« Ma poule, c’pas une poule. Mon sapin, c’pas un sapin. C’est pas parce que tu viens de la campagne que t’es obligée de péter plus haut que le trou, Fanny Tremblay ! »

Fanny Tremblay, c’était l’espiègle Mahée Paiement dans le film Bach et Bottine, un classique sorti en 1986. Et le titulaire de cette réplique culte, c’était le blondinet aux joues rosies Charles Gagnon, joué par Harry Marciano.

Comme bien des quadragénaires et trentenaires actuels, je fais partie de cette génération qui a été biberonnée aux Contes pour tous du producteur Rock Demers. Je les ai vus, revus et re-revus sans ne jamais m’en lasser. Merci pour ces doux souvenirs d’enfance qui ne s’effaceront jamais. C’est précieux.

Fanny la tannante qui écoute de la musique « rock » pendant que Jean-Claude (Raymond Legault) pratique son Jean-Sébastien Bach, Fanny l’émotive qui imite le son de l’orgue en bougonnant ou Fanny qui hurle « Le grain de mil » dans son bain en duo avec le voisin Charles (encore lui !), ces scènes resteront gravées à jamais sur mon disque dur personnel. Merci encore pour ça.

PHOTO TIRÉE DU SITE IMDB

Les acteurs principaux du film Bach et Bottine, Raymond Legault et Mahée Paiement

Les films familiaux produits par Rock Demers, de grande qualité, respiraient la bienveillance et la tendresse. Et pour bien des préados, les Contes pour tous ont été notre initiation au cinéma québécois.

Bien sûr, on trippait sur les Goonies, Star Wars, Willow et Indiana Jones. Mais on avait tout autant de plaisir – sinon plus – à visionner La guerre des tuques pendant le congé de Noël. On ne faisait pas un effort pour regarder un film d’ici. On le regardait parce qu’il était vraiment bon, parce qu’il nous faisait rêver.

Partout au Québec, combien de forts en neige ont été construits pour faire comme dans La guerre des tuques ? Combien d’intrépides ont tenté d’injecter du colorant dans leurs balles de neige pour imiter la bande à Luc Chicoine (Cédric Jourde) ? Confession : ça ne fonctionne pas du tout, pour l’avoir testé plusieurs fois.

Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des productions destinées à une clientèle jeunesse. Elles façonnent les adultes que nous serons plus tard. Je suis fier d’avoir été un disciple de Daniel Blanchette de Victoriaville. Je suis fier de me rappeler Ti-Guy La Lune, qui avait supposément le pied pris dans un piège à renard à ours. Je suis moins fier, par contre, d’avoir crié « heille les lunettes, provoque-nous pas » à bien des camarades d’école qui voyaient moins bien au tableau.

Le clairon, le butin, « Leroux, Leroux, la guerre est finie », « as-tu une pastille, une gomme, quelque chose », la boss des bécosses, « les flans, les flans, quessé ça, les flans » ou « la guerre, la guerre, c’pas une raison pour se faire mal », La guerre des tuques a coloré notre vocabulaire pour les années à venir. Qu’une œuvre jeunesse s’incruste autant dans l’imaginaire collectif montre à quel point elle a été pertinente.

PHOTO TIRÉE DU SITE IMDB

La gang de La guerre des tuques

L’amour a pris son temps, chantait d’ailleurs Nathalie Simard pendant le générique de La guerre des tuques. Trente-sept ans plus tard, l’amour est toujours là, à réchauffer l’hiver frileux.

Et aujourd’hui, selon les sages paroles de Sophie Tremblay (Maripierre D’Amour), il n’y a pas qu’un trou dans la mitaine du brave Luc. Il y en a un très gros dans nos cœurs d’enfants avec la mort de Rock Demers, le grand-papa du cinéma au grand cœur. Il traitait les petits comme des grands, avec beaucoup de respect et d’intelligence.

L’héritage que nous laisse l’ex-président des productions La Fête est colossal. Qui ne se souvient pas de la magnifique crinière rousse de Daphné (Fanny Lauzier) dans La grenouille et la baleine ? Qui n’a pas ensuite rêvé de nager avec des dauphins après avoir vu 12 fois ce film campé à Mingan, sur la Côte-Nord ?

Des 13 premiers Contes pour tous, je pense qu’Opération beurre de pinottes, tourné en anglais, a été celui qui a été le plus traumatisant. Sans blague, c’était étrange pas à peu près. Il y avait deux fantômes, un jeune de 11 ans qui perdait tous ses cheveux, une mixture au beurre d’arachides qui faisait (trop, trop) repousser les crinières et une manufacture de pinceaux fabriqués avec des poils humains.

Que ce soit Bye bye chaperon rouge, Pas de répit pour Mélanie ou Tirelire, combines et cie, les films produits par Rock Demers se branchaient directement sur nos petits cœurs d’enfants.

Comme le pauvre Pierre (Julien Élie) qui a perdu sa chienne Cléo dans l’effondrement du fort, quelle scène émouvante doux Jésus, nous sommes des milliers de cinéphiles à s’éponger présentement les yeux avec nos grosses mitaines. Merci pour toutes ces aventures, M. Demers, qui ne seront jamais perdues, contrairement au fameux timbre !