Les fans finis de l’inspecteur-chef Armand Gamache ne déchireront pas leurs bouquins en hurlant de rage et de déception. L’enquêteur vedette créé par la romancière Louise Penny saute habilement au petit écran grâce à l’immense talent de l’acteur Alfred Molina, alias le Docteur Octopus dans Spider-Man : Sans retour.

Pardon ? Un Britannique pour camper le flic de la Sûreté du Québec le plus connu de la planète polar ? Oui, et ça fonctionne bien. Alfred Molina a eu l’intelligence et le flair de ne pas sombrer dans la caricature vocale des Québécois comme dans l’infâme série Le serpent de Netflix, au secours.

Son personnage de détective s’exprime sans accent « canadien-français » bâclé, Dieu merci, et incarne tout ce qu’Armand Gamache représente pour ses fidèles lecteurs : un homme brillant, à l’écoute, cultivé, doux, intègre et capable d’autodérision. Gamache est l’antithèse de l’enquêteur alcoolique, bourru et désagréable qui inonde la littérature scandinave.

Bonus : c’est l’actrice québécoise Marie-France Lambert qui campe la charmante épouse de l’inspecteur Gamache dans la minisérie Three Pines d’Amazon Prime Video, tournée à Saint-Armand et à Montréal l’an dernier.

Les deux premiers épisodes sortent vendredi, en anglais et en français, et une solide mise en garde s’impose. Ces deux heures, qui dérivent du roman Sous la glace, flirtent avec le burlesque et tombent à plat. La série cherche son ton entre le sérieux des enquêtes et le comique découlant des personnages excentriques qui peuplent le village fictif de Three Pines, dans les Cantons-de-l’Est.

Comme si la production, écartelée entre Stieg Larsson et Agatha Christie, hésitait à manufacturer un thriller sombre à la Cardinal et un sympathique « qui l’a fait ? » à la Knives Out. Bref, c’est raboteux et « cringe », dirait sûrement un ado.

Heureusement, Three Pines se ressaisit aux troisième et quatrième épisodes, adaptés du livre Le mois le plus cruel. Le côté « théâtre d’été » s’estompe et le téléspectateur plonge dans la série comme dans un bon polar. Vite fait, bien fait. Ce n’est pas la série de l’année ni la pire, on s’entend, c’est un projet correct et efficace. La dernière moitié de Three Pines se divise entre Défense de tuer et Le pendu, si vous désirez lire les livres avant de les voir à l’écran.

Pour ceux et celles qui n’ont jamais ouvert un roman de l’auteure canadienne – et résidante de Lac-Brome – Louise Penny, Three Pines raconte les aventures de l’inspecteur montréalais Armand Gamache, que son supérieur dépêche constamment à Three Pines, bourgade fictive des Cantons-de-l’Est, pour y résoudre des meurtres crapuleux.

Et ça débute avec la mort de la cruelle CC de Poitiers (Simone-Élise Girard), qui a été électrocutée pendant une partie de curling extérieure, quoi de plus canadien, eh ? Tous les habitants de Three Pines, y compris son mari et sa fille adolescente, détestaient CC de Poitiers, sauf son amant, le réputé photographe Saul Petrov (Iannicko N’Doua).

CC de Poitiers, la Cruella de l’Estrie, vivait dans un manoir de Three Pines qui a longtemps servi de pensionnat pour enfants autochtones. Cette maison hantée sert aussi de point de départ – et de séance de spiritisme – à une deuxième investigation d’Armand Gamache, flanqué de ses collègues de la Sûreté du Québec Jean-Guy Beauvoir (Rossif Sutherland, le frère de Kiefer) et Isabelle Lacoste (Elle-Mija Tailfeathers).

Une quatrième policière se greffe au trio original, soit l’agente Yvette Nichol (Sarah Booth), qui habite la région de Three Pines, qui est à la fois maladroite et futée et qui rêve de devenir sergente-détective.

La plupart des personnages imaginés par Louise Penny apparaissent dans Three Pines : Olivier et Gabri du bistro, Myrna la propriétaire de la librairie du village, l’étrange poétesse Ruth et son canard domestique, sans oublier Bea, qui n’exploite plus un studio de yoga/méditation, mais un centre d’art autochtone.

Une super investigation, qui n’existe pas dans les bouquins de Louise Penny, chapeaute les huit épisodes de Three Pines et s’intéresse à la disparition de Blue Two-Rivers (Anna Lambe), une femme autochtone de 18 ans et maman d’un poupon.

Three Pines ne maquille pas le Québec et montre le pont Jacques-Cartier, l’oratoire Saint-Joseph et de nombreux commerces de Saint-Armand, près de la frontière américaine. Il neige abondamment dans les deux premiers épisodes, mais il ne fait manifestement pas -20 comme le prétendent les protagonistes, franchement. Ils boutonneraient mieux leurs parkas si c’était le cas.

Comme l’action se déroule chez nous, plusieurs personnages s’expriment en québécois et lâchent des « tabarnak » bien sentis. Et quand Alfred Molina, notre Sherlock Holmes de Brome-Missisquoi, parle français, ça ne grafigne pas les oreilles, ça coule bien. On n’a pas l’impression d’entendre la pauvre Emily dans Emily in Paris.

Laurence Lebœuf apparaît dans le cinquième épisode, que réalise Podz. Vous verrez également Vincent Leclerc, Frank Schorpion, Mylène Dinh-Robic et Frédéric Antoine-Guimond dans Three Pines, une série très conventionnelle, très Columbo, très rétro dans son esprit.

Si vous préférez les histoires plus tordues et glauques, prenez la sortie avant Three Pines et allez chercher votre double-double ailleurs.