Nous apprenions la semaine dernière que l’horloge de l’apocalypse tenue à jour par les scientifiques n’a jamais été aussi près de minuit, notamment en raison du conflit en Ukraine qui a fait grimper d’un cran la menace nucléaire.

Est-ce la raison pour laquelle Marie Kondo, la papesse du rangement, a avoué qu’elle a lâché prise et accepté le bordel dans sa maison pour consacrer davantage de temps à ses trois enfants ? Il y a des signes qui ne trompent pas, et accueillir le chaos en fait partie. Peut-être aussi la mort de la marmotte Fred la veille de sa prédiction sur le temps qu’il reste à l’hiver, qui sait…

L’autre signe, en ce qui me concerne, est d’avoir embarqué à pieds joints dans une énième production à saveur apocalyptique, The Last of Us sur HBO (en français sur Crave et Super Écran), en voie de devenir l’un des évènements télévisuels de l’année. Pour avoir vu à peu près toutes les affaires contenant des zombies depuis La nuit des morts-vivants de George Romero qui remonte à 1968, je me croyais vaccinée contre les histoires de contamination, d’autant plus que j’ai abandonné la série Walking Dead après cinq saisons, franchement tannée du genre.

Il faut dire que depuis le temps, le zombie ne fait plus peur, il est surtout devenu un prétexte pour l’exploration des relations humaines après la fin du monde tel qu’on le connaît. Je dirais même que par moments, si l’on exclut ses moyens financiers, Walking Dead se rapprochait plus du téléroman que de la télésérie. Des drames et des trajectoires de personnages avec en toile de fond un peu de zombies qui ne nous font plus un pli. Parfois, je me demande si l’humanité souffrante ne rêve pas tant de fin du monde que de repartir à zéro, épuisée par l’attente de frapper son mur.

Or, depuis la pandémie, qui nous a donné un avant-goût de ce qu’un petit virus peut détraquer à grande échelle, ce type d’univers a forcément une résonance nouvelle auprès du public, qui n’a jamais tâté d’aussi près ce sentiment de catastrophe dans le réel.

On ne peut plus voir de la même façon un canevas basé sur la contamination. Hier, c’était de la science-fiction, alors qu’aujourd’hui, disons que c’est plus concret.

Dans le cas de The Last of Us, il y a une légère variation, le monde est ravagé par un champignon qui transforme les gens en une espèce de monstre cannibale à tête de chou-fleur. Si j’y ai jeté un coup d’œil, c’est parce que la série a été cocréée par Craig Mazin, qui nous a donné l’incroyable Tchernobyl (on reste décidément dans la catastrophe). Le fait que The Last of Us soit une adaptation d’un jeu vidéo de Neil Druckmann (coscénariste avec Mazin) me rebutait, même si mes amis « gamers » me disaient que c’était l’un des meilleurs jeux des dix dernières années, car c’est souvent loin d’être une garantie lorsque transposé à l’écran.

Heureusement, nul besoin de connaître le jeu pour embarquer dans The Last of Us, tellement c’est bien réalisé, ce que l’on constate dès le premier épisode, sans toutefois être vraiment surpris par un concept maintes fois exploré. Mais c’est au troisième épisode que j’ai basculé et su que j’allais regarder la série jusqu’au bout. Comme le dirait mon éminent collègue Hugo Dumas, l’alerte au divulgâcheur clignote ici comme un gros bouton rouge.

PHOTO FOURNIE PAR HBO

Murray Bartlett et Nick Offerman dans une scène du troisième épisode de The Last of Us

Véritable court métrage à l’intérieur de la série, ce troisième épisode a fait pleurer les téléspectateurs, qui ne parlaient que de ça sur les réseaux sociaux. Il faut avouer qu’on a rarement vécu autant de douceur et de beauté en regardant une histoire de zombies à laquelle s’ajoute une petite touche de Brokeback Mountain.

Nous suivons sur plusieurs années l’histoire d’amour entre Bill (Nick Offerman), un survivaliste dont les idées conspirationnistes sont plutôt confirmées par la situation, et Frank (Murray Bartlett), qui est tombé dans l’un de ses pièges sur son terrain. Ces deux-là sont faits l’un pour l’autre et c’est le coup de foudre. Mais quelles sont les chances de tomber sur le grand amour en pleine fin du monde ? Bill accepte-t-il enfin son homosexualité parce qu’il n’y a plus personne autour pour le juger ? Dans le monde d’avant, aurait-il osé baisser la garde ? Frank aurait-il seulement posé les yeux sur lui ?

En tout cas, si je devais survivre à l’apocalypse, c’est comme Bill et Frank que je voudrais vivre ça et je n’aurais jamais cru brailler autant pour un personnage de survivaliste-conspirationniste (qui, en plus, cuisine comme un chef).

C’est fou, car cette histoire d’amour est si bien amenée (vers une conclusion aussi belle que tragique) qu’on en oublie presque l’environnement hostile dans lequel elle se déroule. Ce qui nous laisse croire que The Last of Us misera peut-être plus sur l’amour que la haine, sur l’espoir plutôt que le désespoir, ce dont, je crois, nous avons bien besoin. Même ceux qui détestent les films de zombies pourraient être émus par cette série, c’est tout dire. Prouver qu’il reste encore du jus à presser dans le genre relève du tour de force, j’ai hâte au prochain épisode.