Chers gars de La soirée est (encore) jeune,

Quelle finale vous nous avez fait vivre, dimanche soir, au MTELUS. Je m’en venais là pour rire, comme je le fais depuis des années quand je vous écoute. Mais j’avoue que j’ai sous-évalué la charge émotive qui a accompagné la fin de cette aventure.

Eh boy ! Ça ruisselait sur les joues. Jean-Philippe, Jean-Sébastien et même Olivier, vous avez tous les trois laissé parler vos émotions. Vous n’avez pas eu peur de dire devant des centaines d’admirateurs que cette expérience a été et sera l’une des plus marquantes de votre vie.

Jusqu’à la toute fin, fidèles à vous-mêmes, vous avez été drôles, bitch et touchants à souhait. Quel superbe moment ce fut pour ceux qui ont eu la chance de mettre la main sur un laissez-passer.

Normalement, lors d’un enregistrement public d’une émission de radio, l’équipe est déjà présente sur scène en préparation de l’émission. Vous, vous êtes apparus devant vos fans survoltés à la seconde où l’indicatif musical s’est élancé. Le faux rideau du MTELUS a monté et vous avez été accueillis comme des rock stars.

Je vais me souvenir de cet instant !

Des rock stars, c’est un peu ce que vous étiez pour ce public, sans doute le plus beau qu’une équipe de radio puisse rêver. Allumé, jeune et varié.

Des femmes m’ont dit que cette soirée était leur cadeau de fête des Mères. Disons que lorsque Jean-Sébastien a endossé le veston de Claude Blanchard et s’est lancé dans une blague « c’était une fois un Juif, un Noir et un fefi », je me suis dit qu’on était loin des beaux dessins naïfs que les mères reçoivent normalement ce jour-là.

Comme vos fans enflammés le font depuis plusieurs jours (certains trouvent tout de même ces adieux interminables), je tenais à vous remercier pour ces moments de radio enlevants qui transfiguraient la cuisine d’où je vous écoutais en préparant un couscous ou une bolognaise. En fait, vous contrôliez l’horaire de mes week-ends.

Mes 5 à 7 étaient pour vous. J’étais en communion avec vous trois.

Et gare à mon chum qui osait venir me parler pendant ces moments. Il se faisait fermer le clapet solide. Car il faut le dire, votre émission nous obligeait à une écoute absolue. Si on perdait le fil pendant dix secondes, on était foutu. Cet aspect, détesté par certains auditeurs, était l’une des forces de l’émission.

Nous devions posséder tous les codes, toutes les clés, pour bien vous suivre. De là ce fan-club qui vous vénérait au point de vous envoyer des cadeaux comme cela se faisait au temps de Jacques Boulanger et son émission Boubou dans l’métro.

Cher Jean-Philippe, un jour, je t’ai envoyé un message pour te dire à quel point je te trouvais excellent. Tu m’avais répondu que parfois, tu te demandais à quoi tu servais. Ça m’avait étonné. Jean-Sébastien, Olivier et les nombreux chroniqueurs invités (représentés dimanche par Rosalie Vaillancourt) composaient avec un « number ». Toi, tu devais sans cesse attraper le ballon et le relancer sans script. Tu avais le rôle le plus difficile dans l’émission. Et tu as été à la hauteur.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Rosalie Vaillancourt, chroniqueuse invitée

Olivier, brillant Olivier. Par tes commentaires qui ficelaient de manière admirable les propos des politiciens et de certains chroniqueurs glanés sur différentes ondes, tu as élevé l’art du bêtisier. Le regard aiguisé que tu posais sur l’actualité va terriblement nous manquer. Par ailleurs, je garderai toujours le souvenir de cette entrevue dans une pizzeria avec toi. Tes réponses brèves ne me laissaient pas le temps d’avaler les bouchées de ma salade. J’ai compris qu’en ta compagnie, un intervieweur ne doit pas manger.

Jean-Sébastien, tu as marqué au fer rouge cette émission. Peu importe le concept (La recette de nos vedettes, Allo bobo…), tu as abordé des sujets parfois très délicats en marchant sur un fil. On te doit des moments de délire que jamais je ne pensais entendre sur les ondes de la radio publique. À Tout le monde en parle, Olivier a dit de toi que tu étais un mélange de Mike Ward et de Serge Laprade. Cela est très juste. Merci pour ces instants d’audace.

Et merci d’avoir faussement parlé de ta vraie nature au public. Ce dixième degré témoigne du chemin parcouru au Québec.

On ne peut pas parler de La soirée est (encore) jeune sans mentionner le nom de Fred Savard. Malgré l’amertume qui a accompagné son départ, ce membre laisse des souvenirs très forts. Ensemble, vous avez formé un quatuor d’enfer. Les émissions en direct et devant public avec vous quatre font partie de mes meilleurs souvenirs de radio.

Le vide créé par le départ de Savard a été comblé par les fameuses « dames de cœur ».

Dimanche, vous avez choisi mes trois préférées : Anne-Marie Cadieux, Élise Guilbault et Nathalie Petrowski. Quand elles sont montées sur scène dimanche, une flûte de champagne à la main, sur le thème d’André Gagnon divinement massacré par Jean-Sébastien, j’avoue que j’ai eu des frissons.

Vous avez été parfois adorables avec elles, parfois très méchants. Mais, telles des victimes du syndrome de Stockholm, elles revenaient inlassablement vers vous.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Olivier Niquet, Anne-Marie Cadieux et Élise Guilbault

Certains trouvaient que c’était un show de gars. Oui ! Et so what ? C’était une émission qui réunissait des gars, mais pas des boboys, pas des machos (les émotions et les larmes de dimanche en témoignent), pas des gros niaiseux. Vous êtes des gars de votre époque. En ce sens, ça faisait tellement du bien de vous entendre.

La fin de votre émission m’a fait prendre conscience de l’importance de la liberté de parole dans les médias.

Avec d’autres collègues (je pense à la gang de Plus on est de fous, plus on lit), vous avez contribué à décaper cette radio, à la décomplexer, à la revigorer. J’ai déjà écrit dans une chronique il y a quelques années qu’avec vous, « les patrons de Radio-Canada » s’étaient mis la « main dans le tordeur » et qu’ils n’avaient d’autre choix que d’aller plus loin.

Cette liberté, vous êtes allés la chercher. Mais comme vous l’avez dit dimanche soir, des patrons et des patronnes vous l’ont aussi offerte. Ça, il faut s’en souvenir.

Comme des quadragénaires devenus de vieux croûtons avant le temps, vous avez souhaité pouvoir jouir de vos week-ends pour aller à l’aréna, voir vos enfants grandir ou votre mère vieillir.

C’est correct ! On l’accepte !

Allez, les gars, je vous souhaite un bel été ! Mais je vous souhaite aussi que sur un banc d’aréna l’hiver prochain, en attendant que votre fils compte un but, vous vous demandiez si arrêter La soirée est (encore) jeune était une bonne idée.

À bientôt, j’espère !