J’avoue que j’y suis allé à reculons. Pensez donc : des tableaux des impressionnistes projetés en 3D dans une salle de spectacle. D’abord, il y a longtemps que j’ai atteint un niveau de saturation avec les ballerines de Degas et les meules de foin roses de Monet.

Et puis, je me méfie de cette tendance des « expériences immersives » qu’on nous sert à toutes les sauces.

J’avais si peu envie de voir La magie des impressionnistes – L’unique expérience immersive en 3D que j’ai annulé ma présence à la soirée d’ouverture de mercredi soir. Mais jeudi, alors que le centre-ville était d’un gris affligeant, je me suis pointé au Studio-Cabaret.

Un mot d’abord sur cet endroit inauguré l’automne dernier qui fait partie du nouvel Espace St-Denis. C’est sans doute l’une des plus belles salles de la métropole. Cette formule de cabaret, installée dans un environnement qui dispose de technologies de pointe, laisse présager de très belles soirées pour les artistes et le public.

En entrant dans ce théâtre, vers 16 h, j’ai eu toute une surprise : l’endroit était plein à craquer. J’y ai retrouvé majoritairement de jeunes retraités qui n’en finissent plus de savourer leur nouvelle liberté en buvant un verre de vin et en partageant un plateau de fromages entre amis.

En une minute et quart, je suis passé de la dure réalité hivernale à la dolce vita !

En première partie, on nous présente un montage (qui n’est pas en 3D) qui nous en apprend plus sur les impressionnistes. On a pris soin de ne pas oublier les femmes de ce groupe sélect : Berthe Morisot, Eva Gonzalès et Marie Bracquemond.

Puis, après un court entracte (qui permet de commander plus de vin et d’ignorer les recommandations de Santé Canada), tout le monde met ses lunettes 3D jaune moutarde et la présentation commence.

Très rapidement, le charme opère. Voir défiler sous nos yeux ces tableaux « déconstruits » au son (impeccable) des musiques de Debussy, Ravel ou Fauré a un effet littéralement médical.

À un moment donné, j’ai observé les gens qui regardaient ces fresques et j’ai compris ce qu’ils puisaient dans cette expérience : la beauté. Pendant plus d’une heure, c’est ce qu’on nous braque en pleine face, de la beauté.

Et Dieu sait si après les années de pandémie, les images atroces de conflits auxquelles nous sommes confrontés au quotidien, la perte de confiance en la race humaine causée par des leaders et des hommes d’affaires affamés de puissance, nous avons besoin de beauté.

Comme ça fait du bien de savoir que peu importe ce que nous vivrons au cours de notre vie, Renoir et Satie seront toujours là.

À côté de moi, une femme n’a pas cessé de répéter toutes les 30 secondes : « Non mais, c’est-tu assez beau ! » Au bout de 10 minutes, j’hésitais entre deux approches : lui dire de se la fermer ou casser en deux sa paire de lunettes 3D ! Je l’ai plutôt laissée exprimer la surdose de beauté qu’elle recevait.

Certains puristes diraient que c’est un sacrilège de déconstruire des chefs-d’œuvre et de leur procurer un semblant de vie en faisant onduler l’eau de la mer ou les robes des dames.

À cela je réponds que c’est un faux débat. D’abord, c’est une chance inouïe de voir ces tableaux en format géant. Bien sûr qu’il s’agit d’une représentation irréelle des œuvres. Mais après avoir vu à maintes reprises des tableaux d’impressionnistes dans des salles archibondées, j’avoue que mon plaisir fut différent, mais aussi fort.

Et puis, si cela peut donner le goût à un certain public d’aller voir les vrais tableaux…

Quant à la transposition de ces œuvres dans un cadre technologique, il faudrait rappeler que l’histoire de l’art est aussi faite de ça. Qu’est-ce qu’on fait quand on insère l’extrait d’un air connu dans une pièce de hip-hop ?

L’art se nourrit de l’art, c’est bien connu.

Il y a la beauté, mais aussi la nostalgie dont on vient pincer les cordes durant la projection. Et pour le faire, on nous fait entendre Charles Aznavour, Édith Piaf, Cole Porter et Nana Mouskouri (une magnifique chanson que je ne connaissais pas : Ce sera moi).

Cette nostalgie n’est pas celle d’une époque que nous avons vécue, mais celle d’un monde dont on sait qu’il n’existera jamais plus.

Voilà une autre bonne raison de se gaver de beauté !

Consultez le site de La magie des impressionnistes

Gaz Bar Blues

Il se passe quelque chose d’important en ce moment chez Duceppe. L’adaptation théâtrale du film Gaz Bar Blues marque somptueusement la rentrée hivernale. Deux heures de pur bonheur, de rires, de blues et de regards embués !

Je ne vais pas répéter ce que mon collègue Luc Boulanger dit dans sa critique, mais le texte passe admirablement bien la rampe, les acteurs sont époustouflants et la mise en scène d’Édith Patenaude est celle qui devait aller à la rencontre de cette œuvre.

Cette production installe solidement ce théâtre fondé par Jean Duceppe en 1973 là où il doit être en 2023. Voilà une belle façon de souligner son 50e anniversaire.

Mettez vite la main sur des billets !

Lisez la critique de Luc Boulanger