La troisième saison de La faille nous immerge dans une enquête touffue de type « moine et mystère », où la sergente-détective Céline Trudeau (excellente Isabel Richer) remue son passé rempli de squelettes des années 1950, de bijoux religieux et de familles rivales qui se détestent depuis le temps de la prohibition.

Est-ce que le troisième et dernier chapitre du thriller du Club illico, offert depuis une semaine pour ses abonnés payants, vaut la peine qu’on lui consacre huit heures d’écoute ? Après deux épisodes échevelés, où l’intrigue étourdit et se dilue entre une abbaye étrange, un hôtel-restaurant défraîchi et un verger chenu, j’aurais affirmé que non. Histoire confuse, amorce diffuse, La faille 3 tombe dans sa propre craque profonde.

Mais rendu au cinquième épisode, je répondrais que oui, la série policière de Frédéric Ouellet mérite votre (pleine) attention. Le punch à la fin du deuxième épisode nous raccroche au récit hyper fourni, et les révélations fracassantes à la quatrième heure propulsent l’enquête à un niveau plus captivant. Il faut cependant tester sa patience et accepter de ne pas tout comprendre, dont plusieurs répliques inaudibles, parce que marmonnées par leurs interprètes. Un fléau inendiguable, faut croire.

Cela dit, ni La faille 2 ni La faille 3 n’ont reproduit la magie de la première mouture, un bijou de polar scandinave noir. Une des meilleures émissions des dix dernières années en télé québécoise.

Après le glacial Fermont et le béton ultra-résistant du Château Frontenac, le troisième chapitre de La faille transporte Céline Trudeau dans son patelin natal, le village estrien d’Applegrove, près de la frontière américaine et de la majestueuse abbaye de Saint-Benoît-du-Lac. Pensez à un croisement entre un roman de Louise Penny, la série Nos étés et La vérité sur l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker.

C’est la première fois en plus de 30 ans que la redoutable enquêtrice Céline Trudeau remet les pieds à Applegrove, un endroit à la fois lugubre et charmant. Pour employer un langage de Marvel, La faille 3 est « l’histoire d’origine » de Céline Trudeau. Pourquoi la mort l’obsède plus que la vie ? D’où lui vient cette pugnacité, cet acharnement à résoudre des cas impossibles ? Et pourquoi rien ne la satisfait ?

Un fantôme très familier hante Céline depuis trois décennies : celui de sa cousine et meilleure amie Véronique Jolicœur (Emma Elle Paterson), 16 ans, assassinée le soir de l’Halloween 1986. Le corps entier de Véronique — vous comprendrez au deuxième épisode — n’a cependant jamais été retrouvé.

Dès qu’elle dépose sa valise chez son oncle Léopold Jolicœur (Gilbert Sicotte), les souvenirs, que Céline écrasait et embarrait loin dans sa tête, ressurgissent et la secouent. Puis, en pleine nuit, quelqu’un décapite une poule et exhume un squelette enterré depuis 75 ans dans le verger de Léopold, à la lisière de la vaste propriété des moines de l’abbaye. Coïncidence ? Évidemment pas.

Céline Trudeau revient, un squelette (qui porte une bague antique) remonte à la surface et le partenaire de Céline à la SQ, Alexandre Théberge (Alexandre Landry), hérite de ce dossier en apparence simple, mais super complexe.

Jumelé à Théberge, c’est le flic local Jean « Johnny » Léger (Didier Lucien) qui sert de guide touristique aux téléspectateurs. À coups de répliques parfois plaquées et pédagogiques, Johnny explique que trois clans s’affrontent à Applegrove depuis un siècle : les magouilleurs Jolicœur (la famille maternelle de Céline), les rusés Morency et les aristocrates Collins.

Un Jolicœur ne fricote pas avec un Collins et encore moins avec un Morency, vous voyez le portrait. L’arbre généalogique de ces trois familles ennemies devient vite emmêlé. Il y a des cousins, des neveux et des grands-parents de tous les bords. Un personnage important à suivre : l’énigmatique Damien Morency (Sébastien Ricard), l’amour de jeunesse de Céline qui trempe dans des trucs louches.

L’implication des religieux arrive plus tard dans les épisodes. Là aussi, il y a plusieurs curés, pères et abbés à désembrouiller, autant dans le présent que dans les flashbacks de 1986, l’année où l’adolescente Véronique Jolicœur — la cousine de Céline, rappelons-le — a été tuée.

La faille 3 ne manque pas de bons acteurs et d’ambition. La liste des suspects couvre quasiment deux pages de scénario, et les épisodes renferment même des flashbacks de flashbacks. J’adore la musique du générique d’ouverture de La faille, qui pulse et bat sur un rythme anxiogène à la Nine Inch Nails.

Ce qui manque à La faille 3 ? Du glauque, du stressant, de l’épeurant. À mi-parcours dans la télésérie, qui aboutira sans doute à TVA en septembre, on ne ressent pas l’urgence d’engouffrer les épisodes pour assembler le puzzle.

Également, dans ce type d’énigme à solutionner, le personnage qui parle le moins en sait toujours le plus. Tiens, tiens. Il y a justement un cousin de Céline — campé par Patrick Drolet — qui vit dans le spectre de l’autisme, qui ne parle pas, mais qui possède une mémoire encyclopédique. Détiendrait-il la clé du coffre de tous les secrets d’Applegrove ?