J’ai été chamboulé par la minisérie chorale Mégantic, une production soignée et chargée d’Alexis Durand-Brault et Sophie Lorain qui sortira jeudi sur le Club illico de Vidéotron.

La fin du quatrième épisode (sur un total de huit) vous pulvérisera le cœur. Moi, j’ai cassé. Bonsoir, il est parti.

Vraiment, c’est impossible de ne pas pleurer devant la détresse et l’horreur qu’ont vécues les habitants de Lac-Mégantic au milieu de la nuit le 6 juillet 2013, alors qu’un train rempli de pétrole brut a détruit leur centre-ville.

Si Mégantic nous ébranle autant, c’est parce que a) nous avons suivi cette catastrophe en direct sur les chaînes d’info en continu, et que b) les personnages qui peuplent les excellents épisodes ont bel et bien existé. Leurs noms ont été changés par l’auteur Sylvain Guy (Confessions, Mafia inc.), des détails de leur vie ont été altérés, mais ils ont tous déjà bu une bière au Musi-Café avant le déraillement meurtrier qui a tué 47 personnes.

Et Mégantic ne se déploie pas comme une série racoleuse à la Chicago Fire ou Station 19. C’est pas mal plus étoffé et sensible comme proposition.

Le scénario de Mégantic se concentre sur un noyau de Méganticois qui ont été au cœur de cet épouvantable drame ferroviaire. Comment se déroule leur vie avant, pendant et deux mois après l’accident de train ? Voilà où Mégantic nous amène : dans le quotidien chaviré de gens ordinaires, raconté avec humanité et réalisme. Les effets spéciaux sont particulièrement réussis, rien n’a l’air cheap dans cette minisérie de grande qualité.

En fait, chacun des huit épisodes s’attarde à un personnage précis. Le premier détaille l’histoire d’amour inachevée entre la pétillante chanteuse Gabrielle (Lauren Hartley) et le timide soudeur sous-marin Patrice (Olivier Gervais-Courchesne).

Compact et efficace, cet épisode présente habilement les nombreux personnages de Mégantic (la distribution en jette), qui se croiseront pendant huit heures comme dans un film de Robert Altman. C’est extrêmement habile comme procédé et le travail de scénarisation a été colossal.

Au deuxième épisode, l’agile caméra d’Alexis Durand-Brault se pose sur Corine (Catherine Paquin-Béchard), une jeune femme très intense qui travaille en aménagement paysager et derrière le zinc du Musi-Café.

Corine est perçue comme une battante, une fille forte, mais l’explosion du 6 juillet déterrera des traumatismes qu’elle avait enfouis très loin dans sa tête. Cet épisode sur la maladie mentale est particulièrement remuant et bien joué.

Rendu à la troisième heure, Mégantic s’intéresse au destin tragique des trois frères Lamarre, soit Vincent (Bruno Marcil), Daniel (Éric Robidoux) et Jérôme (Fred-Éric Salvail), qui exploitent une entreprise d’excavation. Leur sœur Julie (Isabelle Guérard), qui fête ses 40 ans, vit une séparation douloureuse et vous vous doutez que l’état de la famille Lamarre ne s’améliorera pas après la catastrophe.

Exposé au quatrième épisode, le cas du pompier volontaire Bryan (Joakim Robillard), dans la jeune vingtaine, montre avec délicatesse, et même de façon poétique, les conséquences d’un choc post-traumatique comme celui expérimenté à Mégantic. Sortez les mouchoirs, seigneur.

Non, Mégantic ne montre pas la mairesse Colette Roy-Laroche, pas plus qu’elle ne s’attarde aux détails techniques de l’enquête sur les défaillances de la locomotive. Par contre, le conducteur du train de la mort, rebaptisé Tim Richards (Duane Murray), a droit à son épisode, le septième. Il s’appelle Tom Harding dans la vraie vie.

PHOTO FOURNIE PAR LE CLUB ILLICO

Une scène de l’épisode 7, consacré au chef de train, joué par Duane Murray

Qui dit série chorale dit chassés-croisés de personnages. Une scène anodine dans un épisode devient cruciale dans le suivant, quand le point de vue sur l’évènement change. C’est épatant.

Et comme le récit se déroule dans une communauté tissée serré, un lien clair entre les protagonistes se dessine au fil du visionnement. Autre point fort : les dialogues de la série sonnent vrai.

Mégantic n’essaie pas d’embellir le scénario en l’expurgeant de ses éléments plus glauques. On y voit des cadavres calcinés, des hommes en feu qui hurlent, des boules de feu qui montent vers le ciel, des scènes de dévastation dignes de The Last of Us. Ça hurle de douleur, ça crie de désespoir, ça pleure abondamment et le train siffle toujours à la même heure.

Ce n’est pas tant l’aspect gore qui frappe dans Mégantic, mais bien le malheur qui s’abat sur autant de gens aimants. Ce sont de bonnes personnes que l’on voit à l’écran. Ce qui leur arrive n’a aucun maudit bon sens, d’autant que le deuil, le mal de vivre ou la culpabilité continuent de les hanter près de 10 ans après l’incendie.

Vous vous doutez maintenant que Mégantic ne se consomme pas en rafale comme une série bonbon. Vaut mieux prendre son temps pour la regarder, quitte à débarquer après quelques épisodes pour y revenir plus tard. Ce train télévisuel, contrairement à celui de la Montreal, Maine & Atlantic, on peut l’arrêter quand on veut.