Avais-je le goût de regarder la minisérie radio-canadienne consacrée à l’enfance de l’écrivaine Gabrielle Roy ? Zéro pis une barre.

Coproduction régionale Manitoba-Québec, mince budget pour une série d’époque et abus de violons mélancoliques, tous les éléments convergeaient vers un désastre cathodique de type À la valdrague (ouf !). J’ai d’ailleurs passé mon tour quand la chaîne ARTV a relayé en mars les huit épisodes d’une demi-heure du Monde de Gabrielle Roy. Merci, mais non merci.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Martine Francke dans Le monde de Gabrielle Roy

Quand Radio-Canada a remis l’œuvre à sa grille fin juin (les lundis à 19 h 30), j’ai tendu l’oreille et ouvert l’œil. D’autant plus que Le monde de Gabrielle Roy avait décroché deux nominations majeures en prévision du gala des Gémeaux de septembre : meilleure actrice (Martine Francke) et meilleure réalisatrice (Renée Blanchar).

Verdict ? C’est sympathique, touchant et charmant, pas du tout quétaine. Vraiment, mes préjugés ont brouillé mon jugement, désolé. Cette série lente et poétique ressemble aux adaptations télévisuelles qui ont été tirées des romans de Lucy Maud Montgomery, dont Anne… la maison aux pignons verts.

Le volet gratuit de Tou.tv offre les deux premiers épisodes du Monde de Gabrielle Roy. Le troisième passe lundi soir et la collection complète est accessible sur l’Extra de Tou.tv.

Campé entre 1919 et 1929, Le monde de Gabrielle Roy se décline en huit souvenirs de jeunesse de la célèbre écrivaine qui construiront son univers littéraire et nourriront ses obsessions créatives. À travers les yeux pétillants de la petite Gabrielle Roy (Léa-Kim Lafrance-Leroux), 10 ans, le téléspectateur s’immerge dans le mouvement de l’émancipation des Manitobaines, le combat pour la préservation du français à l’extérieur du Québec, l’exil ainsi que l’oppression des francophones, la lutte des classes sociales et le désir d’évasion d’une future étoile de la littérature internationale.

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Martine Francke et Léa-Kim Lafrance-Leroux dans Le monde de Gabrielle Roy

Non, vous n’assisterez pas à la création de Bonheur d’occasion. Le monde de Gabrielle Roy se conclut en pleine crise économique alors que l’héroïne (maintenant jouée par Romane Denis) a 20 ans et poursuit ses études pour devenir institutrice. Dans près de 95 % des scènes de la minisérie, c’est la Gabrielle de 10 ans que nous suivons, une fillette curieuse, rêveuse et fouineuse, de même que ses sœurs plus âgées Bernadette, Alicia et Clémence.

Le personnage de la mère de Gabrielle Roy, Mélina Landry (excellente Martine Francke), ressort clairement du lot. C’est elle qui encourage sa fille Gabrielle à « faire partie du grand monde ». Un monde de bals somptueux, de gants de soie et de shopping chez Eaton auquel Mélina n’a jamais accédé.

Cette femme pieuse, intense, fière et protectrice est le cœur de la maison familiale de la rue Deschambault, à Saint-Boniface. Couturière, Mélina est tiraillée entre les traditions religieuses et le vent de modernité qui souffle sur les Prairies.

Son mari, Léon Roy (Gaston Lepage), correspond plus au stéréotype de l’homme de son époque. À la fois bourru et sensible, il a longtemps travaillé comme agent de colonisation pour le gouvernement fédéral, avant de perdre son travail. C’est Léon qui encourage ses filles à s’instruire, un outil précieux pour s’extraire de la pauvreté.

Le monde de Gabrielle Roy renferme quelques sources d’irritation, dont la musique omniprésente qui gâche parfois l’ambiance. Il ne s’agit pas non plus d’une biographie dite classique, car la scénariste et réalisatrice Renée Blanchar (Belle-Baie) a pris des libertés historiques pour broder son récit.

Peu importe. Pour bronzer plus intelligent, Le monde de Gabrielle Roy se situe plus près de l’enchantement que de la détresse.

Flocons de neige (artificielle)

Ne perdez pas votre temps avec la téléréalité Snowflake Mountain de Netflix. C’est mauvais et le « scénario » — pensez-vous encore que ces émissions ne sont pas scénarisées ? – transparaît beaucoup trop pour qu’on y adhère.

Le concept avait pourtant un aspect séduisant et accrocheur. Dix influenceurs ou gosses de riche dans la vingtaine, qui sont allergiques à l’autorité depuis leur naissance, croient participer à une luxueuse téléréalité de type villa d’Ibiza avec piscine à débordement et champagne à volonté.

Erreur. La production les débarque en montagne, en plein milieu d’une forêt, où ils devront survivre avec les moyens du bord (et sans leur trousse de beauté). C’est qui le plus woke ici, hein ? Vous allez souffrir, mes petits ingrats !

Évidemment, ces dix membres de la génération Z ont été choisis pour représenter le stéréotype du « flocon de neige », une jeune personne fragile incapable de tolérer une opinion contraire à la sienne sans s’offusquer.

Évidemment, deux anciens militaires, les animateurs Joel Graves et Matt Tate, tentent de les casser et de les endurcir. Envoyez, bande de paresseux ! Bûchez votre bois ! Cueillez vos fruits ! Chassez votre viande ! Et rangez vos maudits cellulaires !

J’ai décroché après trois épisodes, qui finissent par répéter la même histoire : les jeunes d’aujourd’hui sont donc bien superficiels, bla, bla, bla. C’est gros, longtemps.

Avec un peu moins de mauvaise foi, Snowflake Mountain aurait pu être une émission divertissante. Ses partis pris conservateurs, même pas exploités avec humour, ne font que renforcer des préjugés et creuser le fossé entre deux générations.

Snowflake Mountain reste ainsi au camp de base et ne s’approche pas du tout du sommet.