Je ne répéterai pas ce que mes collègues ont déjà écrit à propos de l’importance du combat mené par Chantale Daigle, à l’été 1989, pour le droit à l’avortement.

L’histoire de cette jeune femme de 21 ans, serveuse dans un restaurant Giorgio, près du Stade olympique de Montréal, demeure tristement d’actualité, alors que des lois se votent aux États-Unis et en Europe pour restreindre les options des femmes enceintes.

La série d’époque Désobéir : Le choix de Chantale Daigle, qui se déroule entre novembre 1988 et décembre 1989, devient, hélas, une série bien de son époque, une époque où des luttes gagnées depuis près de 35 ans se renversent.

C’est très bon, ce que l’équipe derrière cette production a minutieusement concocté, avec un souci du détail remarquable.

Le premier épisode – sur un total de six – débarque mercredi sur la plateforme Crave, et les autres y atterriront à raison d’un par semaine jusqu’au 12 avril.

Dans les rôles principaux, Éléonore Loiselle et Antoine Pilon crèvent le petit écran. On a tendance à oublier que Chantale Daigle n’avait que 21 ans quand elle a été aspirée dans ce gigantesque tourbillon médiatique.

Éléonore Loiselle, qui joue Astrid dans L’échappée, traduit parfaitement la naïveté, la simplicité, la candeur, mais aussi la ténacité de cette serveuse de resto qui n’était pas outillée pour modifier l’histoire juridique canadienne avec un grand H.

Antoine Pilon hérite d’une partition plus difficile à rendre. Son moustachu Jean-Guy Tremblay, 25 ans, est un vrai trou de cul mais ne doit pas être que ça. Nous devons croire que Chantale Daigle, qui a croisé ce Don Juan des pauvres en novembre 1988 dans un Radio Shack, ait pu tomber amoureuse de ce manipulateur violent. Et c’est réussi.

Le premier épisode nous présente un Jean-Guy Tremblay sympathique, attentionné et beau bonhomme (il a été mannequin de sous-vêtements, eh oui). Lentement, Jean-Guy Tremblay, qui ment comme il respire, resserre son emprise autour de la bonne Chantale. Il l’isole, la surveille et lui pique constamment des crises de jalousie.

Chantale Daigle, qui habite un demi-sous-sol, répète dans les épisodes que son conjoint ne la bat pas, mais qu’il la « shake » et qu’il lui brasse la tomate. La sensibilisation à la violence conjugale n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui.

Les auteurs Daniel Thibault et Isabelle Pelletier, les créateurs de Ruptures, savent écrire de bonnes scènes de palais de justice. Il y en a beaucoup dans Désobéir, mais elles ne sont pas didactiques ou statiques. On regarde les rebondissements de l’affaire Chantale Daigle à la Cour d’appel puis en Cour suprême et on se dit que ça ne peut pas être une histoire 100 % vraie. Ça l’est. Quelques noms de personnages ont été retouchés, pas les faits, tous véridiques.

Peu expérimenté, l’avocat de Chantale Daigle, MDaniel Bédard (Éric Robidoux), référé par l’aide juridique, ne savait aucunement dans quelle galère (compliquée) il s’embarquait. À l’opposé, les procureurs de Jean-Guy Tremblay, campés par Patrick Hivon et Jean-François Pichette, étaient de redoutables plaideurs, en plus d’être connectés sur les mouvements pro-vie.

Les moments où la série s’attarde à la famille de Chantale Daigle jettent un éclairage super intéressant sur l’envers de la bataille des tribunaux. Chantale a grandi à Chibougamau entourée de deux frères protecteurs et d’une grande sœur bienveillante (excellente Juliette Gosselin) qui s’aimaient. Son père Florent (Denis Trudel) l’a appuyée pendant toute sa croisade. Sa mère Aline (Sylvie Dubé) aussi.

Ils se tiennent serrés, les Daigle. Pendant le premier procès, qui a eu lieu à Val-d’Or, faute de juges disponibles ailleurs dans la province, Chantale Daigle dormait dans la roulotte de son grand frère, stationnée sur un terrain de camping.

Cheveux crêpés, jeans à taille haute, téléphones à roulette, chandails à épaulettes et sous-sols bruns où ça fume comme des pompiers, on reconnaît bien les années 1980 dans Désobéir, sans que ça ne devienne le point central de la série.

Les producteurs Alexis Durand-Brault (qui réalise également les six épisodes) et Sophie Lorain ont eu l’intelligence de ne pas en beurrer trop épais dans la nostalgie, ce qui aurait été une distraction du propos principal.

À ce sujet, Alexis Durand-Brault a fait un test à la caméra avec la fameuse robe rouge à col blanc qu’a portée Chantale Daigle, mais le résultat faisait trop costume, trop Creton dans La petite vie. Le vêtement a été remisé.

Bon choix, par contre, que celui d’utiliser Closer Together de The Box dans le premier épisode.

Ni Chantale Daigle ni Jean-Guy Tremblay, qui n’auront été en couple que pendant sept mois, au total, n’ont été consultés pendant la fabrication de la minisérie.

Aujourd’hui mère de quatre enfants, Chantale Daigle aurait changé de nom et vivrait à Chibougamau, sa ville natale.

Déménagé dans l’Ouest canadien, Jean-Guy Tremblay a passé cinq ans derrière les barreaux, en Alberta, pour avoir battu et harcelé deux ex-conjointes en 1999. Il s’est remarié en novembre 2011 et a fêté ses noces dans un resto-bar du quartier Duberger, à Québec.

Il ne serait toujours pas la lumière la plus brillante du sapin de Noël.