivra vieux. Fume-t-il? Non. Boit-il? Non. Copule-t-il avec plusieurs partenaires? Non. Le médecin conclut: «Mais alors pourquoi voulez-vous vivre vieux?»