(Paris) Armées d’un énorme coton-tige, plusieurs personnes s’affairent à nettoyer une toile. Quelques mètres plus loin, d’autres, palette de couleurs à la main, tentent de corriger les affres du temps : près de Paris, la restauration des 22 tableaux de Notre-Dame est une « course contre la montre ».

C’est un chantier resté dans l’ombre de celui la cathédrale, monument emblématique de la capitale française, ravagé par un incendie en avril 2019 : la restauration simultanée de ces œuvres, qui n’ont pas été endommagées par le sinistre et doivent réintégrer l’édifice pour sa réouverture en 2024, est une opération unique par son ampleur.  

Tout se passe dans un lieu tenu secret.

Arrivées six semaines après l’incendie de 2019, ces toiles – 25 au total dont 22 sont rénovées – sont réparties dans trois immenses salles hermétiques, loin de l’image que l’on pourrait se faire d’un atelier d’artiste.

« C’est un peu une course contre la montre », dit à l’AFP la restauratrice Laurence Mugniot.

« Historique médical »

« Deux ans, ça peut paraître long mais c’est habituellement le temps qu’il faut pour restaurer une toile comme Le Triomphe de Job, qui est derrière nous », souligne-t-elle, en signalant l’immense œuvre de plusieurs mètres de hauteur de l’Italien Guido Reni, accrochée dans son dos.

Alors, pour tenir les délais, il a fallu s’organiser différemment. Les tableaux passent de mains expertes en mains expertes, sans temps de repos : dès qu’une étape est terminée, il faut enchaîner avec une autre peinture.

Avant d’arriver à ce stade, elles ont été soigneusement analysées pour établir un diagnostic de conservation : « On ne touche pas une toile sans connaître son historique médical », souligne auprès de l’AFP Oriane Lavit, conservatrice du patrimoine au sein du Centre de recherche et de restauration des Musées de France.

Une fois cet historique connu, les peintures passent au nettoyage. Avec un coton-tige imbibé d’un produit nettoyant homologué, plusieurs restaurateurs retirent les couches de crasse et  les vernis qui parasitent la peinture.  

Le geste est vif mais précis : poignet en l’air, mouvement circulaire, ils se concentrent d’abord sur les zones les plus urgentes. « Ce qu’on veut, c’est lui redonner sa vraie nature », explique Laurence Mugniot, qui chapeaute le nettoyage du Triomphe de Job.

Dans une autre salle, d’où se dégage une légère odeur de peinture, la conservatrice-restauratrice Cinzia Pasquali s’attelle à la retouche d’une œuvre. Un pinceau dans une main, palette de couleurs dans l’autre, elle tente de combler les usures.

2,7 millions d’euros

Là encore, c’est un travail d’orfèvre. « On utilise des couleurs spécifiques car ce sont des couleurs réversibles. On ne travaille pas avec les couleurs d’époque », explique-t-elle, tout en soulignant qu’il s’agit d’un travail d’équipe, où les discussions entre restaurateurs et conservateurs sont nombreuses.

En face d’elle : Jean-François Hulot, spécialiste en rénovation « support ». Son travail consiste à faire en sorte que les toiles - qui remontent aux 17e et 18e siècles - ne se brisent pas.

Ici, pas d’effluve de peinture mais comme une vague senteur de colle.

L’objet de son attention est Le Martyre de Saint-Barthélémy du Français Lubin Baugin. La toile est allongée en longueur sur une table. Ici, pas de risque de rupture car ce sont les bords qui sont endommagés, rendant difficile sa manipulation.  

Pendant ce temps, une autre équipe prend soin des cadres. Car eux aussi ont besoin d’une restauration. « La chaleur de l’incendie a séché et fragilisé le bois », commente Jean-Pierre Galopin.

Une fois toutes ces étapes terminées, les tableaux sont stockés dans une salle dédiée. Il faut entre 8 et 10 personnes pour les déplacer en toute sécurité. Ils y resteront jusqu’à la réouverture de la cathédrale.  

Ce projet représente un coût de 2,7 millions d’euros (3,5 millions de dollars canadiens). Il s’agit de la plus grande restauration simultanée de tableaux grand format en France.