La raison de ce voyage éclair à San Diego était une rencontre exclusive avec Rafael Payare, nouveau directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal. Vous lirez cela sous peu dans La Presse.

Mais comme il faut toujours joindre l’agréable… à l’agréable, j’en ai profité pour assister à l’inauguration du Rady Shell, un amphithéâtre qui bénéficie d’un emplacement exceptionnel et qui jouira sans aucun doute d’une renommée internationale.

Imaginez une immense coquille blanche plus grande que la scène du Festival de Lanaudière, devant laquelle se trouvent 10 000 fauteuils. D’un côté, vous avez la baie de San Diego et de l’autre, la marina et quelques grands hôtels majestueux. Le décor est à couper le souffle.

Ce projet complètement fou, on le doit au San Diego Symphony et à sa cheffe de direction, Martha Gilmer. Quelques heures avant le concert inaugural, qui avait lieu vendredi dernier, elle a expliqué qu’on lui avait soumis un concept en trois tailles différentes.

On a surnommé le premier Baby Bear, le deuxième Mama Bear et le troisième, Papa Bear. Ce n’était pas suffisant. On a finalement décidé d’y aller avec la formule de Super Papa Bear.

Martha Gilmer, cheffe de direction du San Diego Symphony

Le Rady Shell occupe une portion du Jacobs Park qui, au fil du temps, n’arrivait plus à séduire les citoyens et les touristes. L’idée d’en faire un vaste amphithéâtre consacré à tous les genres musicaux est née au milieu des années 2010. Amorcés il y a trois ans, les travaux ont été menés rondement.

PHOTO GARY PAYNE, FOURNIE PAR LE SAN DIEGO SYMPHONY

Le Rady Shell

Pour mener à bien ce projet de 85 millions de dollars, le San Diego Symphony, à qui revient la responsabilité d’assurer la gestion et la programmation du lieu (on prévoit offrir une centaine d’évènements chaque année), a dû se tourner vers de généreux mécènes, dont Ernest et Evelyn Rady (15 millions), de même que Joan et Irwin Jacobs (11 millions).

Le financement du Rady Shell a été très majoritairement appuyé par des dons privés. On espère aller chercher au total 125 millions de dollars afin de soutenir la programmation et assurer l’entretien des lieux. À ce jour, 98,7 millions ont été amassés.

PHOTO GARY PAYNE, FOURNIE PAR LE SAN DIEGO SYMPHONY

Le San Diego Symphony

Alors que le soleil se couchait et que la mer répandait son parfum, les 80 musiciens du San Diego Symphony et leur chef, Rafael Payare, sont montés sur la vaste scène. Ce dernier était visiblement ému d’enfin faire découvrir la magie de ce lieu enchanteur et, surtout, les qualités acoustiques de cet amphithéâtre, œuvre de l’architecte Greg Mueller, de la firme Tucker Sadler Architects, et de l’équipe de Soundforms pour la conception de la coquille.

Les concepteurs ont travaillé en étroite collaboration avec une équipe d’experts en acoustique, dont Shawn Murphy. Devant les journalistes, l’acousticien de réputation internationale a expliqué que son défi avait été de créer un système qui allait servir aussi bien un orchestre symphonique que tous les autres genres musicaux (Gladys Knight, Smokey Robinson et Stewart Copeland font partie de la programmation des prochains mois).

Il était également primordial que les artistes sur scène aient une qualité sonore équivalente à celle que reçoit le public.

Shawn Murphy, acousticien

Pour « tester » le son de cet amphithéâtre, Rafael Payare a offert un programme riche et attrayant qui comprenait notamment Rhapsody in Blue de Gershwin en compagnie du pianiste Jean-Yves Thibaudet, des airs de Mozart, Gounod et Rossini interprétés par le baryton-basse Ryan Speedo Green, ainsi que le Concerto pour violoncelle no 1 en la mineur de Saint-Saëns en compagnie d’Alisa Weilerstein. La musicienne américaine (conjointe de Payare) a offert l’un des moments forts de la soirée.

PHOTO GARY PAYNE, FOURNIE PAR LE SAN DIEGO SYMPHONY

Le pianiste Jean-Yves Thibaudet et le chef d’orchestre Rafael Payare

Le public a été à même de constater que le son, relayé par six tours d’enceintes acoustiques qui encerclent le parterre, est de haut niveau. Et cela, peu importe où vous êtes assis. Bien sûr, les mélomanes ne sont pas à l’abri des bruits de la ville (quelques hystériques qui faisaient la fête sur un yacht ont bruyamment exprimé leur plaisir vendredi soir en passant près du Rady Shell), mais cela fait partie de la réalité des amphithéâtres extérieurs.

PHOTO GARY PAYNE, FOURNIE PAR LE SAN DIEGO SYMPHONY

La violoncelliste Alisa Weilerstein

Ce qui est formidable, c’est que les concepteurs ne se sont pas contentés d’aligner des fauteuils devant une scène. Ils ont poussé l’expérience du spectateur plus loin. Une section offre des tables, alors qu’une autre est composée de sièges munis de tablettes. On peut donc manger (les cuisines sont installées à droite de la scène) et boire avant le concert ou durant l’entracte.

Lors de la visite de presse, on nous a montré la salle de repos des artistes. Celle-ci est située à l’arrière de la scène et donne directement sur une terrasse et la mer. Je n’ai jamais vu un aussi beau « Green Room » de ma vie.

Le fond du parterre est réservé aux spectateurs qui n’ont pas envie de payer très cher pour leur billet. Moyennant 25 $, ils peuvent s’installer sur le gazon synthétique avec leur chaise pliante ou une couverture.

Vous me direz qu’un tel projet est possible grâce au climat clément et agréable de la Californie (le revêtement utilisé pour couvrir la coquille serait impensable chez nous). C’était d’ailleurs assez drôle d’entendre Martha Gilmer dire que pour les concerts du mois de novembre, les spectateurs devront se munir… d’une petite laine. Nous, à cette période de l’année, il y a longtemps qu’on a monté le chauffage des théâtres.

Mais j’avoue que durant la soirée, j’ai tenté d’imaginer quelque chose de similaire qui serait adapté à notre réalité. Je verrais très bien ce genre d’amphithéâtre à Montréal… au bord du fleuve.

On ne cesse de dire que l’on doit trouver des moyens de se réapproprier le Saint-Laurent. Imaginez quelques secondes un amphithéâtre voué à la musique qui se conjuguerait à la beauté du fleuve.

Nous entrerons bientôt dans le vif de la campagne électorale sur la scène municipale. Il sera intéressant de voir les idées de grands projets culturels de la part des candidats. En tout cas, si certaines sont en manque d’idées, qu’ils viennent faire un tour à San Diego.

Une partie des frais de ce voyage a été payée par l'OSM, qui n’a exercé aucun droit de regard sur le contenu du reportage.