L’artiste-sculpteure Nadira, la restauratrice Josée ou l’orthopédagogue Geneviève ? Laquelle des femmes de sa vie pardonnerait à Marc-Alexandre et le reprendrait à la maison pour vivre (enfin) heureux et avoir beaucoup (d’autres) enfants ?

Aucune des trois, a-t-on découvert, mardi soir, dans le huitième et dernier épisode de l’intrigante minisérie L’homme qui aimait trop, qu’ont signée Anne Boyer et Michel d’Astous pour Noovo.

Pour les retardataires du petit écran, l’alerte au divulgâcheur sonne ici comme l’un des deux cellulaires du commis voyageur Marc-Alexandre (Patrice Godin), mais lequel ?

OK, c’est bon. L’homme qui aimait trop s’est conclu dans un bain de sang, ce que Nostradumas, pourtant un vieux de la vieille, n’avait pas vu venir. Rejetée et humiliée, la nouvelle maman Nadira (Nadia Kounda) a suivi Marc-Alexandre à Montréal et l’a abattu en pleine rue. Devant ses deux autres familles, réunies pour l’anniversaire de Sophie (Romy Bouchard).

Pour Nadira, l’abandon était impardonnable, c’était intolérable. Nous préparions ça depuis le début et on avait même montré l’arme de son frère [Reda Guerinik] dans le deuxième épisode.

Michel d’Astous, scénariste de L’homme qui aimait trop

Sans son antihéros, vous comprendrez que L’homme qui aimait trop ne connaîtra pas de deuxième saison. C’est bel et bien fini. Au départ, ce thriller psychologique, que j’ai bien aimé, avait été imaginé comme une œuvre fermée, sans possibilité de suite. Sauf qu’en plein tournage, les deux auteurs ont fortement envisagé de ne plus liquider leur personnage central pour continuer l’exploration du polyamour dans un deuxième chapitre.

« Il aurait fallu changer la fin, évidemment. Mais on aurait aimé ça, voir comment se vivrait le polyamour de Marc-Alexandre, si tout le monde embarquait. Ça aurait donné quoi ? », se demande Michel d’Astous.

L’idée a été abandonnée, notamment par manque de temps pour pondre huit nouveaux épisodes, et la fin initiale est restée dans le scénario, qui a scellé le destin de tous les protagonistes. La première épouse de Marc-Alexandre, l’élégante Josée (Hélène Florent), a couché une dernière fois avec son ex pour s’en libérer. Cette scène de réappropriation du pouvoir dans une relation était puissante.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le scénariste Michel d’Astous

À Magog, après avoir versé toutes les larmes de son corps, Geneviève (Fanny Mallette) a elle aussi compris que le lien de confiance avec Marc-Alexandre ne se rétablirait jamais. Et elle a fait la paix avec ça.

Vu par 562 000 personnes les mardis soirs, L’homme qui aimait trop, qui explore la triple vie d’un homme que l’on ne décrirait pas d’emblée comme un trou de cul, a été difficile à écrire et à vendre à la chaîne Noovo, se souvient Michel d’Astous.

Il ne fallait pas être moralisateur. Il ne fallait pas non plus excuser les comportements de Marc-Alexandre. Quand on expliquait le sujet de la série, on avait toujours l’air de défendre Marc-Alexandre, de justifier ses actions. Ç’a été dur de rendre cet antihéros crédible, sans trop le dégriffer.

Michel d’Astous, scénariste

Au départ, le ton de L’homme qui aimait trop était plus léger. L’embauche du réalisateur Yves Christian Fournier (Demain des hommes, Blue Moon) a modifié la couleur de la série, c’est le cas de le dire. Dans nos téléviseurs, la réalisation a été somptueuse et léchée, très influencée par le travail de Jean-Marc Vallée (Big Little Lies, Sharp Objects).

Yves Christian Fournier, dont Jean-Marc Vallée a été le mentor depuis son premier court métrage, a même visité le cinéaste québécois sur le plateau de tournage de la minisérie Sharp Objects de HBO, qui mettait en vedette Amy Adams dans le rôle d’une journaliste alcoolique et fort amochée.

« Dans L’homme qui aimait trop, il y avait une part d’hommage à Jean-Marc, c’est certain. J’aurais aimé qu’il voie la série. J’ai même caché, dans le huitième épisode, une toune qu’il avait utilisée dans Big Little Lies », indique Yves Christian Fournier.

La chanson, c’est Man in Charge de Brent Amaker & The Rodeo. Yves Christian Fournier conçoit que son amour des images sombres et son approche plus radicale du cinéma ont pu bousculer les téléspectateurs de Noovo.

« Mais je suis très content de ce que j’ai offert, de ce qu’on est allés chercher visuellement avec notre modeste budget et de ce que les acteurs ont pu donner dans cette direction. J’ai fait de la télé que j’aime voir, sans aucun doute. Et pour moi, c’est primordial », explique Yves Christian Fournier.

Ce que les téléspectateurs ont le plus reproché à la réalisation de L’homme qui aimait trop, et ils n’ont pas eu tort là-dessus, c’est le marmonnage qui rendait inaudibles des dialogues cruciaux de la série.

Yves Christian Fournier demande à ses acteurs de jouer « petit et dans la vérité ». Très souvent, cette méthode se traduit par des répliques murmurées, que la musique enterre dans nos salons. Lors de la finale, j’ai reculé à au moins trois reprises pendant que l’écrivain Benoît Ricard (Martin-David Peters), qui souffrait d’un cancer incurable, prononçait ses dernières paroles.

Ce n’est pas normal. Le texte constitue la pierre d’assise de toute télésérie et il faut être capable de l’entendre, au-delà de toute considération esthétique. Fin de cet éditorial cris et chuchotements, merci.