« La prison, c’est pas nice. »

Isabelle Lagacé, 34 ans, ne joue pas du tout à la victime dans la docusérie Cocaïne, prison et likes que la plateforme Crave consacre à la luxueuse croisière de 49 nuits où elle s’est amusée, certes, mais qui l’a finalement débarquée dans un pénitencier australien, où elle a croupi pendant quatre ans et demi pour trafic et importation de drogue.

Oui, Isabelle Lagacé savait que ce voyage « gratuit » autour du monde servait « à bouger de la poudre ». En échange de 100 000 $, elle a accepté de monter à bord du Sea Princess pour éponger ses dettes, rétablir sa cote de crédit détruite par une faillite et ouvrir un resto vietnamien.

Les trois épisodes de la série, offerts vendredi sur Crave, montrent une jeune femme lucide et directe à la Anna Delvey, qui n’essaie pas d’attirer la pitié et qui s’exprime dans un franglais que ne renierait pas une participante de L’île de l’amour. « On a eu du bon temps sur le bateau, don’t get me wrong », confie-t-elle à la caméra, saupoudrant ses phrases de « j’étais money focused », « j’ai let go » ou « j’étais comme numb ».

Et pour reprendre un vocabulaire de téléréalité, Isabelle Lagacé était une petite tannante sur le party, qui bossait au « service des bouteilles » dans un resto-bar fréquenté par des gens du milieu interlope. Quand un client (qu’elle ne nommera pas) lui offre de partir deux mois en croisière, elle ignore sciemment tous les drapeaux rouges et boucle sa valise.

Ni influenceuse, ni escorte, ni actrice porno, Isabelle Lagacé, alors âgée de 28 ans, quitte son amoureux, qui sortait de prison après avoir été condamné pour gangstérisme, complot et trafic de stupéfiants. Nous sommes en juillet 2016. Isabelle embarque sur le Sea Princess à Douvres, dans le sud-est de l’Angleterre, en compagnie d’une connaissance, Mélina Roberge, 22 ans, d’André Tamine, 64 ans, d’un dénommé Michel Chiasson et de deux autres hommes dont l’identité n’a jamais été dévoilée.

La suite de l’aventure a nourri les tabloïds pendant des mois. Isabelle Lagacé et Mélina Roberge, alias « les cocaïne babes », ont inondé Instagram de photos en bikini, d’égoportraits aguichants, de plages de sable blanc et de cocktails colorés. Mot-clic : vivre sa « best life ».

Ce que les « deux criminelles les plus sexys de la planète » ignoraient, c’est que l’âge moyen des passagers de leur navire se situait à 72 ans. Les deux vingtenaires de la Rive-Sud détonnaient dans cette foule du troisième âge et attiraient déjà les soupçons : s’agirait-il de travailleuses du sexe ?

Cocaïne, prison et likes résume efficacement l’affaire, mais ne la pousse pas plus loin. Qui a financé et orchestré cette opération ? Pourquoi personne ne parle du troisième accusé, André Tamine, qui a été coincé avec plus 60 kilos de cocaïne dans sa cabine, contre une trentaine pour les deux filles ?

La docusérie de Crave se concentre sur le témoignage rationnel et détaché d’Isabelle Lagacé, auquel se greffent ceux de son père Jacques (très touchant), de sa meilleure amie, de son ancien copain, de son avocat, de sa tante et de plusieurs reporters.

Mélina Roberge, qui travaille aujourd’hui dans un salon-boutique de coiffure à Bromont, n’apparaît qu’en photo dans la série. Isabelle Lagacé a renié son « amie » Mélina quand cette dernière a plaidé non coupable aux lourdes accusations déposées contre elle.

C’était le « ultimate betrayal » – la trahison ultime – pour Isabelle Lagacé qui a, de son côté, reconnu sa culpabilité très rapidement dans le processus judiciaire.

Mélina Roberge, 29 ans, a raconté sa version de cette histoire de « crime réel » hollywoodien dans le livre Sans filtre, publié en septembre. En gros, Mélina a été aspirée dans ce tourbillon par ses goûts de luxe et son désir d’accéder à une vie d’influenceuse glamour. En relation avec un « papa gâteau », elle raffolait des mentions j’aime sur Instagram et des sacs à main Louis Vuitton. Mélina Roberge reconnaît aussi ses erreurs et accepte tout le blâme.

Vous avez sans doute vu Isabelle Lagacé, dimanche soir, dans une édition particulièrement relevée de Tout le monde en parle à Radio-Canada. La directrice générale de la municipalité de Saint-Sévère, Marie-Andrée Cadorette, y a volé la vedette avec son aplomb, son humour et sa vivacité. Quelle femme charmante ! Il y a clairement du matériel à Bye bye dans cette histoire à la fois loufoque et complexe de vaches en cavale, qui résistent à toutes les tentatives de capture.

Le plateau de Guy A. Lepage grouillait d’invités intéressants et impliqués dans les autres discussions, dont Xavier Dolan (et ses faces expressives), Julie Le Breton, Patrick Hivon, Magalie Lépine-Blondeau, Josée di Stasio, Félix Auger-Aliassime (en entrevue préenregistrée), le neurochirurgien Alexander Weil, Katherine Levac, Robert Frosi et Patrice Bernier. Cote d’écoute de ce dernier Tout le monde en parle : 942 000 téléspectateurs.

Deux émissions de TVA ont encore franchi le cap du million, soit Chanteurs masqués (1 623 000) et Révolution (1 041 000). Sur Noovo, 565 000 fidèles d’Occupation double ont entendu Jay Du Temple s’adresser aux finalistes en les appelant « les amis » au moins 45 fois. Merci les amis, bonne chance les amis, bonsoir les amis.