Le regard perçant de Greta Thunberg, le poing levé de Jane Fonda devant le Capitole à Washington, une maison abîmée en Gaspésie, un homme à Chicago qui travaille en délicate position sur ses bijoux de famille (photo intitulée Le point faible de l’homme), Carey Price dans la solitude de son casque sur la glace du Centre Bell…

En visitant Mon Amérique, la nouvelle exposition de photographies de Jean-René Dufort présentée au Centre d’art Diane-Dufresne, à Repentigny, on note un petit contraste entre l’humour des textes et les sujets la plupart du temps très sérieux des photos qu’ils accompagnent. L’esprit éditorial d’Infoman n’est jamais loin du gars, et Jean-René Dufort m’explique que sa passion pour la photographie, qui a été son premier emploi lorsqu’il était étudiant avant que ça ne devienne un hobby, lui sert beaucoup à tâter le terrain pour ses reportages télévisés. « Ça m’a toujours aidé dans tout, dit-il. Quand je pars pour Infoman quelque part, j’essaie toujours de prendre quelques heures pour aller faire de la photo, parce que je trouve que c’est l’observateur qui passe avant le clown. Si je n’ai pas “sizé” la place, et comment sont les gens, c’est tough de savoir après ça jusqu’où je peux aller. »

Mon Amérique a été conçue pour être complémentaire à la superbe exposition Les Cowboys Fringants déjà en cours au Centre d’art Diane-Dufresne — ça vaut la peine de s’offrir ce deux pour un en une visite. Jean-René Dufort trouve que le groupe qui nous a donné L’Amérique pleure est très nord-américain, car il partage ses codes culturels. Il aime beaucoup la célèbre tirade d’Elvis Gratton sur l’identité trouble des Québécois, ces « Canadiens-Américains-Québécois-Francophones-d’Amérique du Nord », etc.

« Ce bout d’Elvis Gratton m’a toujours bien fait rire. Dans toutes ces identités-là, la seule identité dont on est certains, c’est qu’on est Nord-Américains. Tout le monde est d’accord là-dessus. Je trouvais que c’était une base intéressante pour commencer à piger dans la boîte à photos. »

Ainsi, Jean-René Dufort a sélectionné une quarantaine de photos prises au fil de deux décennies au moins, qui ornent les murs du centre d’art. Elles sont toutes en noir et blanc, qui est sa « religion » de photographe, admet-il. « Je ne sais pas pourquoi, je trouve que le noir et blanc, ça ajoute de la noblesse aux photos. Si tu poses pour un portrait en couleurs, c’est bien, mais en noir et blanc, soudainement, tu as l’air d’un grand acteur de théâtre ! »

L’effet dramatique est indéniable, c’est vrai. « Même le “laitte” devient beau », note-t-il.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-René Dufort, qui a déjà publié un livre avec ses photos de voyage, expose cette fois des photographies sur le thème de l’Amérique.

Il y a une belle décrépitude en Amérique, je trouve. Ça fait un petit côté Wild West, avec des maisons abandonnées, des affaires qui traînent. Je suis allé en Alberta dernièrement, et il y a une ville où on a fait une saucisse géante de 42 pieds de haut. Mais pourquoi ? Il y a juste en Amérique qu’on fait ça. Personne en Europe ne penserait à faire une saucisse de 42 pieds de haut…

Jean-René Dufort

Depuis le temps qu’il voyage et qu’il pose son œil de photographe un peu partout, comment a-t-il vu évoluer cette Amérique ? « J’aime beaucoup la phrase de Claude Poirier qui dit : ça va comme c’est mené. Je trouve que l’Amérique va comme c’est mené. Autant il y a du tout croche, autant il y a du merveilleux. En même temps, et c’est le paradoxe, ce que je trouve le plus photogénique dans une grande ville, ce sont ses bas-fonds, ses graffitis, ses itinérants. Ça touche mon côté Infoman, en ce sens que plus ça va mal, plus il y a un côté de moi qui est heureux, celui qui fait l’émission, mais de l’autre côté, le citoyen que je suis est malheureux. »

Est-ce que, un peu comme dans la chanson des Cowboys Fringants, l’Amérique a de quoi faire pleurer ? « Oui, mais c’est ça qui est weird avec l’Amérique : autant elle nous déprime, autant elle nous fait rire et nous passionne. Ils sont rendus avec un gun au pied carré aux États-Unis, mais on rêve encore d’aller à New York ou à Chigago, et on trouve encore que c’est cool, Las Vegas. »

Outre cette sympathique exposition, dans un lieu que Jean-René Dufort louange — il estime qu’il devrait y avoir des centres d’art comme ça dans chaque ville du Québec —, l’animateur-photographe enregistrera cet été la quatrième saison de l’émission Le gros laboratoire, ce qui fait qu’il ne prendra pas beaucoup de vacances. Et au contraire de beaucoup de citoyens, parce qu’il est Infoman après tout, il est super excité par les élections qui s’en viennent à l’automne. « On ne se tannera jamais de faire des élections, affirme-t-il, en souriant sincèrement. Il y a toujours des affaires, et quand tu penses qu’il n’y a plus rien, c’est là qu’il y en a le plus. On se dit que les politiciens vont avoir appris, qu’ils ne feront plus de vidéos avec un iPhone au bord du fleuve quand il y a du vent, mais ils en font quand même. C’est un bonheur sans fond. Au bureau, on met beaucoup d’espoir dans le groupe de candidats d’Éric Duhaime. »

Cela pourrait faire le sujet d’une prochaine exposition, qui sait. Du moins, si Infoman laisse assez de place au photographe.

Les expositions Mon Amérique de Jean-René Dufort et Les Cowboys Fringants sont présentées jusqu’au 2 octobre au Centre d’art Diane-Dufresne (11, allée de la Création, Repentigny).

Consultez le site de l'exposition