Les drag queens nous envahissent ! Ils, elles, iels, on ne sait plus comment les appeler, cibole ! pervertissent nos enfants avec leurs mautadites théories de déconstruction des genres ! Et pourquoi ces adultes déguisés en femmes grotesques imposent-ils leurs fantasmes sexuels à des bambins, hein ?

Honnêtement, ça m’épuise de lire autant de commentaires ignorants, qui ressortent de façon cyclique quand Rita Baga annonce un spectacle au festival Juste pour rire ou quand la chaîne Moi & cie dévoile les images de sa nouvelle docusérie L’agence, qui suivra, à partir du 26 juin, une troupe de drag queens menée par Michel Dorion, figure bien connue du Village gai de Montréal.

Une drag se pointe à l’heure du conte ou à Big Brother Célébrités et les fondements de notre civilisation s’effondrent, comme les Mayas autour de l’an 1000, j’exagère à peine. Comme si toutes les drag queens avaient été formées à la même école de propagande pour endoctriner les membres de la jeune génération et les convaincre de changer de sexe, c’est tellement ridicule.

Oui, mais oui, mais, les drag queens apparaissent dans toutes nos émissions, je suis tanné de les voir, rouspétez-vous. Oui, c’est vrai, il y a plus de perruques et de paillettes dans vos télés qu’il y a cinq ans. Reste qu’on est très très loin du grand remplacement par ces créatures de la nuit, rassurez-vous.

Pour une Mona de Grenoble au Fabuleux printemps de Marie-Lyne à Noovo, combien compte-t-on d’humoristes insignifiants dans des postes équivalents, sur des postes concurrents ? Beaucoup trop, oui.

Mona de Grenoble est le personnage qui m’a fait le plus rire cette année. Parce que oui, il s’agit d’un personnage, d’un clown, faut-il le rappeler, inventé pour faire rire et divertir, c’est tout, ne cherchez pas de discours woke ici.

Mona de Grenoble, personnifiée par Alexandre Aussant, a le sens du punch et riposte plus vite que son ombre à paupières. Vous l’entendrez l'automne prochain au micro de Véronique et les fantastiques sur les ondes de Rouge FM et vous la verrez dans la deuxième saison du Maître du jeu de Noovo, avec Louis Morissette aux commandes.

Si Mona de Grenoble vous tape sur la mycose des ongles, changez de poste. Si ses blagues vous indiffèrent, rabattez-vous sur le spectacle ou les livres de Jérémy Demay, c’est peut-être plus dans vos cordes sensibles.

Et tant mieux si les drag queens, qui ne roulent pas sur l’or et qui pratiquent un métier dispendieux (costumes, maquillage), percent le circuit des émissions de télévision. C’est pas mal plus payant de livrer des chroniques à Bonsoir, bonsoir ! que de monter sur la scène d’un bar montréalais à 25 $ la chanson.

PHOTO CJ RIVERA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Jessica Wild était de la 8e saison de l’émission RuPaul’s Drag Race All Stars.

Je regarde RuPaul’s Drag Race depuis de nombreuses années et le talent des concurrentes m’épate toujours autant. Elles chantent, dansent, chorégraphient, improvisent, imitent, font la split comme Luc Senay, cousent et écrivent des sketchs comiques, dans lesquels elles jouent par la suite. C’est impressionnant.

Il suffit de visionner un seul épisode de Drag Race pour comprendre que cet art va au-delà du stéréotype de l’homme qui s’habille en femme en empruntant les plus gros clichés de la féminité.

Et est-ce si vulgaire et trash que ça ? Certainement pas plus qu’un numéro de P-A Méthot ou de Mariana Mazza. À l’heure du conte, Barbada ne débarque pas avec des seins montgolfières, les foufounes à l’air, pas plus qu’elle ne pige dans son répertoire de blagues salées pour adultes consentants, franchement.

Une drag queen s’adapte à son public. Et il y a des drag queens pour tous les publics, des drag queens minces ou rondes, à peine fardées ou des reines de beauté, des drag queens de type bande dessinée ou d’autres ultraglam, bref, les drag queens forment une communauté tout sauf homogène.

Dans l’émission La drag en moi de Canal Vie et Crave, Rita Baga, Sasha Baga et Pétula Claque aident des gens du public à se sentir mieux dans leur peau, à la manière de Queer Eye. Le processus de changement de look, jamais extrême, se déroule dans la bienveillance et l’humour. Il n’y a pas de derby de démolition dans les garde-robes des participants, contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer.

Bien sûr, la drag queen bitche ses camarades, c’est de bonne guerre, mais elle est souvent plus cruelle et dure envers elle-même que ne le seraient les autres. La meilleure défense demeure toujours l’attaque. Et l’autodérision fonctionne à merveille dans cet univers arc-en-ciel.

Les téléspectateurs de RuPaul’s Drag Race ont découvert, au fil des saisons, que plusieurs drag queens ont vécu de l’intimidation et de la violence dans leur passé, parce qu’elles n’entraient pas dans la case de la « normalité ».

Même si ces traumatismes ont nourri leur humour et forgé leur carapace, on s’entend que les drag queens ne méritent pas d’être de nouveau humiliées sur les réseaux sociaux. Elles ont déjà joué dans ce film.

Pourrait-on, maintenant, leur sacrer une petite patience pendant deux minutes, le temps qu’elles retouchent leur mascara ?