France Castel n’a plus envie de raconter son passé. Les soirs de scotch, les tracks de coke larges comme des rails du CN, les amours déchirants, les envies de mourir, les démons de son enfance, elle veut remiser tout cela.

Elle l’a dit à France Beaudoin et redit à Monique Giroux dans deux superbes émissions qui lui sont consacrées ce week-end sur Ici Première et Ici Musique et que je vous ordonne d’écouter en direct ou en différé.

« J’ai assez parlé de moi, dit-elle à son amie France Beaudoin. J’ai fait le tour de moi. Je me trouve impudique, je veux arrêter ça. Je trouve que rendu là, c’est indécent. »

À une époque où la notion de vie privée ne veut plus rien dire, où l’intimité s’incline devant la vulgarité, que fait France Castel ? Elle referme doucement la porte.

« Ce n’est pas la fin du métier, mais c’est la fin de plein d’affaires du métier, ajoute-t-elle. Je suis encore pertinente. Je suis encore capable de parler. Mais je vais avoir 80 ans. Cette année, j’ai perdu cinq ou six personnes autour de moi… »

Andrée Lachapelle aimait dire de France Castel qu’elle avait oublié son âge. Il est vrai que cette éternelle blonde symbolise la résilience et le courage. Pour le public, elle est la « survivante » par excellence. Mais Wonder Woman veut accrocher son costume dans un placard.

« En fait, je m’efforce d’oublier mon âge. Mais là, je veux me laisser vieillir. On dirait que c’est comme une job et je n’ai pas le goût d’une autre job. »

France Castel a donné rendez-vous à France Beaudoin au Casino de Montréal pour l’enregistrement de cette émission. De là le titre Le tout pour le tout. Ce choix risque d’agacer certaines personnes. C’est pourquoi les anciennes coanimatrices de Deux filles le matin règlent rapidement la question du tabou qui entoure le jeu.

France Castel ne s’en cache pas, elle a une passion pour le poker qui l’oblige à mettre son cerveau en mouvement. « Ce que j’aime de ce jeu, c’est que ce n’est pas juste de la chance. Même si tu as une très mauvaise main, selon avec qui tu joues, tu peux gagner. Ça s’applique au poker et ça s’applique à la vie aussi. »

Cette émission (trop courte), réalisée par Alexandre Sheldon, donne l’occasion à France Beaudoin de nous parler franchement de son amie. « Elle nous a donné des permissions, le droit de se rebeller, d’avoir du fun, de rire fort, d’aimer autrement, de faire son gros possible, de se pardonner et de faire avec. »

Vous entendrez également Judi Richards qui a connu la période choriste de France Castel, de même que le réalisateur André Forcier qui lui a offert « un break » alors qu’elle tentait désespérément de remonter à la surface et que son entourage disait d’elle qu’elle n’était pas « trustable ».

Forcier l’a fait jouer dans Une histoire inventée, en 1990, puis dans Le Vent du Wyoming, en 1994. Le réalisateur, réputé pour avoir mauvais caractère, a gentiment affublé France Castel du surnom de « pécheresse ».

Dimanche après-midi, Monique Giroux consacre ses trois heures d’antenne hebdomadaire d’Ici Musique à une émission intitulée France Castel : belle et rebelle. Les talents d’intervieweuse de Monique Giroux ont rencontré une France Castel disponible, franche, drôle et bouleversante.

Je vous mets au défi d’avoir l’œil sec lorsque la chanteuse interprétera Partons la mer est belle et qu’elle dira pourquoi elle a tenu à faire cette chanson. En l’écoutant, on réalise que les blessures d’enfance cicatrisent parfois très mal…

Cette émission, sans doute l’une des plus belles que j’ai entendues de Monique Giroux, est riche en documents d’archives.

Et elle nous offre la présence de plusieurs artistes : Catherine Major, qui signe la direction musicale, Louise Forestier, Monique Fauteux (merci, Monique Giroux, de nous offrir cette voix si belle et si rare), Virginie Cummins et Véronique Claveau.

Et puis, il y a la visite (désolé de dévoiler le punch) de Pierre Huet et Luc de Larochellière qui ont offert quelques chansons à France Castel sur le disque qu’elle a lancé en septembre dernier.

Il y a plusieurs moments forts dans cette émission réalisée par Marie-Pierre Bouchard. L’interprétation que France Castel fait des Adieux d’un sex-symbol ancre cette chanson souvent attribuée à des interprètes trop jeunes. On a aussi droit à De la main gauche, Mes blues passent pu dans’ porte et Prince Arthur.

Mais j’avoue que l’interprétation de Beauté perdue, pierre précieuse de Luc de Larochellière, m’a jeté à terre. Quand on entend « J’n’aurai jamais assez d’larmes pour bien m’en laver les yeux » de la bouche de France Castel et qu’on apprend à qui elle la dédie, on découvre l’une des explications à ce pas de recul.

« Actuellement, elle représente ma fille, dit-elle. C’est cette beauté perdue que je chante avec cette chanson-là. »

« Ta fille vit à l’étranger ? », demande alors Monique Giroux.

« Ma fille vit à l’étranger et ma fille ne va pas bien… », se contente de dire France Castel.

La cerise sur le gâteau de cette grande célébration est un livre audio « augmenté » fait à partir de la biographie de France Castel, Ici et maintenant, en exclusivité sur OHdio. Aux côtés de l’auteur Jean-Yves Girard, la comédienne offre une performance de haut niveau.

Habilement réalisé par André Martineau, ce document qui accompagnera vos longs trajets sur la route fait rire autant qu’il émeut.

France Castel : le tout pour le tout, samedi 3 juin, 15 h, Ici Première (et sur OHdio)France Castel : belle et rebelle, dimanche 4 juin, 16 h, Ici Musique (et sur OHdio)
Livre audio Ici et maintenant, sur OHdio, à compter du 5 juin