Y croyez-vous encore, aux pouvoirs magiques de la papesse de l’accompagnement relationnel Louise Sigouin ?

Tel l’apôtre Pierre, cet homme de peu de foi que Jésus a sauvé de la noyade, je doute. Et pas rien qu’un peu. Je supplie Louise Sigouin, la prêtresse des dualités de Si on s’aimait à TVA, de me tendre la main et de me redresser avant le jugement dernier, prévu le 10 juin.

Car depuis plusieurs semaines, les évangiles chantés par la sexologue — nommer les choses, respecter ses limites et garder contact avec son monde émotif — ne résonnent plus chez ses six disciples. Les trois faux couples qui communient encore à son bureau ont déjà quitté la barque et sombrent dans leur lac de Tibériade personnel. Le naufrage se déroule sous nos yeux et ça ravive de vieilles blessures de culpabilité.

Je le répète : j’assiste à toutes les messes de 19 h, du lundi au jeudi, sur les ondes de TVA. En incluant les enregistrements, Si on s’aimait pointe au quatrième rang des émissions les plus regardées du Québec avec sa moyenne de 828 000 fidèles, selon les dernières données disponibles de Numeris. Seuls Tout le monde en parle, Le tricheur et Infoman dépassent Si on s’aimait.

Mais on s’entend que la méthode Sigouin ne fait pas des enfants forts. Aucun mariage, champêtre ou médiéval, ne sera célébré cet été au son du luth. Et oubliez la prise deux du célèbre party disco où il faut tasser le luminaire de la salle à manger.

Brigitte angoisse déjà à l’idée de passer quatre jours dans Charlevoix avec Sylvain, dont elle met en question l’orientation sexuelle dans chacun des épisodes. Constamment critiqué à propos de son humour potache, Sylvain a autant le goût de passer du temps avec Brigitte que de payer seul une facture de resto de 160 $.

Brigitte, inspectrice en chef des oreillers, a même imposé à Sylvain une règle de bavardage de 70 % de sujets sérieux et de 30 % de trucs plus comiques. Qui fait ça, voyons ? Qui calcule ainsi les proportions dans une discussion ? Et pourquoi Sylvain accepte-t-il sans rouspéter cette forme de terrorisme conversationnel ?

Quand Sylvain a proposé d’organiser un party pyjama avec fondue au chocolat, le visage de Brigitte s’est tordu comme si elle venait de regarder une éclipse solaire sans protection. « Un party pyjama, en quoi c’est charmant pour une femme ? », s’est offusquée Brigitte, fermée à toute activité ludique, tel un gym en zone rouge.

Le courant entre Sébastien et Gabriel n’alimentera pas une turbine d’Hydro-Québec non plus. Gabriel est tellement concentré sur ses besoins et l’établissement de ses limites qu’il oublie que l’expérience de Si on s’aimait se vit à deux. Et Sébastien commence à en avoir marre de jouer les seconds violons — et non jouer « a cappella », pour paraphraser le titre de sa chanson.

Le couple chouchou du public se désagrège de semaine et semaine, malgré les prêches de Louise Sigouin, qui a même supervisé la cérémonie où les deux tourtereaux se sont pris les mains pour la première fois. Un moment surréaliste.

La possibilité que Guillaume et Amélie finissent ensemble est aussi grande que la probabilité que Guillaume finisse par construire des phrases complètes. Comprendre : c’est impossible. Une pure utopie.

Dieu merci, l’ami d’Amélie (il s’appelle Sébastien) a exprimé jeudi soir ce que de nombreux adeptes de Si on s’aimait pensent depuis longtemps : Guillaume a été cave avec Amélie. Réponse de Guillaume ? Ben là, tsé, c’est comme, j’peux pas te promettre, mais genre, c’pas ça que, en même temps, y’a tu d’autre chose, j’veux dire ? Louise Sigouin penche ici sa tête du côté droit.

Je ne comprends pas pourquoi Amélie s’inflige une cohabitation avec Guillaume, en plus d’un voyage en Outaouais avec lui. Le gars refuse de baisser la lunette des toilettes (la quoi ?), il ne l’aime pas et ne lui prépare pas de smoothie matinal en même temps que le sien. Il faut offrir l’aide médicale à mourir au couple formé de Guillaume et Amélie. Ça suffit, l’acharnement thérapeutique.

En fait, je ne comprends pas pourquoi des concurrents ayant toute leur tête s’inscrivent à Si on s’aimait. Pour nous, c’est du bonbon que d’entendre leurs confidences très personnelles. À l’autre bout de la lorgnette, ces candidats offrent au tribunal des réseaux sociaux les détails les plus intimes de leur vie. Allez, servez-vous, jugez-nous, c’est gratuit !

Et personne ne se met riche à Si on s’aimait. En excluant la somme d’environ 250 $ par semaine pour leurs dépenses lors des rendez-vous filmés (partie de paintball, atelier de peinture, yoga chèvre), les célibataires ne reçoivent aucun salaire.

Le concept de Si on s’aimait consiste à progresser dans une relation amoureuse avec Louise Sigouin, ce qui débouche inévitablement sur des fiascos. C’était comme ça l’an dernier. C’est comme ça cette saison aussi. Ces gens se connaissent depuis deux minutes et quart et la production leur demande de déménager ensemble, de se présenter leurs enfants et de partir en voyage.

D’un point de vue psychologique, ce n’est pas l’idée du siècle. D’un point télévisuel, c’est du génie. Aucun scénariste n’aurait pu créer un personnage à 70 % lourd et 30 % intense comme celui de Brigitte. Sainte-Louise-des-dualités, priez pour elle.