Talent précoce
Née avec des crayons et des ciseaux dans les mains, Karine Giboulo avait seulement 12 ans qu’elle exposait déjà ses créations… pour ses tantes, dans son village de Sainte-Émélie-de-l’Énergie. Par la suite, elle a étudié les arts au cégep du Vieux Montréal, la photographie au collège Marsan, l’histoire de l’art à l’Université de Montréal et la gravure au centre Saidye-Bronfman.
Elle a souvent créé ses œuvres à la suite de voyages : Chine, Inde, Kenya, Haïti, etc. Des figurines en argile polymère qui parlent de consumérisme, d’exploitation des travailleurs, d’injustice sociale, d’environnements dégradés, d’urbanisation outrancière, de disparition des traditions rurales. Des sujets graves traités avec lucidité et humanité, mais aussi une pointe de féerie et parfois d’humour.
Elle avait 19 ans quand elle a vendu sa première œuvre à un collectionneur, grâce à l’opticien Georges Laoun (disparu l’an dernier), qui exposait ses œuvres dans son commerce. Elle a ensuite conquis les collectionneurs d’art contemporain, d’Alexandre Taillefer à Pierre et Anne-Marie Trahan en passant par la famille Desmarais, Nathalie Bondil, la McMichael Canadian Art Collection, en Ontario, et le Musée des beaux-arts de Montréal qui fut le premier musée à acquérir une de ses œuvres, All You Can Eat, en 2010, installation dévoilée lors de la Nuit blanche en 2008.
Représentée par Art Mûr, elle a exposé dans les grands musées. N’hésitant pas à envoyer des propositions hors du Québec, elle a acquis, depuis 15 ans, une solide réputation en Ontario, en Nouvelle-Écosse et aux États-Unis où son œuvre Village électronique circule dans les musées-hôtels 21C du groupe Accor depuis des années. En ce moment, une de ses œuvres du projet collectif Errance sans retour sur les réfugiés rohingya (avec les cinéastes Mélanier Poirier et Olivier Higgins et le photographe Renaud Philippe) est exposée par Art Mûr à la Biennale de Venise.
Musée Gardiner
Du 20 octobre au 7 mai, Karine Giboulo présentera Housewarming/Ma maison de plain-pied au musée Gardiner. Un travail évoquant la pandémie sera déployé dans le musée à l’intérieur d’une maison reconstituée. On retrouvera l’ambiance durant le confinement, avec la mise en scène de symboles liés à l’adaptation à la maladie. « Avec aussi des références sur ce qui s’est passé durant cette période, dit-elle. Le réchauffement climatique, les inondations, notre façon de consommer, etc. La maison est un prétexte pour faire réfléchir sur ce qui se passe sur la planète. »
Les 60 œuvres de ce corpus sont en cours de transfert à Toronto. Une grande partie d’entre elles sont déjà vendues. L’expo pourrait toutefois voyager après son passage dans la Ville Reine.
Les Rohingya
Après le projet du Gardiner, Karine Giboulo s’attaquera à une deuxième phase du corpus Errance sans retour. « Nous allons faire un court métrage avec Mélanie Poirier et Olivier Higgins sur Mohammed Shofi, ce Rohingya qui vit à Québec et dont des membres de la famille sont réfugiés au Bangladesh. Il était le narrateur de l’histoire, lors du premier film présenté au Musée national des beaux-arts du Québec. Dans ce court métrage intitulé provisoirement Shofi, on racontera son histoire quand il était dans les camps. Ce sera illustré avec mes figurines. »
Voir le projet initial d’Errance sans retourL’atelier
Karine Giboulo est un bourreau de travail. « Je travaille beaucoup. Tout le temps ! », dit-elle, en riant. Ses figurines requièrent environ une journée de travail. Elle en fait des dizaines pour chaque corpus. Toutes conçues dans sa tête, après qu’elle eut été inspirée par l’actualité et des documentaires. « Mon cerveau pense en 3D. Parfois je dessine, mais pour moi, c’est plus difficile d’aplatir ! Je vois l’image en 3D. »
Quand elle se concentre sur ses petites sculptures, Karine Giboulo est dans un autre monde. Totalement immergée dans son souci de décrire ses personnages avec réalisme. Et corpus après corpus, elle est toujours en quête de mieux faire. « Mon rêve est de parvenir à créer quelque chose qui m’aura impressionnée de l’avoir fait, dit-elle. C’est un peu obsessif-compulsif, mon affaire ! J’ai plein d’idées dans la tête. Je ne rêve pas de notoriété. J’aime que mon art soit accessible à tout le monde. Je suis heureuse avec les gens. »