Le milieu de la télé ne jase que de ça depuis une semaine : comment TVA réussira-t-il à implanter et à propulser son propre grand plateau de discussions du dimanche, qui affrontera le Tout le monde en parle de Radio-Canada dans exactement un mois ?

Il s’agit d’une décision audacieuse de TVA. Risquée, même. Guy A. Lepage sert la messe radio-canadienne depuis 18 ans à 20 h et ses fidèles dérogent rarement à leurs habitudes d’écoute, quoique la dévotion fléchisse depuis quelque temps.

C’est Stéphan Bureau qui hérite de ce mandat casse-cou, mais super intrigant, d’animer des débats musclés tout de suite après Star Académie. La transition entre ces deux univers risque d’ailleurs de surprendre, c’est le moins que l’on puisse dire.

Oui, il y a de la place pour un deuxième talk-show nourri par l’actualité à la télévision généraliste. La compétition tire tous les acteurs de l’industrie vers le haut, et c’est le public qui y gagne.

Aussi, Stéphan Bureau peut mener des entrevues sur une tonne de sujets variés, sa longue feuille de route le prouvant amplement.

Maintenant, de quelle façon cette nouveauté de TVA, prévue à l’horaire à partir du 17 avril à 21 h, se déploiera-t-elle dans nos écrans ? La rumeur parle d’un plateau à la française – pensez à On n’est pas couché de Laurent Ruquier – avec le capitaine Bureau entouré de panélistes en rotation. TVA produira cette émission de 60 minutes à l’interne.

Évidemment, les bruits de coulisse vissent de nombreuses têtes d’affiche de Québecor Média (QUB, Le Journal de Montréal, TVA) autour de Stéphan Bureau. J’en ai contacté plusieurs, dont Richard Martineau, Sophie Durocher, Mario Dumont, Denise Bombardier, Geneviève Pettersen ou Joseph Facal, et personne n’a commenté ou répondu, sauf Mathieu Bock-Côté qui se trouve encore en France pour quelques mois et qui ne participera donc pas aux quatre premières émissions prévues ce printemps. Marie-Claude Barrette, vedette du créneau matinal de TVA, n’a pas été pressentie.

Avec Stéphan Bureau aux commandes, TVA récupérera assurément les téléspectateurs qui penchent plus à droite et qui râlent contre la tendance « go-gauche », je reprends leurs mots, prise par Tout le monde en parle. C’est logique et légitime.

Mais de ce que je comprends, c’est que TVA souhaite un choc d’idées à son antenne. On veut que ça brasse en studio, que les opinions se cognent, qu’on entende des voix qui ne résonnent pas ailleurs. Donc, analystes et invités ne doivent pas tous penser de la même façon. D’où l’importance de piger à gauche autant qu’à droite dans le spectre des idées.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ÉMISSION

Guy A. Lepage, animateur de Tout le monde en parle

Et comme Tout le monde en parle joue en direct, TVA n’a pratiquement pas le choix de diffuser en direct aussi. Sinon, les épisodes préenregistrés risquent de paraître défraîchis ou dépassés si jamais l’actualité bouge comme elle a bougé dans les deux dernières années.

Ce qui étonne dans la stratégie de TVA pour le projet de Stéphan Bureau, c’est l’heure de diffusion envisagée, soit 21 h. TVA n’a pas l’habitude d’être à la remorque de ses adversaires, au contraire. Quand une chaîne concurrente s’amène avec une émission canon disons à 19 h, TVA la devance et s’installe à 18 h 30 pour la court-circuiter. Cette stratégie agressive a toujours été efficace.

Rappelez-vous les longs galas de Star Académie à l’époque de Julie Snyder. Ils débutaient à 19 h 30 et débordaient jusqu’à 22 h 30 pour empêcher l’exode des téléspectateurs vers Tout le monde en parle. TVA encourageait même Julie Snyder à défoncer son chronomètre pour ne rien céder à son rival dans la guerre aux cotes d’écoute.

Parlant de Star Académie, les galas amèneront 1,5 million de paires d’yeux à Stéphan Bureau et ses collaborateurs. Mais combien resteront à l’écoute ? Difficile à prédire, car TVA a toujours présenté des variétés plus légères les dimanches soir.

En 18 ans de Tout le monde en parle, c’est la première fois que TVA s’aventure sur le terrain des affaires publiques pour attaquer, à armes égales, la grand-messe de Guy A. Lepage. C’est un gros combat de coqs qui se prépare. Et c’est bien excitant.

L’été dernier, quand l’ombudsman de Radio-Canada a blâmé Stéphan Bureau pour son entrevue jugée complaisante avec l’infectiologue français Didier Raoult, on a senti une forme de main tendue de la part des ténors de Québecor Média à l’animateur de Bien entendu du 95,1 FM. Plusieurs d’entre eux, dont Mathieu Bock-Côté, Richard Martineau et Sophie Durocher, ont alors pris la défense de Bureau comme s’ils préparaient, sans le savoir, son passage à l’ouest.

J’aime bien Stéphan Bureau. J’aime son intelligence, sa vaste culture générale et sa vivacité. J’aime moins quand il joue au nono en ondes (« je suis inculte, pardonnez-moi ! ») ou quand il se braque sur ses positions.

Le plus grand écueil qui le guette à TVA, c’est de piloter une émission qui se définirait comme un anti-Tout le monde en parle, en quête du prochain woke à démolir. Ce serait une erreur que de se camper dans une position d’opposition.

Stéphan Bureau est un animateur brillant. Il connaît le danger associé à ce type de pièges. Je lui ai parlé mardi après-midi. Après avoir passé les cinq derniers mois en Arizona, il filait sur une autoroute du Nouveau-Mexique, en direction de Montréal, où il n’a pas mis les pieds depuis novembre.

Au bout du fil, il paraissait relax. Il n’a pas pu confirmer les détails de son projet à TVA, mais n’a rien démenti non plus. La semaine prochaine, il pourra tout dévoiler, m’a-t-il précisé. Et vous connaissez Stéphan Bureau. Il n’est pas du genre à ramper ou à demander de permission.