Lors d’un entretien avec le Hollywood Reporter, l’actrice Jamie Lee Curtis a interpellé Bruce Springsteen, de même que les membres de U2 et de Coldplay, les implorant d’offrir des matinées à 14 h afin qu’elle puisse aller les voir en spectacle et se mettre au lit tôt.

Ce souhait de celle qui a reçu l’Oscar pour son rôle de soutien dans Everything Everywhere All at Once est loin d’être bête. Les habitudes des spectateurs changent, les us et coutumes du monde du spectacle aussi.

Il serait peut-être temps d’abandonner certaines vieilles habitudes et de les adapter à la réalité d’aujourd’hui. Le but n’est pas de tout chambouler, mais d’offrir au public diverses options.

Les représentations en matinée sont monnaie courante au théâtre. Il suffit d’y assister pour se rendre compte qu’elles sont très populaires. En musique, une certaine catégorie de spectacles visant une clientèle plus âgée est offerte en après-midi. La salle de spectacle du Casino de Montréal connaît bien cette formule.

Mais pourquoi les autres genres n’adoptent-ils pas cette manière de faire ? Serait-ce la peur d’être étiquetés « spectacles de vieux » ? Ou celle de ne pas offrir l’ambiance du soir ? Qu’il soit 15 h ou 21 h, une salle sombre est une salle sombre.

Si Les Louanges, Hubert Lenoir ou Les Trois Accords se produisaient en après-midi, un samedi ou un dimanche, je n’hésiterais pas à aller les voir. Selon mon énergie, mon humeur et mon horaire, j’aimerais pouvoir décider du moment propice pour aller les applaudir.

Pour toutes sortes de raisons, notre capacité à recevoir de longs spectacles a diminué au fil du temps. Nous sommes loin des spectacles du temps de la Grèce antique qui duraient toute la journée.

La frénésie de nos vies fait qu’il est parfois difficile de vivre une expérience de spectacle en soirée. Un évènement programmé longtemps d’avance grâce à la formule des abonnements peut tomber sur une journée exténuante. Et puis, les représentations de 20 h sont très souvent précédées d’un repas qui suscite la fameuse endormitoire.

Pour toutes ces raisons, les artistes et les producteurs devraient revoir leur manière de faire. Après tout, ce que les artistes souhaitent d’abord, c’est un public enthousiaste et attentif.

Cette réflexion sur l’heure des représentations m’a amené à réfléchir à d’autres rituels du spectacle, notamment celui des entractes. Ceux-ci sont de plus en plus rares de nos jours, sauf quand il y a une première partie.

Les artistes qui ont connu la grande époque des entractes vous diront que c’était parfois difficile de redémarrer la machine en seconde partie. Mais en même temps, cela permettait de créer deux ambiances différentes au spectacle.

Aux moins de 40 ans, il faut rappeler qu’il y a longtemps eu des entractes au cinéma. Cela permettait au projectionniste de changer de bobine. Mais maintenant que nous sommes à l’ère numérique, on assiste à un mouvement qui prône le retour des entractes au cinéma.

La raison ? La durée de certains films que la vessie ne peut endurer. En effet, il n’y a rien comme une envie de pipi au bout de 120 minutes pour te faire décrocher d’une histoire. Même Meryl Streep ne peut rien contre ça.

Pour remédier à ce problème, des sites web (When can you pee during…) indiquent aux spectateurs les meilleurs moments pour faire une pause-pipi durant des œuvres ambitieuses qui durent 140, 150 ou 170 minutes. Pauvre comédien qui découvre qu’une de ses scènes est identifiée pour un saut aux toilettes !

Il faut aussi parler des rappels et, surtout, des faux rappels. Pour des raisons inconnues, les faux rappels (tout comme les ovations) sont devenus au fil du temps une habitude ancrée, particulièrement chez nous. « Aujourd’hui, si tu n’as pas de rappel, c’est que tu t’es planté », a dit Patrice Michaud à mon ex-collègue Véronique Lauzon qui s’est intéressée au sujet en 2018.

Les faux rappels m’énervent ! J’ai toujours fait partie de ceux qui croient qu’un rappel se mérite, autant pour l’artiste que pour ceux qui le réclament. Les rappels organisés avec le gars des vues devaient être bannis.

Il est tellement facile de les flairer. Quand un groupe « termine » son spectacle avant d’avoir fait son succès de l’heure, c’est un faux rappel. Quand un artiste quitte les spectateurs et qu’il les laisse dans le noir, c’est qu’il va revenir. Quand une vedette et ses musiciens restent en coulisses pendant que les techniciens replacent les instruments, c’est que le spectacle n’est pas terminé.

Plusieurs artistes, dont Jacques Brel et Diane Dufresne, croient qu’un spectacle n’a pas besoin de rappels. Si le programme est bien monté et qu’il forme un tout, pourquoi l’artiste se prêterait-il au jeu des faux rappels ?

Il est faux de croire que parce que le public réclame le retour de l’artiste, cela crée un « moment d’émotion ». Un bon et vrai rappel est celui qui n’est pas prévu et qui prend l’artiste au dépourvu. Là, les spectateurs ressentent une vraie émotion !

Comme le dit si bien l’adage : « Si les applaudissements sont le pain des artistes, les rappels en sont le beurre. » De grâce, n’en faisons pas de la margarine.