Pour moi, tous les livres sont beaux. Même ces éditions de poche défraîchies aux couvertures atroces que je conserve uniquement parce qu’elles m’accompagnent depuis des lustres. Mais ce que l’on appelle « beau livre », ou plus superficiellement « livre de table à café » – on pourrait dire aujourd’hui un livre « instagrammable » –, c’est en quelque sorte un bouquin en habit de gala, qui nous ramène aux premiers temps de notre vie de lecteur, quand on ne lisait que des livres avec des images.

Longtemps je n’ai pas possédé de beaux livres, mais au fil des ans, j’ai fini par monter patiemment ma petite collection. Avouons que lorsqu’on est possédé par l’attrait des livres, notre cœur palpite quand on possède notre premier Pléiade, non ?

Et c’est habituellement dans le temps des Fêtes que j’aime les feuilleter, entre autres parce que beaucoup sont publiés juste avant la saison des cadeaux. Je trouve d’ailleurs que c’est le cadeau le plus chic qui soit, un beau livre, pour peu qu’on connaisse bien les goûts de la personne à qui on le donne. En ce Noël où on ne sait plus trop comment se rapprocher, voici quelques suggestions bien personnelles pour contrer l’isolement qu’apporte le variant Omicron.

Kitsch Qc

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Kitsch Qc – Restaurants, bars-salons et autres lieux dépaysants : histoire d’un patrimoine méconnu

Je crois que vous ne pourrez pas vous tromper en offrant Kitsch Qc de Roxanne Arsenault et Caroline Dubuc (chez Fides), qui m’a procuré des flashbacks étonnants, parce que tout le monde a fréquenté au moins une fois un restaurant thématique, comme les chalets suisses ou les buffets pop-polynésiens. En racontant l’histoire des lieux kitsch de la restauration au Québec des années 1950 aux années 1980, Arsenault et Dubuc racontent en même temps notre rapport particulier à la gastronomie ainsi que le parcours de plusieurs immigrations qui ont définitivement changé nos menus. C’est instructif, drôle, et les auteures ont réussi à trouver des photos qui ravivent notre mémoire de la façon la plus colorée qui soit.

Album Falardeau

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Album Falardeau – Nous aurons toute la mort pour dormir

L’Album Falardeau – Nous aurons toute la mort pour dormir, chez VLB Éditeur, est arrivé comme une surprise. Créé par sa conjointe Manon Leriche et son fils Jules Falardeau, il nous fait découvrir un Pierre Falardeau beaucoup plus intime, et parfaitement cohérent avec le personnage qu’il était, pourtant peu enclin au human interest, comme le disait Michel Chartrand. En fait, c’est très émouvant de le voir ainsi, dans ses photos d’enfance, d’étudiant, de voyageur-photographe chez les Autochtones ou les Algériens, de père et de conjoint, et bien sûr, de cinéaste sur les plateaux de tournage, le tout entrecoupé d’extraits de ses publications et correspondances. C’est un portrait sensible de l’homme qui manquait, finalement, et auquel ont contribué Bernard Émond, Georges Privet, Alexis Martin, Céline Philippe, Sylvie Drapeau, Claude Palardy et Robin Philpot. Falardeau méritait un tel hommage.

Lemoyne – Hors Jeu

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Lemoyne – Hors Jeu

L’exposition Serge Lemoyne – Hors Jeu au Musée national des beaux-arts du Québec a connu un très beau succès à l'automne dans la Vieille Capitale. Pour ceux qui n’ont pas pu se déplacer pour la voir, le catalogue de l’exposition est vraiment complet et explique non seulement la carrière et l’influence de cet artiste connu surtout pour sa série Bleu, blanc, rouge (mais dont l’œuvre est encore plus dense), qui aura tout fait pour démocratiser les arts visuels. Sur ce titre-là, soyons franche, je suis un peu influencée par le fait que ma défunte belle-mère Jocelyne Lepage y a participé, puisque Lemoyne a été son premier chum. Mais c’est toute une histoire de l’avant-garde et de l’underground québécois qui se déploie ici devant nos yeux dans ce livre, qui contient aussi une entrevue avec le joueur de hockey Ken Dryden, le personnage de la toile la plus célèbre de Lemoyne.

Montréal capitale

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Montréal capitaleL’exceptionnelle histoire du site archéologique du marché Sainte-Anne et du parlement de la province du Canada

Pour les amateurs d’histoire, un autre beau livre concocté par un musée, celui de Pointe-à-Callière, aux Éditions de l’Homme, ne peut décevoir : Montréal capitale détaille « l’exceptionnelle histoire du site archéologique du marché Sainte-Anne et du parlement de la province du Canada » lorsque Montréal était effectivement la capitale du pays, de 1844 à 1849. Plus précisément jusqu’au 25 avril 1849, quand des émeutiers ont incendié le parlement – même les bibliothèques y passeront, et seuls 200 livres sur 22 000 seront sauvés. Historiens et archéologues nous racontent ici une période trouble et surprenante, abondamment illustrée par des images d’archives, des photos d’artefacts et des plans des lieux de l’époque. Un peu comme si les talents et les expertises se conjuguaient pour nous offrir un véritable voyage dans le temps !

Tout sur Dune

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Tout sur Dune

Enfin, si vous avez autour de vous des fans de Dune de Frank Herbert, ou simplement des débutants qui ont envie d’y plonger sérieusement après avoir vu la formidable adaptation de Denis Villeneuve, je vous suggère chaudement Tout sur Dune, dirigé par Lloyd Chéry, chez L’Atalante & Lena. Ce livre-là fait mon bonheur depuis plusieurs jours, et il porte bien son titre : on apprend des tonnes de détails sur l’univers créé par Frank Herbert, parce qu’il est écrit par des maniaques de l’œuvre. Biographie de l’auteur (un homme pas aussi sympathique qu’on le pensait), genèse des romans, portraits approfondis des personnages et descriptions des aspects politiques des forces en place, retour sur les adaptations jusqu’à celle de Villeneuve qui accorde un entretien à Lloyd Chéry, cette collection d’essais fait vraiment un tour complet. Si vous êtes un peu déboussolé par la complexité de ce monde imaginaire, je vous jure qu’après avoir lu ce livre, vous deviendrez un geek de Dune. En ce qui me concerne, c’est le plaisir que je vais m’offrir pendant les vacances de Noël qui devraient encore être bien tranquilles cette année, mais pas ennuyeuses avec ma pile de beaux livres.