Après trois semaines de diffusion, et beaucoup de séances de vélo stationnaire pour le criminaliste Léo MacDonald (Sébastien Delorme) et l’urgentologue Emmanuelle St-Cyr (Suzanne Clément), le diagnostic tombe : je préfère STAT à Indéfendable.

Voilà, c’est noté au dossier. On peut donner congé à Chrystelle Savard (Sarah Anne Parent) qui entendait l’interphone lui parler. On pourrait aussi accélérer l’enquête pataude sur le patient meurtrier Pierre Poirier (excellent Hubert Proulx), qui commence à ressembler à CSI : Psychiatrie.

Je préfère STAT pour la richesse et la profondeur de ses personnages, qui ont plus d’épaisseur et de couleur que ceux d’Indéfendable. Prenez l’avocate Marie-Anne Desjardins, campée par Anne-Élisabeth Bossé dans Indéfendable. C’est une des têtes d’affiche de la quotidienne de TVA et on ne sait pratiquement rien d’elle, sauf qu’elle est sarcastique, qu’elle marche vite et qu’elle a été agressée en cour. Après 12 épisodes, ce n’est pas normal que les auteurs aient été aussi chiches et avares d’infos envers une de leurs héroïnes.

La stagiaire d’Indéfendable, la vaillante Inès (Nour Belkhiria), est hyper junior et très naïve, limite peu crédible. Et notre bon Léo, toujours garé directement devant le palais de justice de Montréal, paraît trop parfait et lisse dans cet environnement gris bleuté. Il est difficile de s’attacher à autant de gens unidimensionnels.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE STAT

Pascal (Normand D’Amour) de l'émission STAT

À l’opposé, STAT nous donne beaucoup de jus sur les failles et le passé trouble des employés de l’hôpital St-Vincent. D’abord, il y a cette relation complexe entre la dévouée Emmanuelle et son frère stoïque Pascal (Normand D’Amour), oncologue, directeur des soins professionnels et boxeur amateur quand vient le temps de secourir l’infirmière Sophia (Ludivine Reding).

Comme dans Grey’s Anatomy, la romance inonde les corridors de STAT.

La chirurgienne sans filtre Isabelle Granger (Geneviève Schmidt), que j’adore, fréquente l’infirmier et syndicaliste teigneux Daniel (Bruno Marcil). Le nouvel urgentologue baveux Jacob Faubert (Lou-Pascal Tremblay) en pince pour la petite fugueuse… Pardon, pour la jolie Sophia. Et il y a la mystérieuse Emmanuelle qui fabrique des trucs pas nets dans le cagibi réservé à l’usage exclusif du personnel. À investiguer, stat !

Cette Emmanuelle, le cœur pulsant de STAT, a été finement esquissée par l’auteure Marie-Andrée Labbé. Il ne s’agit pas d’une sainte, loin de là. C’est une femme complexe, attachante, sexuelle, brillante, secrète et protégée par une épaisse carapace. Sur la chaîne concurrente, l’avocat Léo MacDonald manque de relief en comparaison avec sa rivale au caractère étoffé et multicouche.

Il y a un paquet de fils à détricoter dans une saison de la vie d’Emmanuelle. On suppose que son ado de 20 ans a dû prendre ses distances d’avec une mère contrôlante et intense. On devine qu’Emmanuelle recrée dans ses soupers d’amis la bulle familiale qui lui a éclaté entre les mains.

On comprend que la mort suspecte de son amoureux François (Daniel Parent) a détraqué Emmanuelle, qui rouvre elle-même l’enquête auprès de la psychiatre Julie Faubert (Isabelle Brouillette), une autre médecin aux intentions louches. Hypothèse : pensez-vous que François, dont le suicide demeure nébuleux, pourrait être le père de Jacob ? On jase.

Il y a plein de petits mystères, comme ça, qui nous ramènent à STAT du lundi au jeudi à 19 h. Entre les longs cas à traiter, les épisodes bouclent plusieurs intrigues mineures comme celles du joueur de tennis automutilé du pouce, de la fille atteinte d’un glioblastome ou de l’embolie graisseuse qui a emporté le jeune Mathias (Thomas Boonen).

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Mathias (Thomas Boonen) de l'émission STAT

Le cas du « sympathique » bandit Félix Lemoine (Émile Schneider), qui cache une arme dans son sac, a également été bien greffé à la trame principale.

Les enchaînements coulent moins bien dans Indéfendable. La quotidienne de TVA a étiré à son maximum la terrible histoire de la petite Rose, que son papa (Benoit Drouin-Germain) a oubliée dans la voiture et qui en est morte gelée. Ces épisodes, très bien joués, cela dit, ont été extrêmement durs. Peut-être trop pour une émission placée à 19 h. Des parents en deuil qui hurlent leur détresse à s’en fendre l’âme, ce n’est pas évident à suivre, surtout quand la tension ne baisse jamais dans la demi-heure. La pédale de larmes bien collée dans le fond.

STAT entrelace mieux la légèreté du quotidien aux grands drames de fond du téléroman.

Les scénaristes d’Indéfendable ont échappé l’intrigue des jumeaux Poirier, qui aurait pu être plus punchée, mais qui a sombré dans la confusion. Diane Jules, son fils décédé, la lettre cachée dans le soutien-gorge, le DCharbonneau (Christian Bégin) qui déclenche les personnalités de ses patients, la Dre Lévesque (Marie-Ève Perron) qui se prend pour le syndic du Collège des médecins. Concision, cohésion et cohérence, s’il vous plaît.

Autre défaut d’Indéfendable : la pâleur des personnages périphériques. Le père de Léo, Ryan Ti-Bill MacDonald (Jean Maheux), n’apporte rien d’intéressant à l’émission, tout comme sa conjointe Sara (Catherine Renaud) qui sert quasiment d’accessoire dans l’histoire.

Dans STAT, qu’il s’agisse de la travailleuse sociale anorexique Delphine (Virginie Ranger-Beauregard) ou de la directrice psychorigide Mylène Lapierre (Isabelle Blais), on a le goût de les connaître et de les suivre tous les soirs.

C’est pour toutes ces raisons que STAT obtient un bon bilan et qu’Indéfendable a encore besoin de soins particuliers.