Ce n’est pas pour me vanter, ou si peu, si peu, mais je me débrouille pas pire au rayon des « teen dramas », ces feuilletons portés par des acteurs de 30 ans mais qui s’adressent à des adolescents avertis et à de jeunes adultes.

Normal People, L’académie, 13 Reasons Why, Le chalet, Sex Education, La dérape, Gilmore Girls ou Clash, je me tiens au courant du mode de vie des « djeunes », wasssup la gang, telle une Jocelyne Letendre (Micheline Bernard) dans le « shake and bake » de Radio-Enfer.

À leur contact, j’ai appris qu’on ne conjugue jamais, mais genre jamais, les verbes en anglais que l’on insère dans des phrases en français. Yo, for real, je l’ai ditch. Sorry, j’ai overreact. Fuck, j’ai été kick out ! Dude, y va slide dans tes DM !

Dans le temps de Mononcle Hugo le quadragénaire, les jeunes se donnaient la peine d’accorder ces mêmes verbes. Comme dans : j’ai switché de place avec Marie-Ève dans mon cours de chimie. En 2021, ça sonnerait plutôt comme : yo, j’ai switch avec Capucine dans mon atelier sur l’écoanxiété.

Des followers, une dick pic, je l’ai get, un fan base, des pop sockets, est-ce que tu care, du self-love, c’est crazy, broke as fuck, c’est vraiment wack, se faire ghoster, c’est insane, vous entendrez ce dialecte en franglais, très réaliste, dans la nouvelle télésérie Les petits rois de Radio-Canada, que l’Extra de Tou.tv déposera sur sa plateforme payante le 27 mai. Pour un passage à la télé traditionnelle de Radio-Canada, il faudra patienter plusieurs mois, m’a-t-on dit mardi.

Maintenant, avant d’alerter l’Office québécois de la langue française (OQLF) ou Guy Fournier, dites-vous ceci : oui, des dizaines de milliers d’ados et de Z parlent en mélangeant ainsi les deux langues, et pas uniquement à Montréal. Est-ce l’idéal pour notre langue française ? Bien sûr que non.

Mais si vous êtes une auteure et que vous racontez une histoire qui met en scène des élèves de cinquième secondaire d’un collège de Montréal, le recours à ce franglais dans les dialogues est nécessaire. Ne serait-ce que pour la crédibilité du récit.

PHOTO ÉVA-MAUDE TC, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

L’autre « petit roi », Adaboy (Alex Godbout), qui, avec Julep, fait la loi dans son collège, fait partie de l’équipe de patinage artistique. On le voit ici avec Bee (Célia Gouin-Arsenault).

Dans Les petits rois, qui se compose de six épisodes d’une heure, nous suivons les deux meilleurs amis Julep (Pier-Gabriel Lajoie) et Adaboy (Alex Godbout), qui sont aussi les deux personnes les plus cool du Collège Reine-Isabella. Ces deux gosses de riches, plutôt baveux, font partie du programme de sports-études. Julep en hockey et Adaboy en patinage artistique.

La scénariste Marie-Hélène Lapierre (Jérémie), aidée de Justine Philie, a eu la brillante idée d’inverser les stéréotypes associés aux deux personnages principaux. Julep est gai, très BCBG, et il s’affiche ouvertement avec son copain Pom (Karl-Antoine Suprice). Mauvais à l’école, Julep représente l’archétype du « jock », le capitaine qui porte toujours son manteau d’équipe sportive. Son orientation sexuelle n’est pas du tout un enjeu, tout comme celle de sa meilleure amie Bee (Célia Gouin-Arsenault).

À l’opposé, le flamboyant Adaboy est hétérosexuel, porte ses cheveux bleus, raffole des colliers de perles et coud ses propres vêtements. Il rêve de devenir designer de mode, entre deux compétitions de patin. C’est un Jay Du Temple dix ans plus jeune.

Au sommet de la pyramide sociale, comme leurs amis privilégiés, Julep et Adaboy ne regardent pas vers le bas, mais en direction de leur petit nombril.

Évidemment, comme ils font chier leurs camarades depuis le primaire, ils collectionnent les ennemis, dont une en particulier, qui prépare minutieusement sa revanche. Le cœur de la série est là : la vengeance, le pouvoir et la manipulation.

La référence à Pretty Little Liars (PLL) est super évidente ici. Cette justicière mystère, qui opère comme « A » dans PLL, envoie des vidéos compromettantes et menace les populaires. Vous n’entendrez que sa voix dans les deux premiers épisodes et vous verrez son visage à la fin du troisième, dans un revirement très habile.

Autour de Julep et Adaboy (on les appelle aussi Jules-Pascal et Adam), il y a également l’influenceuse Basta (Chanel Mings), le bouffon Prank (Lévi Doré), le nerd Wizz (Ahmed Chirara), l’écolo Liz (Audrey Roger) et madame parfaite Mac (Miryam Gaboury). Tous ont le cellulaire greffé à la main, et Instagram – IG, à prononcer à l’anglaise – est leur réseau social de prédilection.

Les « adultes » des Petits rois occupent peu de temps d’antenne. Madeleine Péloquin et Jean-François Nadeau campent les parents d’Adaboy, tandis que Julie du Page se glisse dans la peau de la mère-hélicoptère de Julep. Le directeur du collège (Martin-David Peters) et le professeur souffre-douleur (Hubert Proulx) complètent la distribution.

Les fans de ce genre télévisé très populaire décèleront dans Les petits rois des touches de Riverdale, d’Elite et de Gossip Girl. En termes de sexualité explicite, de vapotage ou de consommation de drogues dures, la minisérie de Radio-Canada, réalisée par Julien Hurteau, ne s’approche pas du niveau d’Euphoria de HBO, qui a traumatisé bien des parents d’ados.

À la question posée dans le titre de cette chronique, est-ce qu’on regarde ou non, je réponds : yo, c’est pas le temps de skip, je l’ai tellement binge, c’était sick.