Le premier épisode du Bonheur, que TVA relaiera mercredi à 21 h 30, fesse fort. Dans le genre : supradécapant, gracieuseté de François Avard (Les Bougon), qui cosigne cette comédie satirique avec Daniel Gagnon (Les Parent, Madame Lebrun).

Les textes de cette demi-heure mordent dans tous les sujets d’actualité délicats. La javellisation de l’histoire québécoise, la surprotection des enfants, l’hypersensibilité des militants, les identités de genre, l’intimidation subie par la communauté LGBTQ+, les personnes trans, la maladie mentale, bref, tout ce dont parle Pénélope McQuade à son micro radio-canadien.

La scène d’ouverture du Bonheur, où l’enseignant de français au secondaire François Plante (Michel Charette) explose devant sa classe, relève du meilleur épisode des Bougon. Au bout du rouleau et médicamenté à l’os, le prof Plante renverse son pupitre et s’emporte contre la « génération la plus débile » que la Terre ait portée, peuplée de petits êtres fragiles qui mangent des Tide Pods et qui sont élevés par des « parents de marde ».

Évidemment, les élèves filment cette performance et la téléversent sur YouTube, faisant de l’enseignant excédé une star du web.

Il y a quelque chose de profondément satisfaisant à entendre cette enfilade d’éléments pas du tout politiquement corrects. On se sent coupable d’en rire parce que, justement, ces propos a) s’inscrivent à contre-courant de la rectitude ambiante actuelle et b) se disent souvent tout bas plutôt que haut et fort.

Les deux scénaristes du Bonheur nous présentent ensuite un couple au potentiel volcanique. Il y a la belle-mère Carole (Louise Bombardier), qui publie des propos contre les musulmans sur Facebook, ainsi que son copain, Jocelyn (Guillaume Cyr), un complotiste fini dont l’emploi du temps consiste à exprimer ses idées loufoques sur des forums internet.

Quand son petit-fils Étienne (Sam-Éloi Girard), étudiant de 22 ans en sabbatique du cégep, lui rappelle que les musulmans ne lui ont rien fait, la grand-mère Carole s’emporte : « Ben non, ben non. Ils ont juste foncé en avion sur nos immeubles pis égorgé le monde qui croit pas leurs niaiseries », réplique-t-elle.

Voilà le ton grinçant du premier épisode du Bonheur, produit par Fabienne Larouche et Michel Trudeau, qui n’épargne personne. Le meilleur ami de notre antihéros, le psychologue Stéphane (Patrice Dubois), en sort justement une excellente sur les psychologues, qui fait très Avard, époque 2005 : « Si les psys servaient à quelque chose, ça ferait longtemps que je m’en serais rendu compte. »

Hélas, cette irrévérence s’estompe dans les trois épisodes qui suivent. De critique sociale sur le milieu de l’éducation, Le bonheur se transforme en sitcom – assez prévisible – sur l’installation d’une famille de citadins en milieu rural.

Car après son pétage de coche viral, le prof François remet sa démission et achète une fermette à Saint-Bernard-du-Lac, où il espère trouver la quiétude pour écrire son premier roman. Comme dans La foire aux malheurs, film classique de 1986 avec Tom Hanks, la maison s’avère une vraie « dompe » infestée de rats. Un sentier de VTT-motoneige scinde le terrain en deux. Une immense éolienne se bâtit dans la cour, et il pleut littéralement de l’insecticide.

Rajoutez ici des : ça pue à la campagne, il y a des bruits de camion, il n’y a pas de WiFi ni de réseau cellulaire, et répétez ces constats dans chacun des épisodes.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

François Avard a coécrit Le bonheur avec Daniel Gagnon.

Le bonheur, qui affrontera Les mecs de Radio-Canada, n’est pas une mauvaise série. Mais ce n’est pas le François Avard baveux et franc-tireur que l’on attendait. C’est un François Avard plus sage, moins vulgaire, qui coécrit Le bonheur. Je m’attendais à rire davantage jaune.

Pour moi, la révélation du Bonheur est la comédienne Monika Pilon, qui incarne l’agente immobilière Karoll-Ann Lapoynte-St-Jacques. Ne sous-estimez pas Karoll-Ann avec ses ongles griffus et son mauvais français. Elle est plus intelligente qu’elle ne le laisse paraître.

Le marché fermier au quatrième épisode évoque la fois où Tita Bougon (Louison Danis) fabriquait de la confiture du terroir avec deux fraises et 14 tasses de sucre. On sent ici que François Avard s’est gâté à propos des « gentlemen-farmers » qui tripent sur la viande 100 % végane et les pommes cultivées en liberté dans des vergers non clôturés. Il faut le souligner, la poule qui yodle comme Guylaine Tanguay est super comique.

La femme de François, l’ex-infirmière Mélanie (Sandrine Bisson), est le personnage le moins bien défini, je trouve. Il nous manque du contexte pour mieux la cerner.

Quant à Étienne, le fils de François et Mélanie, il passe son temps – quand il déniche du réseau – à regarder des vidéos d’une humoriste qui ne parle que de son vagin. Ça vous sonne une cloche ? « On va se le dire, un gars qui fait des jokes de vagin, c’est facile pis vulgaire. Mais venant d’une fille, je trouve ça audacieux », fera remarquer un personnage du Bonheur.

Ça, c’est du Avard.

Une voisine de la famille Plante, installée en campagne depuis à peine deux mois, leur confiera son incompétence totale dans les travaux manuels. « Je ne connaissais rien de rien dans rien. Faut dire que je partais de loin. J’étais chroniqueuse culturelle à la radio », glissera cette voisine.

Ça aussi, c’est du Avard. Et on en prendrait davantage.