Est-ce que les millénariaux regardent moins la télé traditionnelle parce qu’elle ne leur parle pas ou est-ce que la télé traditionnelle boude les millénariaux parce que, justement, ils ne la consomment pas ?

Grosse question, qui pince le (gros) nerf de la guerre en télévision. Comment freiner l’exode des vingtenaires et des trentenaires sur les plateformes numériques américaines ? Et comment les intéresser à des émissions québécoises, alors qu’Euphoria traîne à un clic de distance ?

Réponse simple : en leur proposant des séries audacieuses qui leur ressemblent, qui parlent comme eux et qui abordent des enjeux de jeunes adultes. Pas des fausses séries de « djeunes » comme Chaos à TVA. Des trucs modernes et toniques comme Fourchette de Sarah-Maude Beauchesne, qui suit l’émancipation amoureuse d’une auteure à la veille de ses 30 ans.

Dans cette lignée d’émissions charmantes, Radio-Canada propose De Pierre en fille, la toute première œuvre, en tant que scénariste, de l’actrice Julianne Côté. Cette intelligente comédie raconte le lien singulier et fusionnel entre une serveuse de resto peu ambitieuse (Julianne Côté) et son père célibataire, cultivé et ouvert d’esprit (Patrice Robitaille).

Un sujet tout simple, exploité avec esprit, vivacité et sarcasme par Julianne Côté, qui écrit des dialogues touffus et remplis de références à la culture populaire.

Les personnages de De Pierre en fille regardent Fortier et Grande Ourse, poussent des gags de Fugueuse, jasent de L’attrape-parents ou de Samara dans le film Le cercle et imitent même Criquette Rockwell du Cœur a ses raisons.

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Daphnée (Julianne Côté) et son père Pierre (Patrice Robitaille)

La signature de Julianne Côté s’entend dans les six épisodes sur huit que j’ai vus lundi. L’Extra de Tou.TV les proposera dès jeudi. Et non, De Pierre en fille ne sortira pas de sa prison numérique radio-canadienne. Comprendre : ça ne passera jamais à la télé traditionnelle. C’est dit, c’est écrit.

Le Pierre dans De Pierre en fille, c’est Patrice Robitaille, dans un rôle à des kilomètres du douchebag violent qu’il incarne dans Les beaux malaises. Pierre aime la bonne bouffe, le bon vin et, surtout, sauter dans des joutes verbales animées avec sa fille Daphnée (Julianne Côté).

Le père, 47 ans, et la fille, 24 ans, partagent un langage codé et une complicité touchante. Ils fument des cigarettes ensemble et adorent les mêmes chansons, dont Welcome soleil, de Jim & Bertrand. Pierre décrit Daphnée comme son fidèle bouclier.

Ce duo se réfugie dans des rituels réconfortants et vit dans une bulle magique qui, vous vous en doutez, se dirige vers l’éclatement.

Car cette relation symbiotique, qui est aussi hermétique, cache des trucs moins jolis. L’intense Pierre fuit ses problèmes de cœur ou de travail en enfilant le masque du bon vivant. De son côté, la paresseuse et misanthrope Daphnée s’évade dans l’alcool pour oublier son métier de serveuse au restaurant Chikétapas (relisez en prononçant chacune des syllabes). En fait, la vie de Daphnée est médiocre. Son ex-copine toxique (Karelle Tremblay) lui joue dans la tête et Daphnée dérive sans savoir où accoster.

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Dans la série, la coloc de Daphnée, Camille (Sarah-Jeanne Labrosse), entretient une relation avec un homme en couple ouvert (Pierre-Yves Lord).

Le sixième épisode, plus dramatique, marque un tournant dans la série. Le ton de De Pierre en fille valse habilement entre les scènes drôles et celles plus profondes. Julianne Côté a imaginé des personnages imparfaits et attachants, qui habitent des appartements chaleureux remplis de plantes Monstera. Très « instagrammable » comme décor.

Autour de Pierre et Daphnée, il y a la colocataire universitaire (Sarah-Jeanne Labrosse) qui entretient une relation avec un homme en couple ouvert (Pierre-Yves Lord). Dans de petits rôles, vous verrez aussi Patsy Gallant, Rémy Girard, Madeleine Péloquin, Stéphane Rousseau, Pascale Drevillon et Marjorie d’Occupation double chez nous.

Un petit défaut de De Pierre en fille ? Certaines répliques dans les premiers épisodes sont « surécrites », ce qui rend leur livraison moins naturelle à l’écran. Mais ça se place au fil du visionnement.

Maintenant, si vous voulez microdoser des champignons magiques dans un vernissage ou rire des gens qui se définissent comme des épicuriens, vous savez où visionner De Pierre en fille. Ça décolle jeudi.

Star Ac en tête

Pas de grand renversement – clin d’œil à L’échappée – dans le palmarès des émissions les plus populaires du dimanche soir. Star Académie conserve la première position avec ses 1 411 000 fans. Toujours à TVA, La vraie nature a franchi la barre du million (1 018 000) et Vlog a réuni 857 000 téléphiles devant leur poste. À Radio-Canada, Tout le monde en parle a intéressé 821 000 curieux, tandis que l’élimination de Tranna Wintour de Big Brother Célébrités sur Noovo a été vue par 658 000 personnes.

Samedi soir, l’épisode d’En direct de l’univers consacré à Paul Arcand a réuni 1 010 000 fidèles. Le samedi 16 avril, France Beaudoin accueillera Pierre Bruneau, de TVA. Ça prenait bien l’annonce de sa retraite pour que le lecteur de nouvelles s’aventure ainsi dans le camp adverse !