Le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) a congédié, la semaine dernière, la sous-directrice et conservatrice en chef du musée, Kitty Scott, le conservateur de l’art autochtone, Greg Hill, le directeur de la conservation et de la recherche technique, Stephen Gritt, et la gestionnaire principale des communications, Denise Siele. Des congédiements qui inquiètent le milieu des arts visuels et le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.

L’annonce de ces congédiements a été communiquée, jeudi dernier, aux employés du musée par une note interne de la directrice intérimaire du MBAC, Angela Cassie. Dans cette note obtenue par La Presse, elle précise qu’il s’agit d’une « restructuration au sein de l’organisation ». « Ces changements de personnel découlent de nombreux facteurs, mais tous ont été effectués dans le but de mieux harmoniser l’équipe de direction du Musée et la nouvelle orientation stratégique de l’organisation », écrit Mme Cassie.

Ces congédiements surviennent cinq mois après le départ de l’ex-directrice du MBAC, Sasha Suda, pour le Philadelphia Museum of Art. Elle avait dévoilé, l’an dernier, le premier plan stratégique de l’institution fondée en 1880. Ce plan, intitulé Transformer ensemble, mettait de l’avant une volonté de prendre en considération « la façon autochtone de penser » dans la gestion et dans la programmation du musée.

Le conservateur responsable de l’art autochtone, Greg Hill, a donc été très surpris et choqué par son congédiement. D’origine mohawk par son père, il travaillait depuis 22 ans au MBAC et était devenu le conservateur principal du Fonds Audain (du nom du mécène et collectionneur vancouvérois Michael Audain) consacré à l’art autochtone.

PHOTO FOURNIE PAR LE MBAC

Nigik Makizinan – mocassins en loutre, une création de l’artiste autochtone Barry Ace présentée lors de l’exposition Àbadakone | Feu continuel, commissariée par Greg Hill en 2019

Kitty Scott était, elle, revenue au Musée des beaux-arts du Canada en janvier 2020 (en provenance du Musée des beaux-arts de l’Ontario) après avoir passé six ans au MBAC en tant que conservatrice de l’art contemporain, de 2000 à 2006.

« La situation au Musée des beaux-arts du Canada est préoccupante, a dit Laura Scaffidi, porte-parole du ministre Pablo Rodriguez. Les Canadiens s’attendent à ce que nos sociétés d’État offrent des environnements de travail sécuritaires et inclusifs qui reflètent le Canada que nous connaissons et aimons. »

Représentant 41 galeries canadiennes, l’Association des galeries d’art contemporain (AGAC) exprime également son inquiétude par la voix de son coprésident Dominique Toutant.

On voudrait comprendre quelle est la stratégie des responsables du MBAC. Car, en ce moment, ils créent de l’insécurité auprès de l’industrie au complet, que ce soit les galeries, les artistes ou les collectionneurs.

Dominique Toutant, coprésident de l’AGAC

« Depuis le départ du directeur Marc Mayer, en 2019, le MBAC semble plus se déconstruire que se construire, regrette Dominique Toutant. Un plan stratégique a été adopté, mais Sasha Suda est partie. En ce moment, l’inquiétude est majeure. Le sujet va être évoqué à notre prochain C.A. »

Pourquoi ?

La Presse a tenté en vain de parler à la directrice Angela Cassie pour obtenir des éclaircissements sur les raisons de ces congédiements. La responsable des relations avec les médias, Josée-Britanie Mallet, a répondu dans un premier temps : « nos obligations de confidentialité nous empêchent de discuter des questions relatives au personnel » avant de préciser, mardi, que la restructuration consiste à « reconsidérer tous les postes ». Donc, même ceux de cadres expérimentés.

« La perte d’expertise, c’est grave, dit Dominique Toutant. Mettre de côté Greg Hill, qui a littéralement apporté l’art autochtone au musée national, et mettre à la porte le spécialiste de la conservation [Stephen Gritt], est-ce vraiment utile durant une restructuration ? C’est triste. Le Musée des beaux-arts du Canada, qui est le phare de l’art au Canada, semble avoir éteint sa lumière. »

L’AGAC estime que le MBAC a un problème de gouvernance. Nous avons posé la question au ministre Pablo Rodriguez. Sa porte-parole, Laura Scaffidi, a seulement indiqué que le musée faisait partie des institutions indépendantes du gouvernement et qu’elles « sont responsables de leurs propres activités quotidiennes, avec un conseil d’administration qui supervise leur gouvernance ».

Le processus de recherche d’une personne pour remplacer Sasha Suda vient d’être enclenché, nous a dit Mme Mallet. Ce poste est rémunéré 204 200 $ par année.