Lorsque l’Académie des Gémeaux a annoncé avant les Fêtes qu’elle abandonnait la division des sexes dans les catégories d’acteurs et d’actrices, des gens ont tout de suite évoqué les dangers inhérents à ce genre de décision.

Comment allons-nous réagir si un sexe en particulier est désavantagé ou carrément rayé de la carte ? Allons-nous remettre en question les résultats ?

La réponse est oui, car c’est exactement ce qui se produit en ce moment avec les Brit Awards. Les organisateurs ont dévoilé jeudi la liste des nommés en vue de la prochaine cérémonie. À la surprise de tous, on a découvert que la catégorie qui englobe les chanteurs et les chanteuses, maintenant appelée « Best Artist », se retrouve avec cinq finalistes… masculins.

Les candidats sélectionnés sont Harry Styles, Stormzy, Central Cee, Fred Again et George Ezra. « Il y a une chose dont on est sûr, c’est que c’est un homme qui va gagner cette année », a déclaré ironiquement un journaliste de la BBC.

Quelques minutes après cette annonce, les réseaux sociaux se sont enflammés. L’interprète non binaire Sam Smith, à l’origine de ce changement apparu pour la première fois en 2022, a eu droit à une volée de bois vert de la part de certains internautes enragés.

« Il ne fait aucun doute que cette manière de faire sera très dommageable pour les femmes », a écrit Joan Smith, chroniqueuse au Post. « Un pas en avant, trois pas en arrière », a publié de son côté le chanteur Tim Burgess sur Twitter.

Pour certains, en éliminant les genres des catégories, afin d’être plus inclusifs avec les personnes non binaires, on tente de régler un problème tout en en créant un autre. Mais pour beaucoup de gens, dont je fais partie, il faut franchir cette étape. Si on ne force pas les choses, rien ne bouge.

Cette tendance à éliminer les catégories genrées dans ce type de compétition ou de gala prend de l’ampleur. Chez nous, outre les Gémeaux, le gala des prix Écrans canadiens a annoncé qu’il adoptait cette manière de faire avec les trophées qui récompensent un premier rôle ou un rôle de soutien au cinéma. Les Juno, les Grammy, les British Independent Film Awards et les MTV Movie & TV Awards ont aussi fait ce choix.

Dans les faits, ce changement est souhaitable et est rempli de bonnes intentions. Mais sommes-nous véritablement prêts à vivre avec les conséquences de cette révolution ? Et surtout, vivons-nous dans un monde suffisamment égalitaire pour bien vivre cette étape et faire confiance aux résultats ? C’est la grande question.

Ce qui se passe dans ces cérémonies est petit. Mais il nous fait prendre conscience de l’extrême complexité des révolutions que nous nous imposons. Nous changeons les choses sans savoir si nous pouvons absorber ces changements. « La révolution doit apprendre à ne pas prévoir », disait Bonaparte.

En attendant que les bottines suivent les babines, il faut apprendre à vivre avec les résultats. Sinon, on ne s’en sortira pas. On n’aura pas fini de râler et d’échafauder des théories du complot dans les semaines qui vont précéder les galas.

Il faut savoir que la plupart du temps, les finalistes (et des gagnants) sont choisis par des membres d’une académie ou d’un jury. Il arrive toutefois que pour le choix final, la participation du public soit mise à contribution.

Dans le cas des Brit Awards, 70 artistes ont été inscrits dans cette catégorie par les maisons de disques selon des critères précis. Seulement 12 femmes se sont retrouvées dans la course. Les cinq finalistes masculins ont été choisis par 1200 votants.

L’an dernier, Adele faisait partie du groupe de finalistes en compagnie de la chanteuse Little Simz. C’est Adele qui a été la lauréate. En recevant le prix, la chanteuse a dit comprendre pourquoi on avait fusionné les deux catégories en une seule, mais elle a ajouté « qu’elle aime être une femme et une femme artiste ».

Ce qui se passe aux Brit Awards risque fort bien de nous arriver. Vous imaginez les discussions que nous aurons lorsqu’une majorité d’hommes ou de femmes dominera une catégorie aux Gémeaux ?

Est-ce qu’on se mettra à créer d’une façon quelconque une parité dans les catégories ? Si oui, ça serait franchement ridicule. Est-ce qu’il y aura des lobbys pour favoriser un candidat ou une candidate afin qu’il ou elle représente un sexe plutôt que l’autre ?

Bref, allons-nous voter pour un sexe plutôt qu’un talent ?

La cérémonie des Brit Awards (l’un des meilleurs galas de musique au monde) a lieu le 11 février. Il est évident que cette polémique sera le clou de la soirée.

Au fond, j’y pense… Alors qu’on ne cesse de remettre en question la pertinence de ces fameux galas, peut-être que leur survie passera par ces controverses. À moins que cela signe leur arrêt de mort.