Tous les deux ans, un virus planétaire traverse nos corps de patates de sofa et se manifeste sous forme de grands frissons, d’arythmies cardiaques, de larmes incontrôlables et de cris gutturaux dignes de Louis Cyr soulevant une plateforme de 4092 livres avec son dos.

C’est la fièvre olympique, qui mord fort et qui raccourcit nos nuits de plusieurs heures. En souffrez-vous ? Moi, de façon grave. Ce truc est encore plus contagieux que… ah, puis non, laissez faire les gags de COVID-19. Plus capable de les entendre. Voici maintenant comment poser un diagnostic (positif) à ce virus mondial aux cinq anneaux.

Vous pleurez encore plus qu’à l’habitude devant votre écran. Car le parcours doré du planchiste Maxence Parrot, 27 ans, bat n’importe quel film sportif hollywoodien. Quelle histoire inspirante, qui met en vedette un sympathique athlète de Bromont mis K.-O. par un cancer il y a trois ans et qui écrase tous ses adversaires. Ça ne s’invente pas.

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Justine Dufour-Lapointe n’a pu réprimer ses larmes après avoir chuté lors de l’épreuve finale des bosses.

Vous pleurez encore plus dans la défaite de nos représentants chouchous. La chute crève-cœur de Justine Dufour-Lapointe dans les bosses, sa sœur Chloé qui la console, mais surtout, l’entrevue honnête et émouvante que Justine a accordée au bas de la pente ont débouché sur une magnifique démonstration d’humilité et de courage.

Vous comprenez – sans juger – pourquoi l’analyste Marianne St-Gelais a, elle aussi, versé des larmes après l’étincelante médaille de bronze de la patineuse Kim Boutin au 500 m. Moment poignant de ces Jeux olympiques de Pékin, sans oublier l’élégance et l’éloquence du médaillé d’argent Mikaël Kingsbury, un autre champion au cœur d’or. Quelle classe !

Depuis une semaine, vous parlez au « on », avec une fierté canadienne qui vous surprend. On a gagné une médaille en saut à ski par équipes mixtes ! On a battu les Américaines au hockey féminin ! On devrait s’acheter un foulard rouge brodé avec les lettres CACA !

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Les porte-drapeau de l’équipe canadienne, Marie-Philip Poulin et Charles Hamelin, entrant dans le stade avec leurs foulards du Canada partiellement lisibles…

Vous songez à enregistrer les commentaires chuchotés d’Alain Goldberg au patinage artistique pour une future vidéo d’ASMR. C’est hypnotique et envoûtant jusqu’au moment d’un triple lutz et qu’il crie : RÉ-U-SSI !

Vous êtes devenus bilingues plus rapidement qu’avec Duolingo en visionnant les épreuves de slopestyle et de grand saut (le big air) à Radio-Canada.

Backside double cork 1260 ou triple cork 1620, sans oublier la prise en safety ou la position goofy, ces expressions techniques finiront par avoir des équivalents en français, un jour.

Bien d’accord avec vous : ce vocabulaire anglophone de slopestyle écorche le tympan. L’Office québécois de la langue française (OQLF) propose des traductions comme saut sur mur côté orteils (pour frontside air), position en appui talon (pour backside), tire-bouchon (pour cork) et planchiste pied droit avant (pour goofy). Qui osera les employer en ondes ?

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Kim Boutin a obtenu la médaille de bronze en patinage sur courte piste.

Vous avez soudainement le goût de vous lever aux aurores, ou de vous entraîner en pleine nuit avec une lampe frontale, afin de ressentir ce sentiment de dépassement si bien mis en scène dans les pubs de Petro-Canada. Ces symptômes ne dureront pas, rassurez-vous.

Vous décelez de la poésie urbaine dans le décor industriel désaffecté de type Tchernobyl où se déroulent les épreuves de grand saut. Ces cheminées grises et ces tours de refroidissement, c’est très brutaliste comme approche, dites-vous avec le ton d’un critique d’art du dimanche qui porte des vêtements Denis Gagnon.

Vous ressentez le besoin de prendre votre café avec Jacinthe Taillon, Dominick Gauthier et Hassoun Camara, qui ont toujours des discussions intelligentes et pertinentes. Une médaille pour eux.

Vous zappez frénétiquement et vous vous demandez pourquoi Radio-Canada n’affiche pas plus souvent les noms des descripteurs et analystes des sports en vedette. C’est très rare que l’on suive une compétition du début, où l’animateur identifie les commentateurs, jusqu’à la fin. Ce petit rappel – en mortaise – serait chouette.

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L’équipe féminine canadienne a signé plusieurs victoires étincelantes, dont ce gain de 11-1 contre la Suisse.

Vous découvrez l’existence de RDS2, une chaîne à laquelle vous êtes abonnés depuis des lunes, mais que vous ne syntonisez que très rarement. Bonjour, RDS2.

Vous avez renouvelé votre abonnement au gym, qui rouvre lundi. Votre nouveau ensemble de vêtements de sport est déjà choisi. Ces symptômes d’euphorie ne dureront pas, hélas.

Vous devenez spécialiste de sports très techniques en l’espace de cinq minutes. Le skieur X a mal négocié le virage avant d’entrer dans la cuvette ! La patineuse Y n’a pas complété la rotation de son triple axel, voyons ! Les Italiens seront imbattables au curling cette année !

Vous avez le goût de bouger, de chausser des patins à tuyaux, de sortir dehors ou de descendre une montagne, c’est l’effet le plus magique de cette fièvre olympique. Profitez-en. Car ce buzz alpin diminuera dans une dizaine de jours. Go, go, go. Ce cri d’encouragement vous est présenté par (nom d’une populaire carte de crédit). De retour en studio avec Marie-José Turcotte.