Passion précoce
Lors de la foire Plural, le mois dernier à Montréal, un couple qui avait remporté le prix de 2000 $ remis par Loto-Québec est allé acquérir une œuvre de Rosalie Gamache qui figurait dans les coups de cœur de Karine Vanasse, porte-parole de la foire. Sa série des Peintures blanches – natures mortes, portraits et études du corps – s’est vendue comme des petits pains chauds.
Née à Montréal en 1993, elle a hérité des gènes de sa mère, qui a étudié en arts et est devenue graphiste.
Ma mère m’a initiée à la création. J’ai dessiné beaucoup dès l’âge de 4 ans. Mon père m’a aussi beaucoup encouragée. J’ai toujours su que je deviendrais artiste.
Rosalie Gamache
Lors d’un voyage à Paris, à l’âge de 9 ans, elle a eu le déclic en voyant des tableaux de Van Gogh au musée d’Orsay. « Quand j’ai vu la matière sur la toile, j’ai eu un vrai coup de cœur. À 14 ans, je me suis mise à peindre. »
Après le cégep, Rosalie Gamache a voulu améliorer sa technique figurative de style beaux-arts. Elle est partie en Italie, suivre des cours à la Florence Classical Art Academy, une école russe dans la lignée de la prestigieuse Repin Academy de Saint-Pétersbourg. Elle y a appris la peinture de modèles vivants et a eu une révélation pour la peinture à l’huile. « J’ai alors compris toute la sensualité de ce médium, les effets de modelé, la transparence. C’est incomparable. »
Elle est ensuite partie à Québec étudier les arts visuels et médiatiques à l’Université Laval, tout en prenant de l’expérience en réalisant des portraits dans la rue Sainte-Anne. Elle a aussi rencontré un mentor, le peintre Denis Jacques, qui lui a transmis bien des connaissances techniques. Revenue à Montréal en 2021 pour suivre le programme Artch réservé aux artistes émergents, elle a eu une résidence à la galerie Jano Lapin, avant d’être recrutée par la galerie Duran Mashaal en août 2022, ce qui lui a permis d’exposer à Toronto.
Un style inusité
Pas facile de se lancer dans la figuration classique quand on est une jeune artiste au Québec. Le milieu de l’art contemporain n’est pas toujours tendre avec cette expression artistique ! Admirative de John Currin et de Glenn Brown, Rosalie Gamache le regrette, mais elle a toujours cru en son toucher classique au rendu très actuel. Créer l’illusion du blanc avec des petites gammes de gris, telle est la finesse de son style, avec des portraits où la peau transparaît à travers des couches d’enduit et des natures mortes à la volupté organique.
Elle fait poser ses modèles nus, recouverts de son enduit. Elle peint ensuite à partir des clichés réalisés par son assistant, le cinéaste Martin Laroche, lors de séances pendant lesquelles les modèles improvisent des poses. Elle ébauche un dessin puis utilise la technique de demi-pâte que privilégiaient les peintres français du XIXe Jean-Léon Gérôme et William Bouguereau. Un séchage long et un travail par phases qui génèrent ces effets particuliers au charme romantique.
L’atelier
En décembre dernier, Rosalie Gamache a installé son atelier dans l’appartement qu’elle partage avec son conjoint, non loin du marché Jean-Talon. Avec un éclairage adapté. L’espace convient à son rythme de travail. « Je peins de longues heures, de vrais marathons de peinture ! Le fait d’avoir mes tableaux proches de moi, ça me permet d’être tout le temps dans le mouvement de création. »
Rosalie Gamache est une technicienne. Elle s’abreuve de lectures sur les processus de création. Sa bible est La technique de la peinture à l’huile, écrit en 1959 par le peintre français Xavier de Langlais. Elle peint sur un support qu’elle fabrique : du coton mince marouflé sur panneau de bois, avec un ajout de gesso. Cette technique limite dans le temps les craquelures de la peinture dues notamment à l’acidité du bois.
Solo à l’automne
Rosalie Gamache participera en août au Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Elle peint actuellement les tableaux qui seront exposés du 7 au 30 septembre chez Duran Mashaal. Une occasion pour vous d’aller contempler ses toiles. Autant elles s’apprécient de loin, autant en s’approchant peu à peu, leur mystère s’éclaircit, sans se révéler complètement. On pourrait croire sa peinture totalement classique, mais elle s’avère de notre temps, avec sa part de conceptuel et d’abstraction.
Réalisant le rêve qu’elle avait à 4 ans, Rosalie Gamache se considère comme chanceuse. Mais elle s’est donné les moyens d’être l’artiste impressionnante qu’elle est devenue. « Je vais toujours au bout des choses que j’entreprends, dit-elle. La peinture, c’est viscéral chez moi. Quand je fais un marathon de peinture, la nuit suivante, je peins dans ma tête ! »
Consultez le site de la galerie Duran Mashaal