Grosse semaine pour les acteurs et actrices qui parlent à des pierres tombales. Décidément, le mois des morts s’est pointé en avance à la télé québécoise.

Dans Piégés sur addikTV, vous verrez jeudi soir l’éboueur Alain (Martin Dubreuil) s’adresser à la stèle funéraire d’une mystérieuse dame nommée Sylvianne Roux, morte à 41 ans.

Dans L’échappée à TVA, le sergent-détective Richard Lespérance (Pierre-Yves Cardinal) s’est recueilli sur la tombe de sa douce compagne Marie-Louise Cyr (Bianca Gervais), abattue la saison dernière par le jeune Keven/Kirk (Thomas Boonen), fils du célèbre complotiste Anatole Dufresne (Martin Drainville).

Dans Une autre histoire à Radio-Canada, c’est Olivia (Laurence Barrette) qui a déversé ses inquiétudes sur le monument de granit de son camarade Lucius, qui s’est suicidé en 2018. Olivia craint ses éventuelles retrouvailles avec sa mère biologique (Cynthia Wu-Maheux), une ministre influente dans le gouvernement.

En règle générale, le procédé du « confessionnal de cimetière » permet aux auteurs d’accéder aux pensées des personnages et d’honorer ou de venger un protagoniste. Dans le cas de la série Une autre histoire, c’est une façon de nous préparer à sa mort imminente.

En effet, si Olivia, le dernier des six enfants de Manon Bouchard/Anémone Leduc (Marina Orsini), achève sa quête identitaire, c’est que le téléroman imaginé par Chantal Cadieux pousse son dernier souffle.

Radio-Canada l’a confirmé lundi : Une autre histoire s’éteindra en avril 2022 après trois saisons et demie remplies d’empoisonnements au GHB, de tests génétiques chez la neurologue et d’influenceurs malveillants (salutations à James D. O.).

Depuis la rentrée de septembre, Chantal Cadieux remboîte les poupées russes qu’elle a habilement étalées depuis janvier 2019. Caché dans le Maine, le vilain Valaire Peterson (Steve Banner) a été arrêté grâce à une ruse téléphonique de Patricia (Marie Turgeon). La pauvre Mona (Marie-Évelyne Baribeau), demi-sœur de Caroline (Debbie Lynch-White), a été expédiée à Berlin. Simon (Mikhail Ahooja) reste sobre et s’éloigne du crime organisé. Même Jean-Olivier (Adam Kosh) demeure droit comme un piquet, signe que les morceaux de l’intrigue restent solidement imbriqués les uns dans les autres.

Mais plus cette ultime saison progresse, plus l’alzheimer d’Anémone/Manon lui joue des mauvais tours. Le fait qu’elle couche avec son premier mari Ron (Vincent Graton) au Saguenay démontre qu’elle en perd des bouts. Ç’aurait été impensable de poursuivre Une autre histoire pendant deux ou trois autres saisons avec une héroïne dont l’état de santé déclinerait dramatiquement de lundi en lundi. Il fallait tirer un trait sur ce feuilleton. C’était la (bonne) décision à prendre.

« Radio-Canada aurait voulu d’autres saisons, mais je crois avoir fait le tour avec cette histoire. Avec la pandémie, j’ai dû réécrire huit épisodes et je suis un peu fatiguée », explique l’auteure Chantal Cadieux pour expliquer les funérailles annoncées d’Une autre histoire.

Heureusement, il nous reste la déséquilibrée Sophie Deschamps (Nathalie Coupal), qui ressurgira la semaine prochaine. Vous ne pensiez tout de même pas que la mante religieuse de Belleville s’était bêtement noyée en sautant dans le fleuve ? Elle est résistante, Sophie. Même à l’eau froide.

La scénariste Chantal Cadieux ne se tournera pas les pouces en attendant les adieux d’Anémone/Manon. Pour Radio-Canada, elle peaufine actuellement une minisérie de six épisodes intitulée Perceptions, qu’elle a coécrite avec son fils Alex Vallée, qui joue Jérôme dans Une autre histoire, soit le copain de Naëlle (Cynthia Trudel), ainsi que François Boulay (C.R.A.Z.Y). Aucune date de diffusion n’a encore été annoncée pour Perceptions.

Il faut également rendre à César ce qui appartient à Sainte-Alice : L’échappée de TVA a le don de mettre le doigt sur des phénomènes de société qui se collent hélas ! à la réalité. L’intrigue des complotistes qui prédisent le grand renversement, qui conspuent les « merdias » et le « gouvernementeur » et qui haïssent les cochons armés de la police, ça ressemble à ce que plusieurs coucous partagent sur Facebook depuis le début de la pandémie.

L’échappée devient, de mémoire, le premier téléroman québécois à intégrer des « parano-conspirationnistes » à son récit. L’ultra rigide Anatole Dufresne (Martin Drainville) représente, dans l’émission de TVA, le pendant québécois du mouvement QAnon.

En banlieue de Sainte-Alice-de-Rimouski, la pseudosecte de Jean-Simon (Steve Gagnon) prend une tangente inquiétante. D’entendre Jade (Charlotte Aubin) répéter à sa sœur-témoin Joëlle (Laurie Babin) « je t’entends et je t’écoute, je t’entends et je t’écoute » a ravivé des souvenirs de Moïse Thériault et du gourou de Wild Wild Country.

Le langage bizarre des adeptes de Jean-Simon, qui jasent de trapèze, de paliers à franchir, de contrôle des émotions noires et de balance psychique n’augure rien de bon. On a vu les documentaires sur la secte NXIVM, on sait que ça finit toujours mal.

Au centre jeunesse, Chloé (Schelby Jean-Baptiste) fonctionne sur le modafinil (un psychostimulant), la mère d’un bénéficiaire souffre du syndrome de Diogène, Noémie (Anick Lemay) se perd dans des rencontres sexuelles d’un soir sur l’application Minuit11 et Clément (Rémy Girard) sombre dans la boisson.

Rendu là, ça prendrait plus qu’une séance d’exploration systémique assistée (ESA) pour apaiser les habitants du village qui n’ont pas encore attrapé le scorbut de la petite Anaïs Dubé-Racine (Gabrielle Lamarche).