Le Palais de Buckingham a opposé un silence radio aux révélations chocs de Meghan et de Harry. Plusieurs grosses pointures ont au contraire largement commenté l’entrevue d’Oprah diffusée dimanche et qui a été vue par 17,1 millions de personnes.

En pleine pandémie, même les chefs d’État ont été interpellés à ce sujet.

« Je ne commente pas les affaires de la famille royale et je n’ai pas l’intention de commencer aujourd’hui », a dit Boris Johnson, après avoir d’abord souligné « la plus grande admiration » qu’il porte à la reine.

À la Maison-Blanche, la porte-parole Jen Psaki a prudemment mentionné qu’« il faut du courage pour évoquer ses problèmes de santé mentale » et que « c’est certainement ce que pense le président [Joe Biden] » du témoignage de Meghan.

Déjà écorchée ces derniers mois par la diffusion de la quatrième saison de The Crown et au moment même où le prince Philip se remet à 99 ans d’une opération, la famille royale britannique s’est fait tirer dessus à boulets rouges à heure de grande écoute.

Le journaliste Marc Laurendeau, qui suit le gotha, souligne à quel point cette entrevue avec le couple déchu de ses privilèges tranche fortement avec celle accordée en 1995 par Diana et qui était « un modèle de sobriété ». (Pour mémoire, il s’agit de cette entrevue où elle révélait qu’ils étaient trois dans son mariage, elle, Charles et Camilla.)

« Ici, on est au contraire dans l’infotainement, fait observer M. Laurendeau. Par exemple, quand Meghan révèle qu’un membre de la famille royale s’est inquiété de la couleur du bébé à naître, Oprah réagit fortement en s’exclamant : “What ?” Ce que ne se serait pas autorisé un journaliste. »

Un déballage tous azimuts

Beaucoup de choses ont été alléguées par le couple pendant cette entrevue : le racisme de la famille royale qui l’aurait amené à refuser le titre de prince à bébé Archie, la mesquinerie qui priverait Harry et sa famille de toute protection, l’insensibilité royale aux problèmes de santé mentale et aux pensées suicidaires de Meghan, le sentiment de délivrance de Harry enfin affranchi du carcan princier, le rôle de « vilaine » fabriqué de toutes pièces par le Palais à grands coups de mensonges sur son compte…

En prime, on a su qu’Archie aura une petite sœur, que Meghan n’a jamais eu de cours de protocole, qu’elle a dû elle-même chercher les paroles de l’hymne national britannique et que non, ce n’est pas elle, avant son mariage, qui a fait pleurer sa belle-sœur Kate, mais l’inverse.

Comment savoir ce qui est vrai, dans la mesure où la famille royale s’en tient, elle, à son credo « never explain, never complain » ?

« Il n’y a jamais une seule vérité », répond M. Laurendeau, qui souligne que le Palais, rompu à une certaine réserve, n’est certes pas « sur un pied d’égalité avec la lourde machine d’Oprah ».

Dans leur grand déballage, Harry et Meghan, dont les propos ont été dévastateurs pour le prince Charles, pour William et pour sa femme, Kate, ont tout au plus épargné la reine, qui jouit d’une grande cote d’amour en Angleterre, les Britanniques lui ayant pardonné sa froideur lors de la mort tragique de Diana.

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La duchesse Camilla, le prince Charles, la duchesse Catherine, le prince William, Meghan Markle, le prince Harry et le prince Philip, lors d’une messe de Noël à Londres, en 2017

Lundi, Oprah a d’ailleurs révélé qu’Harry, qui a refusé pendant l’entrevue de révéler le nom du membre de sa famille qui s’était inquiété de la couleur du bébé à naître, a tenu à préciser qu’il ne s’agissait pas de ses grands-parents.

Ce qui est en tout cas vérifiable, c’est que le Palais de Buckingham n’a aucunement défendu Meghan alors qu’elle était soumise à des remarques ouvertement racistes, signale M. Laurendeau.

Habituée d’être le pain et le beurre des tabloïds, la famille royale, sauf exception, ne réagit pas aux histoires qui sont publiées sur elle.

À l’inverse, Meghan Markle vient, elle, d’obtenir gain de cause devant les tribunaux contre des journaux qui ont publié une lettre personnelle qu’elle avait envoyée à son père, qu’elle accuse de l’avoir trahie dans un extrait diffusé lundi.

Mais voilà que dès mardi soir, Thomas Markle rappliquera en accordant une entrevue à Good Morning Britain dont l’animateur, Piers Morgan, est ouvertement très opposé à Meghan.

Les quotidiens britanniques sont loin d’avoir été unanimement émus par le témoignage du couple qui réside maintenant à Santa Barbara, en Californie.

PHOTO GLYN KIRK, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Les médias britanniques ont abondamment couvert les révélations d’Harry et de Meghan.

« Lui, le petit-fils de Sa Majesté la reine, et elle, l’actrice multimillionnaire, sont très affairés à construire leur propre image dans laquelle ils se positionnent non pas comme des membres d’une élite riche, mais comme des victimes d’une oppression », est-il écrit dans le Daily Telegraph.

Le festival Oprah a débuté par un grand angle sur cette rencontre au sommet entre des célébrités dans un jardin manucuré. En quelques minutes, cela s’est transformé en une furieuse pièce jacobéenne revancharde, les Sussex-en-exil ne taisant aucune de leurs misères.

Extrait d’un article du Daily Telegraph

À l’inverse, plusieurs personnalités se sont portées à la défense du couple.

Serena Williams, grande amie de Meghan, a écrit que l’entrevue illustrait bien « la douleur et la cruauté qu’elle a subies. Les conséquences de l’oppression systémique et de la victimisation sur la santé mentale sont dévastatrices et souvent mortelles ».

Bernice King, l’une des filles de Martin Luther King, a écrit sur Twitter qu’elle était « reconnaissante à Meghan Markle d’être là ». « Le racisme est une menace au bien-être physique et économique pour des millions et des millions de personnes ».

La jeune poète et militante Amanda Gorman, remarquée pour sa performance lors de l’investiture du président Biden en janvier dernier, a estimé sur Twitter que la famille royale a eu bien tort de ne pas réserver un meilleur sort à Meghan. « Ils n’ont pas seulement maltraité sa lumière, ils sont passés à côté. »