Pique-assiettes, fouille-merdes, écrivains ratés, alcooliques tourmentés, romantiques dysfonctionnels : les téléséries québécoises ont appuyé très fort sur le crayon – ou le clavier – pour dépeindre le quotidien des journalistes, toujours plongés au cœur du scandale de la décennie, voire du siècle.

Pensez à l’ultra-ambitieuse Linda Hébert (Sylvie Bourque) et au nigaud Lucien Boivin (Denis Bouchard) dans Lance et compte. Pensez à l’idéaliste Michel Gagné (Roy Dupuis) et à la pugnace Stéphanie Rousseau (Macha Grenon) dans Scoop. Tout ce beau monde carburait au café noir extra fort, à l’adrénaline en intraveineuse et aux sacres bien gras.

La chaîne spécialisée Unis TV rediffuse la première saison de Scoop, qui date de 1992, et c’est toujours aussi excellent. J’ai tellement aimé Scoop, seigneur Jésus, l’une des meilleures séries de Réjean Tremblay et de Fabienne Larouche. Vous pouvez d’ailleurs regarder les 13 premiers épisodes de Scoop gratuitement sur le site web d’Unis TV.

Maintenant, les reporteurs que vous verrez dans la docusérie La une (qui débute le mardi 7 septembre à 21 h), de Télé-Québec, ne se font pas enlever par un cartel colombien de Montréal-Nord et ne récupèrent pas des enveloppes brunes dans une poubelle du parc Laurier. Ils multiplient les appels à leurs sources. Ils épluchent de volumineux dossiers. Et ils se battent pour que leurs articles apparaissent sur la première page du journal que vous lisez actuellement.

Car l’équipe de La une a suivi pendant un an la cellule d’enquête de La Presse, avec des apparitions spéciales de Patrick Lagacé, qui écrit ses chroniques sur sa table de cuisine, y découvre-t-on.

PHOTO FOURNIE PAR TÉLÉ-QUÉBEC

Vincent Larouche, journaliste d’enquête de La Presse

Mes camarades ne le savent pas, mais ils deviendront bientôt des personnages de télévision, au même titre que le Dr Éric Gagnon ou le DFrançois Marquis, de De garde 24/7. Vous découvrirez la cheffe des troupes, Katia Gagnon, qui ne lâche jamais le morceau, notamment dans les affaires Éric Salvail et Gilbert Rozon. Katia représente l’archétype de la journaliste d’enquête à la Michèle Ouimet (mon idole) : investie, redoutable, déterminée, capable de douceur et de fermeté, avec une touche de vulnérabilité.

Vous accompagnerez également Gabrielle Duchaine et Caroline Touzin dans le monde sordide de la pédophilie. Vous serez avec Vincent Larouche quand il confronte le patron d’une agence qui paie au noir des employés de CHSLD. Et vous mettrez des visages sur des complotistes avec Tristan Péloquin.

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Caroline Touzin, journaliste d’enquête de La Presse

Si vous aimez des docuséries d’observation comme De garde 24/7, 180 jours ou Police en service, La une tombera dans vos cordes. C’est très bien fait.

Est-ce parfait ? Non. Certaines intrigues s’étirent, notamment celle sur les mouvements entourant le controversé Alexis Cossette-Trudel, qui nous perd dans des détails techniques. La une se révèle à son meilleur sur le terrain, avec les journalistes. Moins de placotage, plus de cognage (aux portes).

Aussi, ne pensez pas que tous les employés de notre journal travaillent sur un bateau, dans un décor de magazine de voile. C’est une exception. Et en temps normal, sans COVID-19, la salle de rédaction – vide dans La une – grouille de gens qui parlent et râlent très fort.

PHOTO FOURNIE PAR TÉLÉ-QUÉBEC

La salle de rédaction de La Presse

Les épisodes de La une montrent bien de quelle manière se façonnent les histoires chocs qui font la manchette. C’est un processus long, complexe, éprouvant et rigoureux. Dites-vous que les bureaux d’enquête fonctionnent de façon similaire au Devoir, à Radio-Canada ou chez Québecor.

Gossip

Dans un registre journalistique plus léger, le service Crave+ offre la divertissante docusérie Gossip, qui raconte la gloire et la déchéance de la presse à potins aux États-Unis.

Le point d’ancrage de Gossip est Cindy Adams, chroniqueuse de 91 ans qui publie encore cinq ou six textes par semaine dans le New York Post. Quel personnage fascinant que cette dame super allumée, pétrie de contradictions et amie de figures controversées comme Donald Trump, Manuel Noriega et Imelda Marcos !

PHOTO PATRICK MCMULLAN, GETTY IMAGES

Cindy Adams

Cindy Adams n’a aucune morale. Quand elle aime quelqu’un, elle le défend, point barre. C’est un mode opératoire douteux, mais ça a le mérite d’être clair. Donald Trump profite encore de la complaisance de Cindy Adams, mielleuse avec Donald, mais fielleuse envers son ex-femme Ivana. La série documentaire Gossip se demande même si le New York Post et Cindy Adams n’ont pas été responsables de l’élection de Donald Trump en le couvrant sans arrêt depuis les années 1980.

Gossip ne répond malheureusement pas à cette question fondamentale et ne confronte pas Cindy Adams sur ses accointances discutables. Gros point faible de cette docusérie.

Par contre, Gossip expose clairement de quelle façon le milliardaire australien Rupert Murdoch (propriétaire du New York Post) a implanté la culture des tabloïds à New York, où le potin s’échange contre des faveurs, même chez les plus puissants.

Rivalités féroces entre chroniqueurs, silence complice de la presse artistique à propos d’Harvey Weinstein ou potinage servant les intérêts des actionnaires, Gossip ratisse très large en quatre épisodes d’une heure. Ça se regarde d’une traite, entre deux visites sur le site de TMZ.