Les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus aucun respect pour les traditions. Pouvez-vous croire que les concurrents de la succulente émission Les chefs ! ont lésiné sur la sauce lors du premier défi de la téléréalité de Radio-Canada, qui consistait à cuisiner un pot-en-pot typiquement madelinot ?

On ne fait pas ça à Jean-Luc Boulay, voyons. L’abondance de sauce, l’assaisonnement des plats et le sacro-saint respect des produits forment l’ossature de son mantra aux Chefs ! depuis 2010. Je le sais, vous le savez et les 13 nouveaux candidats de la nouvelle brigade ont appris à leurs dépens qu’on ne sert pas à M. Boulay un pâté tout sec. Inacceptable ! Inadmissible ! Scandaleux !

Blague à part, cette 11e saison des Chefs !, de retour le lundi 18 avril à 20 h après une pause pandémique, s’annonce délicieuse et encore plus croustillante que les précédentes. Elle nous ramène des classiques comme notre espuma préféré (à la pelure de pomme de terre, attention), le Thermomix, le montage des assiettes aux baguettes, les chin-chin à l’eau pétillante, les huiles de la Maison Orphée, les coupures aux doigts et les célèbres interventions d’Élyse Marquis : « Je vous demanderais de tout arrêter, j’ai une annonce à faire. »

Et en 2022, non seulement on respecte le produit aux Chefs !, mais on le maximise aussi.

Après la première épreuve de pot-en-pot, une tourtière aux fruits de mer des Îles-de-la-Madeleine que l’on prononce « potte en potte », les aspirants chefs ont jeté beaucoup trop de bonne nourriture à la poubelle. Conséquence : leur nouvelle coach Colombe St-Pierre les force à cuisiner du compost la semaine suivante, soit des fanes de carottes, des pieds de brocoli et des épluchures de patates.

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Colombe St-Pierre, cheffe propriétaire du restaurant Chez Saint-Pierre, est la coach de l’émission.

Non, Daniel Vézina ne reprend pas son rôle de mentor, qui a été confié à Colombe St-Pierre, propriétaire du restaurant Chez Saint-Pierre au Bic. À la caméra, la dynamique cheffe s’en sort haut la toque. Elle est drôle, attachante, impliquée, bonne pédagogue et conclut chacun des épisodes avec un joli proverbe comique.

La tablée des juges se féminise également. Au trio d’origine, composé de Normand Laprise, Pasquale Vari et Jean-Luc Boulay, se greffe Isabelle Deschamps-Plante, qui a été finaliste aux Chefs ! en 2013 de même qu’en 2014 lors de l’édition Les chefs ! : la revanche.

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Les juges des Chefs ! : Normand Laprise, Jean-Luc Boulay, Isabelle Deschamps-Plante et Pasquale Vari

Comme juge, Isabelle Deschamps-Plante, qui travaille maintenant comme cheffe exécutive aux cafés et comptoirs de Ricardo, complète bien l’expertise de ses camarades masculins, en poste depuis la première saison. Elle apporte une couleur différente à l’analyse des mets, soit celle d’une ancienne participante qui a vécu ce stress devant les caméras. Elle n’est toutefois pas mielleuse, sans non plus être fielleuse. Tout demeure une question d’équilibre, comme dans toute recette qui se respecte.

Le premier épisode des Chefs ! roule à fond la caisse, même rythme haletant pour le deuxième. La présentation des dix garçons et des trois filles de la brigade de 2022 s’intercale entre les épreuves, et l’action ne ralentit jamais, sur fond musical intense à la Game of Thrones.

À l’écran, cette nouvelle escouade nous paraît d’emblée plus soudée et solidaire. Pourquoi ? Parce qu’avant le début des tournages, les concurrents ont été isolés à l’hôtel pendant deux semaines. Ils ont pu communiquer entre eux par Zoom et créer une complicité qui était moins présente dans les chapitres antérieurs.

Cette quarantaine leur a également permis d’étudier à fond les classiques de la gastronomie, ce qui dépanne toujours quand vient le temps d’un défi de sauce grébiche ou de crème anglaise qu’on ne fouette jamais quand elle chauffe, seigneur, voulez-vous achever Normand Laprise ?

Aussi, la bulle formée sur le plateau des Chefs ! permet aux combattants de popoter collés les uns sur les autres, sans se soucier des « deux mètres de distance ». On a l’impression de renouer avec la normalité en les voyant s’agiter dans notre télé.

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Amine Laabi, 29 ans, de Laval, sous-chef au Gentile de Westmount

Plusieurs cuistots sortent rapidement du lot, dont le sympathique Amine Laabi, 29 ans, de Laval, sous-chef au Café Gentile de Westmount. Ses réactions spontanées le rendent hyper sympathique. Jean-Christophe Beaudin, 30 ans, sous-chef au Foxy, débarque dans l’atelier avec son immense coffre à outils en métal garni d’instruments bien aiguisés.

Anthony Vien, 25 ans, de Lévis, sous-chef à La Tanière de Québec, part en lion, mais finira-t-il en cochon, comme le veut le dicton ? Parmi les favoris, on retrouve Adrian Pastor, 30 ans, de Rimouski, chef de midi à l’Arlequin, ainsi qu’Elliot Beaudoin, 27 ans, chef au restaurant Légende de Québec, qui est surnommé le botaniste.

Les ténors de l’émission se nourrissent aussi de la fougue des marmitons de la relève. Au deuxième épisode, le vétéran Normand Laprise du Toqué ! apprendra même la signification de l’expression « snacker une perdrix ».

Comme téléspectateur, le niveau de stress pendant les duels de fin d’émission nous coupe encore le souffle. Et c’est parfait comme ça. Vous savez qu’on ne souffle jamais sur un plat en feu. On étouffe le brasier à l’aide d’un couvercle. Truc d’un pro des incendies, ici.