Le peintre montréalais Tuan Vu expose ses dernières œuvres à la galerie Institut National Art contemporain, dans le Vieux-Montréal, jusqu’au 5 décembre. Songes hédonistes est un heureux mélange d’atmosphère tropicale et de références aux mythologies et aux artistes qui ont inspiré le peintre.

Par les temps qui courent, pénétrer dans la galerie Institut National Art contemporain donne des envies de tropiques. On y ressent une chaude atmosphère, un peu comme si vous descendiez de l’avion à Hô Chi Minh-Ville, au Viêtnam, le pays d’origine de Tuan Vu. Arrivé au Québec à l’âge de 10 ans, l’artiste expose des peintures où la végétation luxuriante vous submerge tant qu’on a l’impression d’en ressentir l’humidité !

Tuan Vu a toujours été inspiré par ses rêves. Lors de son solo au Livart, l’an dernier, il avait expliqué qu’il faisait des cauchemars si intenses dans son enfance qu’il dessinait, à son réveil, les monstres qui les avaient peuplés. Cette exposition colorée, Songes hédonistes, revêt donc un onirisme assumé, l’artiste accolant, ici et là, des personnages issus de la mythologie ou dérivant de l’histoire de l’art.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

The Garden of the Earthly Delights, 2022, médias mixtes, 48 po. x 96 po., diptyque.

L’univers fantastique et allégorique du peintre flamand Hieronimus Bosch (1450-1516) sous-tend ainsi le grand diptyque The Garden of the Earthly Delights, avec la mention d’Adam et Ève, la pomme, le serpent lubrique, les grues fécondes et des allusions à la sagesse, à la vieillesse, à la maladie et à la mort.

Nous avons bien aimé Retour après baignade, paysage foisonnant avec une touche de Riviera italienne suggérant un délassement de fin d’été. Un mélange entre les racines asiatiques de Tuan Vu et sa composante occidentale. Et encore une fois, une pointe mythologique avec la barque et les personnages sombres qui rappellent Charon et la traversée du Styx. « Souvent, ce sont les erreurs de parcours pendant que je peins qui font que des personnages apparaissent, dit le peintre. J’explore ça de plus en plus, car ces erreurs participent souvent à la beauté du travail. »

PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

Le temps qui passe évoque la jeunesse, l’adolescence et la vieillesse, avec trois silhouettes qui évoluent à la surface d’une rivière.

Il y a aussi du Odilon Redon dans quelques toiles de Tuan Vu, celles où l’on retrouve les composantes florales en suspension du peintre symboliste français largement exposé au musée d’Orsay. Tuan Vu intègre beaucoup de cette douceur dans ses peintures et opte pour une évocation de la nature qui a aussi pour but d’appuyer la diversité biologique. « La luxuriance me permet de parler de notre époque, de l’étalement urbain, alors qu’on détruit partout des terres, notamment pour construire des condos, dit-il. Pour moi, la végétation, c’est quelque chose d’important. »

Il y a aussi Le Caravage parmi les inspirations de Tuan Vu. Avec son approche de Narcisse se mirant dans l’eau, étendu au cœur d’une végétation opulente. Botticelli également, avec sa Naissance de Vénus que Tuan Vu reconstruit en repartant du mythe sur l’origine de la déesse de l’amour, née des parties intimes d’Uranus, que son fils Saturne avait coupées et jetées à la mer. En traduisant la légende avec son style évanescent et délicat, Tuan Vu évacue la trivialité du sujet et ajoute une pointe d’actualité. L’œuvre Le déluge à la naissance de Vénus évoque en effet les changements climatiques, avec l’eau qui s’engouffre dans la coquille de Vénus et provoque un déluge.

Évidemment, on ne peut éviter d’insister sur le fait de ressentir fortement, dans la peinture de Tuan Vu, l’influence de Peter Doig dont la touche tropicale est devenue la signature. Tuan Vu est à l’aise avec cet appariement thématique. « J’aime ce peintre, dit-il. Je suis complètement inspiré par lui, j’aime sa personnalité, j’aime son humilité. »

  • Canopée du poisson d’or, 2022, médias mixtes, 36 po. x 30 po.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Canopée du poisson d’or, 2022, médias mixtes, 36 po. x 30 po.

  • Trois œuvres plus petites de Tuan Vu (24 po. x 20 po.)

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Trois œuvres plus petites de Tuan Vu (24 po. x 20 po.)

  • Le Narcisse de Tuan Vu

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Le Narcisse de Tuan Vu

  • Object of Desire, 2022, huile sur toile, 66 po. x 66 po.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Object of Desire, 2022, huile sur toile, 66 po. x 66 po.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Depuis son solo de l’an dernier, Tuan Vu poursuit ses expérimentations et c’est tant mieux. Il ne peint plus seulement à l’huile. Il utilise aussi l’encre de Chine, la technique de détrempe (tempera), ajoute de l’acrylique ou encore fonctionne par couches successives, en filigrane ou en juxtaposition franche.

« Quand je passe des couches, je réfléchis pour savoir ce que je conserve ou élimine, dit Tuan Vu. Tout dépend de la forme, de la couleur et de l’histoire. Parfois, des formes apparaissent, comme des oiseaux. Je poursuis alors dans cette direction, en toute liberté. Comme quand on regarde des nuages dans le ciel et qu’on y perçoit des formes… »

Songes hédonistes, de Tuan Vu, à la galerie Institut National Art contemporain

Consultez le site de l’exposition