L’historien Laurier Lacroix signe actuellement une exposition sur le thème des ateliers d’artistes au Québec, au Musée d’art de Joliette. Un déploiement passionnant sur ces espaces où les artistes cherchent, se reposent et créent. Avec des œuvres de Théophile Hamel, Stanley Cosgrove, Jean Dallaire, Gabor Szilasi, Raymonde April, Michel Campeau, Massimo Guerrera ou encore Raphaëlle de Groot.

Il en a visité des ateliers, Laurier Lacroix, depuis un demi-siècle. Spécialiste de l’art canadien-français d’avant 1930, d’Ozias Leduc et de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, il a toujours apprécié ces lieux magiques qui nous éclairent sur l’artiste et son geste créateur. L’expo nous en apprend donc beaucoup sur les ateliers d’artistes au Québec, mais aussi beaucoup sur Laurier Lacroix. Sur cette passion qui l’anime encore de façon admirable et sur l’éclectisme dont il a fait preuve pour couvrir avec une précision scientifique ce champ d’études consacré au processus de création.

L’exposition L’atelier comme création est un élément collatéral de l’énorme recherche qu’il mène depuis quelques années sur l’histoire des ateliers au Québec et qui aboutira à une publication cette année. Elle a été rendue possible par de nombreux prêts de collections privées et muséales. Elle s’organise autour de cinq thèmes : le portrait et l’autoportrait dans l’atelier ; l’atelier comme espace ouvert ; l’atelier comme sujet ; les fonctions de l’atelier ; et l’atelier comme œuvre.

  • L’entrée de mon atelier, vers 1938, Adrien Hébert, collection MBAM

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    L’entrée de mon atelier, vers 1938, Adrien Hébert, collection MBAM

  • Au centre, le châssis peint par Serge Lemoyne en 1963 (Sans titre), tel qu’exposé en 2021 par le Musée national des beaux-arts du Québec, lors de la rétrospective Lemoyne. Hors jeu, collection MNBAQ

    PHOTO IDA LABRIE, FOURNIE PAR LE MNBAQ

    Au centre, le châssis peint par Serge Lemoyne en 1963 (Sans titre), tel qu’exposé en 2021 par le Musée national des beaux-arts du Québec, lors de la rétrospective Lemoyne. Hors jeu, collection MNBAQ

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L’expo débute avec L’entrée de mon atelier, une peinture d’Adrien Hébert dont nous avions expliqué les caractéristiques, l’été dernier, lors d’un reportage sur l’envers des tableaux. On y découvre l’atelier du peintre – occupé précédemment par Napoléon Bourassa (1827-1916) – alors qu’Adrien Hébert, debout dans le cadre de porte, montre ses toiles à vendre. L’atelier comme galerie, en quelque sorte. À côté de cette peinture, Laurier Lacroix a placé le châssis d’une porte peint par Serge Lemoyne en 1963. Là, c’est une partie de l’atelier qui devient objet et support de l’œuvre.

Laurier Lacroix décline ensuite les différents types d’ateliers. L’atelier de plein air, avec une vue de Québec réalisée par Jean-Baptiste Duberger (1767-1821) depuis les hauteurs de Beauport, également avec les deux tableaux de Goodridge Roberts découlant de son séjour à Saint-Jovite (un paysage et une citation du même paysage), ou avec le travail de Raphaëlle de Groot qui crée dans l’espace public.

PHOTO PAUL LITHERLAND, FOURNIE PAR LE MUSÉE D’ART DE JOLIETTE

Le manteau, 2012, Raphaëlle de Groot

Il illustre aussi l’atelier construit à l’extérieur d’une maison (chez Théophile Hamel), ou l’atelier familial, tel que décrit dans La famille à l’ouvrage, une huile de Simone Mary Bouchard. L’artiste de Baie-Saint-Paul s’est représentée travaillant avec sa famille dans la salle à manger. Ou encore, il nous éclaire sur l’appartement-atelier, comme celui de Fernand Leduc qui, en 1946, avait sous-loué un espace à Claude Gauvreau.

  • L’autoportrait au rideau, 1991, de Raymonde April

    PHOTO ROMAIN GUILBAULT, FOURNIE PAR LE MUSÉE D’ART DE JOLIETTE

    L’autoportrait au rideau, 1991, de Raymonde April

  • Deux autoportraits. À gauche, Ernst Neumann, en 1930. À droite, Edwin Holgate, en 1934. Respectivement du Musée d’art de Joliette et du Musée des beaux-arts de Montréal.

    PHOTO PAUL LITHERLAND, FOURNIE PAR LE MUSÉE D’ART DE JOLIETTE

    Deux autoportraits. À gauche, Ernst Neumann, en 1930. À droite, Edwin Holgate, en 1934. Respectivement du Musée d’art de Joliette et du Musée des beaux-arts de Montréal.

  • Autoportrait dans l’atelier, vers 1849, Théophile Hamel, huile sur toile, 53,8 x 42 cm, collection MNBAQ

    PHOTO FOURNIE PAR LE MNBAQ

    Autoportrait dans l’atelier, vers 1849, Théophile Hamel, huile sur toile, 53,8 x 42 cm, collection MNBAQ

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Le volet portrait-autoportrait comprend des œuvres très variées. De la photographie de Raymonde April, où on la voit tranquillement assise près de sa fenêtre de son appartement de la rue Saint-Urbain, à Montréal, tandis qu’une brise pénètre dans le studio tel le souffle de la création, jusqu’aux autoportraits splendides d’Edwin Holgate et d’Ernst Neumann, et ceux réalisés par la photographe Ève Cadieux.

PHOTO FOURNIE PAR LE MUSÉE D’ART DE JOLIETTE

L’atelier du peintre (Intérieur d’atelier), 1909, Charles Huot, huile sur toile, 69,5 x 87,2 cm

L’atelier comme sujet est bien illustré par l’huile de Charles Huot (1855-1930) où sa fille est assise devant son chevalet. Également avec la toile Cleaners I de John Fox que l’on voit nettoyant son atelier ! Michel Campeau, bien sûr, a aussi représenté son atelier de façon très intime, avec sa belle sensibilité du détail.

PHOTO PAUL LITHERLAND, FOURNIE PAR LE MUSÉE D’ART DE JOLIETTE

Darboral (fragments), 2000-2005, Massimo Guerrera, collection MNBAQ

Enfin, dans la section « l’atelier comme œuvre et espace de sociabilité », l’installation Darboral de Massimo Guerrera vole la vedette ! Son œuvre représente l’atelier vivant, en tant que zone de rencontres, d’échanges, de partage.

Massimo Guerrera donnera d’ailleurs vie à son installation lors d’une performance, le 28 avril.

On a aussi bien aimé la vidéo Light Patch, de Sylvia Safdie, prise sur le plancher de son atelier. La variation de lumière donne l’impression d’un soleil éclairant un désert.

PHOTO ROMAIN GUILBAULT, FOURNIE PAR LE MUSÉE D’ART DE JOLIETTE

Laurier Lacroix lors du vernissage, devant une œuvre de Massimo Guerrera

Cela rejoint le côté contemplatif de Raymonde April. L’œuvre est partout, finalement.

Laurier Lacroix

Voici une expo fort instructive et bien faite, dans la continuité de la fascinante exposition d’Esther Trépanier sur l’abstraction dans les années 1940, au même endroit. Il faudra attendre la publication du livre de Laurier Lacroix pour compléter cette visite. Mais en attendant, en plus de se rendre à Joliette, pourquoi ne pas aller visiter un des rares ateliers accessibles au Québec, soit celui du peintre Rodolphe Duguay (1891-1973), à Nicolet ? Un atelier que son père lui avait bâti à l’image de son atelier parisien. C’est ouvert tous les jours, sauf le lundi. Bonnes visites !

L’atelier comme création – Histoires des ateliers d’artistes au Québec, au Musée d’art de Joliette, jusqu’au 14 mai

Consultez le site de la maison et atelier Rodolphe-Duguay Consultez le site du Musée d’art de Joliette