La série britannique la plus populaire de la dernière décennie vient de prendre fin... et elle m’a laissé sur ma faim. La troisième saison d’After Life, de et avec Ricky Gervais, est arrivée il y a 10 jours sur Netflix. Six petits épisodes. Il n’y en aura pas d’autres, Gervais n’étant pas reconnu pour étirer la sauce. Ce qu’il fait pourtant ici.

Gervais, caustique et sardonique comme toujours, incarne dans After Life un journaliste en deuil de sa femme, morte d’un cancer. Tony a perdu le goût de vivre et est devenu extrêmement dur avec son entourage, en particulier avec ses collègues de la Tambury Gazette, le journal local d’une petite ville anglaise fictive. Sous plusieurs couches d’insultes et de méchancetés gratuites se cache un homme blessé au cœur tendre.

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Ce que j’ai toujours apprécié chez Gervais, c’est son irrévérence et son arrogance avec un sourire en coin. Il n’a jamais eu peur de vexer qui que ce soit, ainsi qu’en témoignent ses nombreuses animations du gala des Golden Globes. Il manie l’humour noir à merveille.

Le découvrir depuis trois ans dans une série de plus en plus fleur bleue et pétrie de bons sentiments est légèrement déstabilisant. Même s’il y a encore beaucoup de place pour les vacheries et les blagues déplacées dans cette troisième saison (gracieuseté de Tony, mais aussi de Brian, un obsédé sexuel constamment humilié par les gens qui l’entourent).

Les histoires que Tony couvre pour le journal local sont souvent triviales. « C’est dur pour moi de m’investir dans mon travail, alors que mon travail, c’est souvent d’interviewer un plombier qui a fait pousser une pomme de terre qui ressemble à Lionel Richie », dit-il dès la première saison.

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Le personnage de Tony se confie à une veuve (Anne), qu’il a rencontrée au cimetière où sa femme Lisa est enterrée. Cette relation se poursuit dans la saison 3.

Les interactions avec Matt, son patron et ex-beau-frère, qui vit le deuil de sa sœur à sa manière, sont au cœur de cette troisième saison. Matt épargnait Tony jusque-là, mais il en a ras le bol. Il décide d’affronter Tony dans des épreuves sportives, pour le sortir de sa torpeur. Et très nonchalamment, Tony le plante dans tous les sports de raquette, buvant même de la bière pendant un match de squash.

Au premier épisode, on se demande si sa relation avec Emma, l’infirmière qui s’occupait de son père au centre pour personnes âgées, va déboucher sur quelque chose de plus sérieux. Mais il ne semble y avoir de place dans son esprit que pour les souvenirs de sa femme, Lisa.

Tony est toujours aussi mal dégrossi, cynique et vulgaire. Mais il s’attendrit de plus en plus. Cette troisième saison fait place à des moments émouvants, lorsqu’il rencontre par exemple à l’hôpital pour un reportage une petite fille, atteinte d’un cancer, qui s’appelle aussi Lisa.

Il reste que j’ai eu une impression encore plus forte, au terme de la série, qu’After Life était une comédie dramatique qui n’avait pas choisi son camp et tombait trop souvent entre deux chaises. Gervais veut nous faire rire avec des personnages volontairement caricaturaux – qui sont délicieux –, mais il n’est jamais aussi grinçant et efficace que sur scène (son plus récent one man show est aussi sur Netflix).

Gervais veut surtout nous émouvoir avec ce ton doux-amer, ce sentimentalisme exacerbé que je trouve racoleur. Même si la série est rythmée au cycle du deuil, de manière réaliste, d’un point de vue scénaristique, elle fait du surplace. On comprend bien sûr pourquoi Tony s’apitoie sur son sort. On a de l’empathie pour lui. Mais ça fait beaucoup d’épisodes à le voir regarder des vidéos attendrissantes de sa femme, en buvant du vin comme de l’eau et en flattant son chien.

Tony contient un peu mieux sa colère et semble avoir chassé ses idées suicidaires, mais il n’a toujours pas consulté le moindre spécialiste. La seule personne à qui il se confie est une veuve qu’il a rencontrée au cimetière et qui, dans sa grande mansuétude, le trouve formidable, alors que Gervais nous donne peu d’indices de l’amabilité de Tony-le-misanthrope.

Il n’y a que six épisodes à cette dernière saison, mais l’arc narratif s’étire tout de même indûment. Déjà que le récit était répétitif à la saison 2, je m’attendais à quelque chose de plus original ou surprenant pour clore le tout. Ce qui était rafraîchissant au départ ne l’est simplement plus.

Je n’ai pas été surpris d’apprendre que Gervais n’avait pas prévu écrire cette troisième saison, mais que devant l’immense popularité d’After Life, Netflix l’avait convaincu de reprendre le collier. Les six épisodes se regardent sans effort et se terminent sur une note d’espoir. Malheureusement, comme c’était le cas avec Derek, sa série précédente (de retour sur Netflix), Gervais n’atteint pas le brio de celle qui l’a révélé il y a presque 20 ans, The Office. Ni dans le fond ni dans la forme.