Dans La mélancolite, websérie de dix épisodes de dix minutes qui forment pratiquement un long métrage, rien ne va plus pour Guy Jodoin, qui trouve que « tout était mieux avant ». Débranché de ce qui le relie au monde d’aujourd’hui, il ne fait que regarder sur de vieilles cassettes VHS ce qu’il faisait avec Bruno Blanchet autrefois. Son vieil ami, qui vit maintenant en Thaïlande, devra aller en urgence au Québec pour lui remonter le moral…

J’avoue que je me sens un peu comme Guy Jodoin lorsque je regarde la vie de Bruno Blanchet de loin, et ce, depuis longtemps. Dans les années 2000, je recevais ses chroniques pour La Presse de partout sur la planète, où il avait commencé sa Frousse autour du monde. Dans une sorte de crise de la quarantaine, il était parti pour un long périple, qui a finalement transformé totalement sa vie, et le voyage ne semble toujours pas terminé.

« Ça ne se fait pas sans sacrifice, admet Bruno Blanchet, qui me parle par Zoom de Bangkok, où il vit depuis un bon bout de temps. Je suis loin de ma famille, de mes amis, il y a eu des moments extrêmement difficiles. Ç’a été dangereux souvent, au péril de ma vie et de ma santé. J’en ai souffert une shot à me faire brasser dans des autobus népalais ou soudanais, à être dans des trains qui déraillent dans le désert, et j’ai attrapé toutes sortes de maladies. C’est beau une fois que c’est fait, mais ç’a été plus difficile que je ne l’aurais cru. Je pense que cela m’a beaucoup enrichi. Il y a beaucoup plus de tendresse dans ma création que dans ce que je faisais avant. J’ai plus envie d’amour, et qu’on s’amuse. Je ne suis même plus capable de regarder des films d’horreur à la télé… »

On n’a qu’à écouter sa balado L’Académie du voyage de Bruno Blanchet, sélectionné au dernier Gala Les Olivier dans la catégorie du meilleur podast humoristique, pour s’en rendre compte. Je pleure autant que je ris en écoutant toutes ces anecdotes de voyages de plein de gens, recueillies par Bruno Blanchet, comme si l’humanité était beaucoup plus connectée qu’elle ne le pense.

PHOTO ROSALIE-ANNE LAVOIE BOLDUC, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Christian Bégin, Bruno Blanchet (en vieux monsieur) et toujours FouKi

De ses aventures, Bruno Blanchet a tiré quatre livres de La frousse autour du monde, en plus d’avoir animé les émissions Partir autrement, Manger le monde et Les vacances de Monsieur Bruno. Mais avec La mélancolite, c’est son grand retour à la fiction et à ses nombreux personnages, ainsi que des retrouvailles chaleureuses avec des amis et collègues comme Guy Jodoin, Marc Labrèche, Guylaine Tremblay ou Francis Reddy – avec en plus la participation d’Anne-Marie Losique, FouKi et Jade Barshee, entre autres.

Si Bruno revient à ses personnages, c’est que malgré ses mille projets autour du monde, on les lui rappelle tout le temps. Même si l’émission culte La fin du monde est à sept heures est terminée depuis 22 ans, il y a encore des gens qui lui demandent de faire « le p’tit monsieur pas d’cou » et d’envoyer ça en vidéo pour la fête d’un ami, par exemple.

« Est-ce que tu le fais ?

— Ben… oui. »

J’éclate de rire parce que ça ne m’étonne tellement pas de sa part. Bruno Blanchet a créé un univers comique et ludique, qui a les composantes d’une émission pour enfants, mais pour les adultes. Soit on trouve ça débile, soit on jubile, il n’y a rien entre les deux.

J’ai réalisé avec les années que j’avais un public très vaste. Les enfants se reconnaissent dans mes personnages et les adultes en font une lecture complètement différente. Quand j’étais enfant, j’écoutais La Fricassée ou Pop Citrouille avec mon père, et on ne riait pas aux mêmes places. Ça m’a beaucoup inspiré. C’est un univers complètement absurde, ce n’est pas ténébreux, c’est léger, presque transparent. La mélancolite est ma meilleure expérience de tournage à vie.

Bruno Blanchet

Bruno Blanchet estime qu’il serait moins long de nommer les personnages qui ne reviennent pas dans sa série, car la plupart de ses créations font au moins un passage éclair dans La mélancolite. Une chose est certaine, dès le premier épisode, les retrouvailles entre Guy Jodoin et Bruno sont épiques. En une minute, ils sont tout nus et roulent sur le plancher dans les bras l’un de l’autre, très loin de la masculinité toxique. « J’espère que ça va paraître à l’écran, l’amour qu’on a de faire ce qu’on fait. On est allés loin ! »

Je me demande d’ailleurs comment Bruno Blanchet a réussi à convaincre les décideurs avec le « pitch » de ce projet, car beaucoup de choses ont été improvisées directement sur le plateau de tournage. « Pour certaines scènes, on n’a jamais répété. C’est ça qui pourrait être déstabilisant, mais c’est stimulant de se donner le droit de faire ça. J’ai l’impression de tricher un petit peu tout le temps avec le destin, de faire un mauvais coup. Je me suis mis la tête sur la bûche. Mais je pense que c’est la tendresse qui va nous sauver… »

PHOTO ROSALIE-ANNE LAVOIE BOLDUC, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Guy Jodoin durant le tournage de La mélancolite

Tout ça est né d’une idée de son complice Arnaud Bouquet, qui a réussi à le convaincre en misant sur une de ses passions, la course à pied. Car dans La mélancolite, Bruno va parcourir le Québec, un peu comme Terry Fox, à la recherche de témoignages d’amour pour son ami Guy. Mais il sera contrecarré dans ses plans par les gens dont il s’est moqué, et ses personnages qui lui en veulent d’avoir été abandonnés, un groupe de gens fâchés dirigés par nulle autre qu’Anne-Marie Losique. Après avoir vu seulement deux épisodes, je n’ai aucune idée où cette histoire nous mènera, mais j’étais hilare.

Nous jouons sur la corde de la nostalgie et en même temps, on veut voir si de ramener tous ces personnages, ça tient le coup encore aujourd’hui. On a eu tellement de fun à tourner qu’on ne voulait plus se lâcher à la fin de la journée !

Bruno Blanchet

L’expérience a été à ce point agréable que Bruno Blanchet confie être en train d’écrire une saison 2 en cachette, pour retrouver sa bande et ce plaisir de jouer librement. Je n’ai pas l’impression qu’il souffre de mélancolite ou de nostalgie dans la vie, puisqu’il multiplie sans cesse les projets et champs d’intérêt – son nouveau dada est le « free diving », la plongée sans bouteille, et il m’en parle comme d’une révélation.

Mais est-ce que vieillir l’effraie ? « Moi, je suis content de vieillir, répond-il. J’ai la chance en Thaïlande d’être dans un pays où on a beaucoup de respect pour les gens plus âgés, on le sent au quotidien. Quand j’ai commencé dans ce métier-là, à faire de la radio communautaire à CIBL à 24 ans, j’ai pensé un jour que je voulais être un vieux drôle, un vieux comique. Je veux sortir de nulle part et qu’on dise : “Il est donc ben weird, le vieux monsieur !” »

Je dirais que c’est très bien parti pour arriver, pour notre plus grand bonheur.

La mélancolite, dès le 27 avril sur Tou.TV

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